MĂMOIRESDâORION chapitre 2 PubliĂ© par la-PG le 9 juin 2019 9 juin 2019. Merci de votre soutien ! Sethi Sun et Gwin Ogh. Sara Maya reconnut immĂ©diatement la justesse du choix de Shinta Naya Horus Kron. Sethi Ă©tait un ĂȘtre exceptionnel fort respectĂ© non seulement sur Sirius mais Ă©galement dans de nombreux systĂšmes. Grand historien et Ă©rudit, il Ă©tait souvent appelĂ©
Bonjour, Cet article n'est pas de moi, je l'ai trouvĂ© sur Ultim40k sur ce lien, mais il devrait aider les personnes qui souhaitent Ă©crire un historique pour leur chapitre maison. Je vous en propose ici la version de dĂ©but mai 2012 de Nash Ă qui tout le crĂ©dit de la traduction de l'article originel revient, version qui sera/a Ă©tĂ© Ă©ditĂ©e par lui. DĂšs que j'aurai 5 minutes je corrigerai les liens morts. Si j'ai bien suivi l'appendice 3 est entiĂšrement de lui. Je rĂ©pĂšte l'article n'est pas de moi I didn't write it j'ai juste ajoutĂ© une remarque apparemment non pertinente sur la Raven Guard. Il est une suite plus dĂ©veloppĂ©e de l'article que j'avais prĂ©cĂ©demment Ă©crit sur la crĂ©ation de chapitre perso. J'ai volontairement laissĂ© les liens dans le texte permettant de retourner sur le forum dont il est issu, vous avez ainsi la possibilitĂ© de rĂ©agir aux articles. Ce qui suit est, pour une grande partie, une traduction d'un article collectif en anglais créé sur le site Bolter & Chainsword, mis Ă jour, corrigĂ© et Ă©tendu par mes soins. Toute personne qui dĂ©sire crĂ©er son Chapitre Space Marine "maison" y trouvera une sĂ©rie de conseils et d'informations sur le fluff officiel des Space Marines qu'il est nĂ©cessaire de prendre en compte... Ce sujet est reservĂ© aux articles d'aide Ă la crĂ©ation de Chapitre et a donc Ă©tĂ© vĂ©rouillĂ©, pour tout commentaire ou toute question voir ce sujet... Introduction Comme toute personne qui a dĂ©jĂ dĂ©cidĂ© de crĂ©er son propre Chapitre le sait, la partie la plus dure est de trouver quelque chose d'original, plein de caractĂšre et qui n'a pas dĂ©jĂ Ă©tĂ© fait un million de fois auparavant. Cette liste a Ă©tĂ© créée pour aider ceux qui dĂ©sirent crĂ©er leur chapitre et leur permettre d'Ă©viter les piĂšges et les clichĂ©s qui sont apparus au fil des ans et ainsi crĂ©er des chapitres intĂ©ressants qui s'intĂšgrent dans les 25 ans de fluff officiel. Car aprĂšs tout, c'est ce qui fait ce qu'est 40k aujourd'hui. Cette liste ne constitue pas des rĂšgles immuables mais plutĂŽt un guide. En fait, il y a des occasions oĂč briser l'une des "lois du fluff" de 40k peut s'avĂ©rer valoir le coup et permettre de crĂ©er quelque chose d'unique... Mais cela nĂ©cessite de connaitre son sujet parfaitement. Je tiens Ă remercier tous les membres de B&C qui ont participĂ© Ă l'Ă©laboration de cette liste. [Et tout particuliĂšrement ses rĂ©dacteurs Rogue Trader, Aurelius Rex, Kurgan_the_Lurker, Commissar Molotov et Several Concerned Cricketers -NdT] Les choses Ă faire... Je le rĂ©pĂšte, cette liste ne constitue pas de vĂ©ritables rĂšgles mais plutĂŽt des indications. Ceci dit, les 2 rĂšgles d'or qui suivent sont ce qu'il y a de plus proche de rĂšgles pures et dures... ++ RĂšgle d'or n°1 Soyez aussi original que possible. On dit souvent qu'il n'y a pas d'idĂ©es originales, quelqu'un, quelque part aura toujours pensĂ© Ă la mĂȘme chose que vous. Mais cela ne signifie pas que votre chapitre maison ne peut pas ĂȘtre original. S'inspirer d'un chapitre existant, d'un livre, d'un film, d'une pĂ©riode de l'histoire, d'une culture ou quoi que ce soit d'autre est une bonne idĂ©e. Cependant, ne copiez pas l'idĂ©e de dĂ©part en entier; ajoutez quelque chose, retirez quelque chose, jouez avec un moment, vous serez probablement surpris du rĂ©sultat final... ++ RĂšgle d'or n°2 Soyez prĂȘt Ă accepter la critique de vos idĂ©es, et Ă corriger votre Index Astartes en consĂ©quence. Si vous postez votre IA, c'est que vous voulez l'amĂ©liorer. Le but principal est de partager vos idĂ©es avec d'autres personnes dans la mĂȘme situation et d'obtenir autant de points de vue que possible pour vous aider dans votre processus crĂ©atif. Vous n'ĂȘtes pas obligĂ© de prendre en compte l'intĂ©gralitĂ© des conseils et suggestions qui vous seront donnĂ©es, vous n'ĂȘtes pas obligĂ© de les aimer, mais il est inutile de poster un IA si vous n'ĂȘtes pas prĂȘt Ă considĂ©rer sĂ©rieusement les idĂ©es et suggestions qui seront prĂ©sentĂ©es par ceux qui auront lu votre IA. La majoritĂ© des gens qui rĂ©pondent et prĂ©sentent leur avis le font dans le but de vous aider, souvenez-vous de cela. L'autre face de cette piĂšce est que l'on attendra de la part de ceux qui rĂ©pondent d'apporter des critiques constructives et argumentĂ©es, et non pas coller une Ă©tiquette "ridicule" ou "sans valeur" sur vos idĂ©es. Votre chapitre maison c'est votre bĂ©bĂ©, nous comprenons tous cela car nous avons tous Ă©tĂ© dans cette situation un jour ou l'autre. Mais il est important de savoir lĂącher une idĂ©e quand son potentiel s'est effritĂ© au-delĂ de toute rĂ©cupĂ©ration. N'ayez pas peur de laisser tomber une idĂ©e ou de la retravailler pour qu'elle "colle". Au pire, vous pourrez toujours utiliser une idĂ©e abandonnĂ©e pour crĂ©er un autre chapitre maison, plus tard. Un bon IA se dĂ©veloppera presque de lui-mĂȘme, prenant vie, n'ayez pas peur de le laisser grandir... ++ Ayez un thĂšme bien dĂ©fini pour votre chapitre et suivez le jusqu'au bout. La partie la plus dure et la plus vitale dans la crĂ©ation d'un chapitre maison est de lui donner un thĂšme, de lui donner une identitĂ© ou un objectif unique et ensuite de "broder" ce thĂšme au cĆur de chacun des aspects de leur caractĂšre. Une fois ce thĂšme dĂ©fini vous pourrez vous pencher sur les autres aspects de votre chapitre, comment son nom, son monde d'origine, son histoire, sa doctrine de combat, son organisation, ses relations avec l'extĂ©rieur et son cri de guerre peuvent y ĂȘtre reliĂ©. En faisant cela, le chapitre commence Ă devenir plus rĂ©aliste, et en fait bien plus facile Ă dĂ©crire, au lieu de n'ĂȘtre qu'un ensemble disparate d'idĂ©es jetĂ©es ensemble. Si vous avez une idĂ©e que vous aimez mais qui ne cadre pas avec le thĂšme de votre chapitre, mettez-la de cotĂ© pour plus tard. Son temps viendra sĂ»rement pour un autre projet... ++ Lisez autant de fluff que possible. Cela parait Ă©vident mais le plus vous lirez de fluff, le plus vous pourrez vous faire une idĂ©e de ce qui est ou pas possible Ă l'intĂ©rieur du cadre narratif dĂ©fini par GW pour l'univers de 40k. Ainsi vous serez plus Ă mĂȘme d'Ă©crire un background pour votre chapitre qui soit, non seulement plausible, mais aussi "fluffique". Et il n'y a rien de plus gratifiant que de savoir que l'on vient de crĂ©er un IA qui se fond complĂštement dans l'univers 40k. ++ Faites des recherches sur ce que vous avez dĂ©cidĂ© pour votre chapitre. Renseignez-vous sur le Secteur dans lequel vous voulez baser votre chapitre. Vous trouverez ainsi les Ă©vĂ©nements qui ont marquĂ© ce secteur, quels systĂšmes et planĂštes le composent, quels types d'ennemis votre chapitre aura le plus de chances de rencontrer... Renseignez-vous sur le patrimoine gĂ©nĂ©tique que votre chapitre utilise, y a-t'il quelque chose d'inhabituel Ă son propos, une mutation mineure d'un des organes Raven Guard, ou des organes qui manquent Imperial Fists? [Voir l'Appendice 3 Chapitres Successeurs et Patrimoine GĂ©nĂ©tique pour de plus amples informations Ă ce propos. -NdT] ++ Commencez par faire un rĂ©sumĂ© de vos idĂ©es. CrĂ©er un bon IA est un processus holistique, au fur et Ă mesure qu'une partie se dĂ©veloppe, elle peut inspirer des idĂ©es qui affecteront directement d'autres parties. Il est donc souvent plus utile de dĂ©velopper l'IA dans son ensemble plutĂŽt que de passer du temps Ă dĂ©velopper, par exemple, la section sur le monde d'origine avant de passer aux doctrines de combat pour finalement vous rendre compte que vous avez eu une idĂ©e durant la rĂ©daction des tactiques qui nĂ©cessite un changement au niveau du monde... Commencer avec les bases ne peut pas vous faire de mal Quel est leur patrimoine gĂ©nĂ©tique? Quelle est leur fondation? Quel est le symbole du chapitre? Ses couleurs? A quoi ressemble leur monde d'origine et quel type de culture abrite-t-il? Est-ce un monde-ruche? Un monde Sauvage? etc OĂč dans l'Imperium sont-ils basĂ©s? Cela aide particuliĂšrement Ă dĂ©finir leurs ennemis les plus courants. Quelle est leur doctrine de combat? PrĂ©fĂšrent-ils le corps Ă corps ou Ă©craser l'ennemi sous des tirs massifs? Comment sont-ils organisĂ©s? Suivent-ils le Codex Astartes Ă la lettre ou sont-ils un peu diffĂ©rents? Quelles sont leurs croyances? ++ Restez simple, rien ne bat des idĂ©es simples. Une idĂ©e simple et bien Ă©crite est infiniment prĂ©fĂ©rable Ă une intrigue complexe mais moins bien conçue. De plus, il est en fait bien plus simple d'Ă©crire Ă propos d'une idĂ©e simple, ce qui est un bonus intĂ©ressant. Vous vous rendrez aussi compte qu'une fois que vous aurez posĂ© les bases clairement, les idĂ©es commenceront Ă se dĂ©velopper d'elles-mĂȘmes en quelque chose de plus complexe. ++ Laissez le fluff dicter les traits et non pas le contraire. Commencez par Ă©crire votre IA, puis dĂ©cidez des traits qui collent Ă votre fluff. Il est prĂ©fĂ©rable de faire de cette façon que de tenter de faire coller votre background Ă vos traits prĂ©fĂ©rĂ©s. Vous vous retrouveriez le plus souvent avec une version bancale de votre vision originale du chapitre parce que vous aurez dĂ» "bidouiller" le fluff pour que ça colle. La derniĂšre chose que vous vouliez est d'investir du temps et de la sueur dans l'Ă©criture d'un IA complet, juste pour vous rendre compte que vous n'ĂȘtes pas content du rĂ©sultat final parce qu'il ne correspond pas Ă ce que vous vouliez pour commencer. ++ Utilisez un patrimoine gĂ©nĂ©tique stable. Le fluff officiel nous apprend que les 2/3 des chapitres furent créés en utilisant le patrimoine gĂ©nĂ©tique des Ultramarines. Il y a donc de fortes chances que ce soit le cas de votre chapitre, cela ne vous oblige pas Ă en faire des sosies des UM pour autant. [Cf. Mortifactors par exemple -NdT] Le patrimoine gĂ©nĂ©tique suivant par ordre d'utilisation est celui des Imperial Fists. Puis viennent ceux des White Scars, Salamanders et Iron Hands, tous utilisĂ©s assez rĂ©guliĂšrement. Par contre ceux des Blood Angels et Raven Guard sont plus rarement utilisĂ©s Ă cause de leurs anomalies gĂ©nĂ©tiques. Celui des Dark Angels, bien que pur est rarement utilisĂ© pour des raisons "politiques". Et enfin, celui des Space Wolves n'a plus Ă©tĂ© utilisĂ© depuis les problĂšmes rencontrĂ©s par les Wolf Brothers peu aprĂšs la Seconde Fondation. ++ Rappelez-vous que l'ambigĂŒitĂ©, au bon endroit, peut ĂȘtre une bonne chose. AmbigĂŒitĂ©, conjecture, thĂ©ories de conspiration... UtilisĂ© correctement tout cela peut amener un air de mystĂšre Ă votre chapitre. Vous insĂ©rerez ainsi une intrigue juteuse qui chatouillera le lecteur. Par exemple, les gens se posent toujours des questions Ă propos des deux lĂ©gions disparues, il y a des conjectures Ă propos de l'implication de l'Inquisition et de l'Officio Assassinorum dans la chute des Celestial Lions durant la 3Ăšme guerre pour Armageddon et la destruction de la forteresse-monastĂšre des Crimson Fists... Et qu'en est-il des mains mĂ©talliques de Ferrus Manus, les doit-il Ă un combat contre un C'tan? Tout comme un magicien, ne rĂ©vĂ©lez pas tous vos secrets... ++ Bien sĂ»r ce sont des hĂ©ros, mais assurez vous qu'ils restent crĂ©dibles. Votre chapitre est votre point de focale narrative, les "hĂ©ros" si vous prĂ©fĂ©rez, et il est clair que leurs actions et batailles doit ĂȘtre prĂ©sentĂ© sous un angle positif, mais assurez-vous de rester crĂ©dible. Si vous affirmez qu'ils ont annihilĂ© une lĂ©gion renĂ©gate largement supĂ©rieure en nombre sans subir la moindre perte, puis qu'ils donnĂšrent une fessĂ©e Ă Abaddon avant de lui voler son EpĂ©e-DĂ©mon, alors vous avez dĂ©passĂ© les bornes et n'espĂ©rez pas d'autre rĂ©ponse que "Ouais, c'est ça... " ++ Utilisez un des chapitres GW si vous le dĂ©sirez. GW crĂ©e un nombre important de chapitres et souvent n'y accorde ensuite plus aucune attention, fournissant ainsi l'opportunitĂ© au crĂ©ateur de chapitre maison novice d'en prendre les rennes. Ces chapitres peuvent ĂȘtre divisĂ©s en 2 catĂ©gories les chapitre "Ă©tablis", pour lesquels un nom, un schĂ©ma de couleurs et un peu de fluff existent les White Consuls par exemple et ceux qui ne sont qu'un nom et un schĂ©ma de peinture comme beaucoup de ceux de l'Insignum Astartes ou de cette liste par exemple. Une chose importante Ă retenir en choisissant l'un de ces chapitres est que GW peut un jour dĂ©cider de dĂ©velopper plus ce chapitre, balançant ainsi votre beau boulot par la fenĂȘtre. Mais, si vous ĂȘtes prĂȘt Ă prendre ce risque, alors dĂ©velopper un de ces chapitre peut-ĂȘtre une expĂ©rience gratifiante. ...et celles Ă ne pas faire +++ Patrimoine gĂ©nĂ©tique +++ ++ N'affirmez pas que votre chapitre a Ă©tĂ© créé en utilisant un patrimoine gĂ©nĂ©tique d'une LĂ©gion RenĂ©gate. Il n'y a aucune raison de faire cela, l'Imperium possĂšde des stocks bien fournis d'Implants loyalistes, et bien qu'ils possĂšdent aussi des stocks d'implants de traitres, ils sont gardĂ©s dans des chambres Ă stase fermĂ©es. Bien sĂ»r, il n'y a aucune raison qui vous interdise l'option que votre chapitre ne connaisse pas ses origines Ă cause de la perte ou de la destruction de leurs archives par exemple et de suggĂ©rer sans jamais le dire clairement qu'il ait pu ĂȘtre créé Ă partir d'un patrimoine gĂ©nĂ©tique de traitre... [Cf. le lien supposĂ© Blood Ravens/Thousand Sons -NdT] ++ N'utilisez pas le patrimoine gĂ©nĂ©tique des Space Wolves pour votre chapitre. D'une certaine façon, cela rejoint le problĂšme des Implants de Traitres. Un seul autre chapitre fut créé en utilisant les gĂšnes des Space Wolves, les Wolf Brothers, et ils n'existent plus. AprĂšs cela l'utilisation du patrimoine gĂ©nĂ©tique des Space Wolves fut interdite. La seule façon "fluff" qui vous permettrait de contourner ce problĂšme est de crĂ©er un chapitre de la Fondation Maudite 21Ăšme ou de la Fondation Obscure 13Ăšme, mais il est trĂšs improbable qu'un tel chapitre connaisse l'origine de ses implants. Il est souvent bien plus simple d'utiliser les rĂšgles des Space Wolves et de renommer l'Ă©quipement et trouver une nouvelle idĂ©e pour justifier l'utilisation de ces rĂšgles. [Depuis la sortie du Codex Dark Angels V5 le paragraphe suivant n'est plus vraiment valide. Cependant certains de ses conseils peuvent toujours ĂȘtre intĂ©ressants pour ceux qui souhaitent coller au "vieux fluff"... -NdT] ++ N'affirmez pas que votre chapitre successeur des Dark Angels chasse les DĂ©chus. Le fluff officiel Ă©tabli clairement que seul les chapitres d'ImpardonnĂ©s les Dark Angels et leurs 3 chapitres successeurs de la 2nde Fondation sont au courant de l'existence des DĂ©chus. Aucun des chapitres de la 3Ăšme fondation, ni des fondations suivantes, ne sont au courant. Votre chapitre n'est pas une exception. Si vous utilisez les rĂšgles des Dark Angels, il existe plein d'explications alternatives possibles pour la rĂšgle "La Traque des DĂ©chus". Soyez crĂ©atif! ++ Ne touchez pas aux patrimoines gĂ©nĂ©tiques. La modification et le mĂ©lange des Implants est une mauvaise idĂ©e, dans les rares occasions oĂč la manipulation d'Implants a Ă©tĂ© tentĂ©e cela a abouti Ă de mauvaises choses pour le chapitre en question voir les Lamenters ou les Relictors par exemple. Le patrimoine gĂ©nĂ©tique est le saint des saints, il est la part du Primarque implantĂ©e dans un Marine pour le rendre surhumain. Diluer ou manipuler les saints restes d'un Primarque est probablement la plus grande hĂ©rĂ©sie possible. La seule occasion ou vous pouvez vous en sortir avec un patrimoine gĂ©nĂ©tique hybride et de crĂ©er un chapitre de la Fondation Maudite 21Ăšme ou Obscure 13Ăšme, et mĂȘme dans ce cas, je ne le recommanderais pas. ++ N'affirmez pas que votre chapitre a rĂ©solu la MalĂ©diction de Sanguinius. Le patrimoine gĂ©nĂ©tique de Sanguinius affecte ceux qui le reçoivent de façon encore plus forte que tout autre. En plus de gagner une grande longĂ©vitĂ©, ils hĂ©ritent de la MalĂ©diction de la Rage Noire et de la Soif rouge qui a dĂ©jouĂ© toutes les tentatives de leurs Apothecaria pendant dix mille ans. Et bien que les manipulations peu judicieuses de la Fondation Maudite aie modĂ©rĂ© ses effets, cela a engendrĂ© de sĂ©rieux effets secondaires. [Cf. Lamenters -NdT] Les successeurs des Blood Angels devraient toujours utiliser les rĂšgles du Codex Blood Angels et non pas les traits de chapitre... +++ Origine du Chapitre +++ ++ N'affirmez pas que votre chapitre est l'une des LĂ©gions disparues. Une partie du charme de l'univers du 41Ăšme millĂ©naire vient du fait que l'on ne sait pas tout. Nous ne savons pas ce qu'il est advenu des deux LĂ©gions manquantes, nous ne savons mĂȘme pas pourquoi elles-ont Ă©tĂ© effacĂ©es des archives ImpĂ©riales. Câest une bonne chose, et GW sait trĂšs bien que s'ils nous rĂ©vĂ©laient chaque petit dĂ©tail, nous perdrions tout intĂ©rĂȘt assez vite. ++ N'affirmez pas que votre chapitre est constituĂ© des membres restĂ©s loyaux d'un LĂ©gion ayant trahi durant l'HĂ©rĂ©sie. Il semble Ă©vident que tout groupe aux couleurs d'une LĂ©gion renĂ©gate qui pointerait le bout de son nez dans l'espace ImpĂ©rial serait reçu au son des canons et ne survivrait pas assez longtemps pour pouvoir convaincre qui que se soit de sa loyautĂ©... [Peut-ĂȘtre voir ce quâen disent les livres de lâHĂ©rĂ©sie dâHorus, notamment ceux concernant Garro, notamment Sword of truth » qui sortira en dĂ©cembre 2012] ++ N'affirmez pas que votre chapitre date de la Seconde Fondation. La Seconde Fondation est plus ou moins bouclĂ©e, la seule brĂšche reste les chapitres successeurs des Ultramarines, l'Apocryphe de Skaros affirme que 23 chapitres furent créés mais GW n'en a nommĂ© que 15. [Mais il y a de fortes chances que GW se dĂ©cide Ă citer les 8 autres un jour, vous plaçant alors dans la mĂȘme situation peu confortable qu'avec d'autres gĂ©nomes... -NdT] ++Ne formez pas de nouveaux chapitres Ă partir des compagnies perdues/oubliĂ©es d'un autre chapitre. Une compagnie ou un dĂ©tachement d'un chapitre qui disparait ou est "oubliĂ©" par le chapitre "pĂšre" ne crĂ©e pas son propre chapitre mĂȘme s'ils dĂ©cident de repeindre leur armure et de changer leur nom. Une compagnie de Dark Angels sĂ©parĂ©e du chapitre peu importe le temps reste des Dark Angels, et se verrait tout simplement rĂ©intĂ©grĂ©e au chapitre quand elle entrerait en contact avec le Roc... [Cf. la nouvelle Deathwing dans le livre du mĂȘme nom. -NdT] ++ N'affirmez pas que votre chapitre fut créé par un autre. Que la section de commandement du chapitre "Y" soit, Ă l'origine, formĂ© par des membres du chapitre "X" est raisonnable, mais un chapitre augmentant ses effectifs jusqu'Ă ce qu'il y ait 1000 Marines surnumĂ©raires pour ensuite les laisser former leur propre chapitre ne tient pas debout... ++ N'affirmez pas que votre chapitre fut créé par insĂ©rez votre Primarque favori ici en secret avant l'HĂ©rĂ©sie. Il n'y avait pas de raison pour que cela arrive. Avant l'HĂ©rĂ©sie les Marines Ă©taient organisĂ©s en LĂ©gions. Pourquoi un Primarque aurait il choisi de diluer son pouvoir plutĂŽt que de simplement ajouter plus d'hommes Ă sa LĂ©gion? Pour ĂȘtre encore plus clair avec l'existence de 20 LĂ©gions, il n'y avait tout simplement aucun besoin de chapitre "secrets", ils avaient toute la "main d'Ćuvre" nĂ©cessaire. ++ N'affirmez pas que votre chapitre fut fondĂ© par un 21Ăšme Primarque secret. Il y avait 20 Primarques. Ni plus, ni moins. N'essayez pas de briser 25 ans de fluff en crĂ©ant votre propre Primarque secret, c'est ridicule et sans intĂ©rĂȘt. Quand vous crĂ©ez un chapitre maison, vous pouvez dĂ©finir le caractĂšre de votre chapitre comme vous le voulez, le patrimoine gĂ©nĂ©tique ne joue qu'un rĂŽle mineur. CrĂ©er un nouveau Primarque et un nouveau patrimoine gĂ©nĂ©tique ne fait rien d'autre que retirer toute crĂ©dibilitĂ© Ă votre chapitre. Et, pour les mĂȘmes raisons, n'affirmez pas que votre chapitre Ă Ă©tĂ© créé en utilisant le patrimoine gĂ©nĂ©tique de l'Empereur. Seuls les Custodes peuvent le prĂ©tendre [cfr Le premier HĂ©rĂ©tique] ++ Ne tentez pas d'usurper le rĂŽle d'une autre organisation ImpĂ©riale. Habituellement, c'est l'Officio Assassinorum, pour une raison qui m'Ă©chappe. Le rĂŽle des Space Marines n'est pas l'assassinat des dirigeants ennemis, ni de discrĂštement chasser les hĂ©rĂ©tiques, ni de policer une planĂšte ni tout autre rĂŽle dĂ©jĂ rempli par l'un des organes de la machine ImpĂ©riale respectivement Officio Assassinorum, Ordo Hereticus et Adeptus Arbites au cas oĂč vous vous poseriez la question!. Les Space Marines sont les Anges de la Mort de l'Empereur, une force de frappe chirurgicale composĂ©e de machines Ă tuer gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©es. Bien qu'ils puissent ĂȘtre appelĂ©s en renfort quand la situation dĂ©passe les capacitĂ©s d'autres organisations ImpĂ©riales, ils rĂšglent le problĂšme et s'en vont. Ils ne dĂ©cident pas soudainement, aprĂšs avoir pacifiĂ© une planĂšte rebelle par exemple quâils vont remplir les fonctions d'Arbitrators sur cette planĂšte. Il y a un million de planĂštes dans l'Imperium et un million de Marines pour les protĂ©ger. Les Marines sont bien trop prĂ©cieux pour ĂȘtre gĂąchĂ©s sur des taches qui peuvent ĂȘtre effectuĂ©es par des hommes "moindres". ++ N'affirmez pas que votre chapitre a Ă©tĂ© fondĂ© par qui que ce soit d'autre que les Hauts Seigneurs de Terra. Seuls les Haut Seigneurs de Terra, s'exprimant au nom de l'Empereur, ont le pouvoir d'ordonner la fondation de nouveaux chapitres. Point final. Le fluff officiel est assez clair sur le fait qu'il est extrĂȘmement improbable qu'un Inquisiteur ou un membre de l'Adeptus Mechanicus, etc puisse manĆuvrer les institutions ImpĂ©riales pour permettre la formation d'un chapitre sans que les Haut Seigneurs n'interviennent. [L'exception qui confirme la rĂšgle les Steel Confessors. -NdT] Il est possible cependant de circonvenir au problĂšme en dĂ©cidant que le groupe Inquisition, Adeptus Mechanicus, etc... pĂ©titionne les Haut seigneurs pour la crĂ©ation d'un chapitre avec des missions spĂ©ciales lors de la fondation suivante, gardant ainsi le chapitre dans le cadre "lĂ©gal" tout en autorisant des influences externes sur celui-ci. +++ ClichĂ©s et autres facilitĂ©s narratives +++ ++ Ne perdez pas votre chapitre dans le Warp. Pour une raison simple, c'est vieux, barbant, et surexploitĂ©. Cela n'ajoute rien Ă l'histoire ou au caractĂšre d'un chapitre. Il existe des tas d'autres maniĂšres de faire disparaitre votre chapitre pour quelques centaines d'annĂ©es si c'est ce que vous voulez. ++ N'affirmez pas que vos Marines sont des femmes. Le fluff est clair sur ce point le dĂ©veloppement des organes spĂ©cifiques des Marines est liĂ© aux hormones mĂąles. Cela ne fonctionne pas avec les femmes. [Pour plus de dĂ©tails sur la raison intrinsĂšque de cette rĂšgle voir le 6Ăšme post de ce sujet. -NdT] ++ Evitez les changements de nom de chapitre. Encore un truc surexploitĂ©. Pourtant, un changement de nom est un Ă©vĂ©nement majeur Ă lui tout seul pour un chapitre de Space Marines. Il existe des exemples de chapitres qui l'ont fait les Luna Wolves ont changĂ© de nom deux fois par exemple, mais ils portent la marque du Chaos IndĂ©cis! mais de nombreux chapitres peuvent retracer leur histoire sur dix mille ans et peu l'ont fait car ils tiennent la continuitĂ© et l'histoire en haute estime, alors considĂ©rez sĂ©rieusement si un changement de nom est nĂ©cessaire ou s'il ajoute Ă l'histoire de votre chapitre... MĂȘme une campagne oĂč ils perdent 80% de leurs effectifs ne serait probablement pas suffisante pour le justifier. Leur passage au service des Puissances de la Ruine est le genre de chose qu'ils cĂ©lĂ©breraient sĂ»rement par un changement de nom pour coller Ă leur nouveaux objectifs, et encore, pas toujours! ++ Evitez le "truc" de l'Inquisiteur renĂ©gat. RĂ©sistez Ă l'envie de couvrir les dĂ©fauts de votre fluff avec l'intervention soudaine et hors de contexte d'un Inquisiteur renĂ©gat/radical. Un Inquisiteur qui apparait de nulle part, remue sa baguette magique et fait disparaitre ainsi tout les problĂšmes, comme par exemple pourquoi votre chapitre est constituĂ© de femmes / est le successeur loyaliste d'une LĂ©gion renĂ©gate / guĂ©rit subitement de la mutation qui l'afflige, ne fera jamais une bonne histoire. Cela ne peut pas ĂȘtre vu autrement que comme soit une façon sans imagination d'expliquer une caractĂ©ristique potentiellement intĂ©ressante de votre chapitre, soit une tentative dĂ©sespĂ©rĂ©e de rationaliser ce qui Ă©tait une mauvaise idĂ©e dĂšs le dĂ©but. De toutes façons, c'est surfait et ça ne fonctionne pas alors autant l'Ă©viter. ++ Ne confondez pas "dĂ©viation du Codex" avec originalitĂ© et caractĂšre. Ce qui distingue un chapitre c'est comment et pourquoi il fait les choses diffĂ©remment des autres chapitres, mais ne tombez toutefois pas dans le piĂšge de croire que charger votre chapitre avec des dĂ©viations de l'organisation Codex et des "gimmicks" pris sur des chapitres GW, comme un patrimoine gĂ©nĂ©tique hybride, est la mĂȘme chose qu'ĂȘtre original et donner du caractĂšre. Ce n'est pas parce quâil existe des prĂ©cĂ©dents pour un certain Ă©vĂ©nement que cela avancera l'histoire de votre chapitre. De telles "dĂ©viances" nĂ©cessitent bien plus d'explications pour les intĂ©grer dans le background de votre chapitre qu'un "Mais les Relictors / Space Wolves / Chevaliers Gris peuvent le faire!" Pourquoi cet Ă©vĂ©nement incroyablement rare suffisamment pour que le chapitre GW en question fasse partie des "chapitres de lĂ©gende" arriverait-il Ă votre chapitre? Et encore plus important, comment un tel Ă©vĂ©nement affecterait-il l'existence mĂȘme de votre chapitre? Bien qu'une ou deux "dĂ©viances" puissent ĂȘtre incorporĂ©es au thĂšme de votre chapitre, voire en devenir le thĂšme lui-mĂȘme, si vous devez intĂ©grer trop de ces Ă©vĂ©nements le chapitre ne pourra qu'en perdre son identitĂ© et voir sa crĂ©dibilitĂ© affaiblie. Ce qui peut ĂȘtre accompli tout en restant dans les contraintes d'un patrimoine gĂ©nĂ©tique normal et d'une organisation Codex est Ă©norme. En fait, cela s'avĂšre bien souvent plus gratifiant, car cela rĂ©clame plus d'imagination et de flair de faire la mĂȘme chose en restant dans ces limites que de se laisser aller aux trop faciles "trucs" de patrimoine gĂ©nĂ©tique hybride, Ă©normes diffĂ©rences d'organisation et autres Inquisiteurs RenĂ©gats... Ne choisissez pas le plus court chemin. Vous apprĂ©cierez d'autant plus le rĂ©sultat si vous allez aux limites de vous-mĂȘme et de votre imagination. ++ N'affirmez pas que vos Marines sont "gentils". Ils ne le sont pas! Les Marines sont des machines Ă tuer gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©es. D'accord, certains chapitres comme les Salamanders ont un aspect "humanitaire" mais ils ne sont pas gentils et doux pour autant. Ils chantent toujours des CatĂ©chismes de la Haine en allant au combat, et ils dĂ©truiront quiconque ou quoi que ce soit qui s'oppose Ă la volontĂ© de l'Empereur. Il y a une Ă©norme diffĂ©rence entre aider des rĂ©fugiĂ©s quand il n'y a pas de combats par exemple et choisir d'ignorer la marĂ©e de peaux vertes chargeant pour ramasser le nounours boueux d'une petite fille en pleurs. L'Imperium est un endroit rude oĂč les gens gentils ne survivent pas longtemps. Dans la mĂȘme veine, un chapitre de 1000 Marines ne se transforme pas en ambassadeurs pour nĂ©gocier la reddition de rebelles, ils ne forment pas d'alliances avec des Xenos. Ils les tuent, problĂšme rĂ©solu. ++ N'affirmez pas que votre chapitre a jouĂ© un rĂŽle central dans l'une des campagnes majeures. Les campagnes majeures de GW sont bouclĂ©es. Par exemple, la bataille pour Macragge opposa uniquement les Ultramarines aux Tyranides. Aucun autre chapitre n'Ă©tait prĂ©sent. Cela signifie que le votre n'y Ă©tait pas, peu importe que vous le dĂ©siriez plus que tout. Les campagnes les plus rĂ©centes Armageddon, l'Ćil de la Terreur, Medusa V, etc sont idĂ©ales pour les crĂ©ateurs de chapitres maison car elles permettent Ă des chapitres mineurs d'avoir jouĂ© un rĂŽle de soutien en arrivant comme renforts, en nettoyant aprĂšs l'un des affrontement connus, ou en jouant un rĂŽle sur la planĂšte dans une zone qui n'a pas Ă©tĂ© trop couverte par le fluff officiel. Bien sĂ»r, affirmer que votre chapitre a jouĂ© un rĂŽle essentiel dans la bataille dĂ©cisive et donc la plus documentĂ©e n'est pas une bonne idĂ©e... MalgrĂ© tout, ce sont vos figues, payĂ©es avec votre fric... Donc faites ce que vous voulez! Mais ne venez pas vous plaindre si on se moque de vos Marines issus d'un croisement entre les Blood Angels et les Iron Hands ayant rĂ©ussi Ă surmonter la MalĂ©diction de Sanguinius grĂące Ă l'intervention d'un Inquisiteur Radical qui leur a fourni des armes-dĂ©mon...
ĂĂĂĂĂŁĂĂŠĂĂŠĂĂŠĂ€ĂĂŠĂĂĂ : 4pLĂta CILo15 RĂ©sumĂ©. Ce projet concerne la conception, la rĂ©alisation et la commande d'un robot mobile Ă trois roues a l'aide d'une carte Ă©lectronique" Arduino" adaptĂ© pour pouvoir la relier au robot aprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© le programme en logiciel Arduino ,son rĂŽle est de dĂ©tecter une source de flamme quelconque et l'Ă©teindre.
Je me suis laissĂ©e tenter par cette suite grĂące Ă la fin du tome prĂ©cĂ©dent. Jâai nettement prĂ©fĂ©rĂ© ce tome-ci. Alors que le tome 1 mettait les bases avec la prĂ©sentation des personnages, les diffĂ©rents groupes et tout ce qui est gadget et artefact, le second tome approfondit cet aspect aventure. Effectivement fini les prĂ©sentations, nous rentrons plus dans le vif du sujet. La LĂ©gion de lâĆil dâHorus est toujours lĂ et elle veut sâemparer de Chintamani, la fameuse pierre philosophale. Vigilance dĂ©cide dâaller empĂȘcher la LĂ©gion de la prendre avant que lâHumanitĂ© sombre. Ce roman commence dans lâaction avec une question pourquoi on veut le tuer ? Ce tome, outre lâaspect sauver le monde et lâaventure, nous apprend plus sur Edge, vous savez lâhacker de gĂ©nie ?! Nous poursuivons ensuite sur Evan et sa capacitĂ© de rien Ă foutre de lâĂ©cole et nous avec. Beh ouais, on veut savoir ce quâil se passe et foncer dans lâaventure. Ăa ne rate pas ! Le roman est toujours du point de vue dâEvan avec des passages aux opposants. Jâaime beaucoup cette dualitĂ©, ça nous permet dâĂȘtre en mĂȘme temps dans la tĂȘte dâEvan et ses questionnements et, Ă©galement, de savoir et comprendre dâautres personnages et leurs objectifs ainsi que leurs pensĂ©es. Donc Edge est plus mis en avant. Notre hacker favori se dĂ©voile et un pan de son passĂ© est rĂ©vĂ©lĂ©. Jâai apprĂ©ciĂ© ce personnage, il est moins distant ici, et nous voyons que ses amies sont trĂšs importants. En plus, on voit une autre facette de lui-mĂȘme si je mâen doutais, ouais jâavoue jâespĂ©rais. Vu qui il est, ça semblait dans un sens logique. De mĂȘme que nous le comprenons mieux par rapport aux rĂ©vĂ©lations faites. Câest un personnage qui est entre deux chaises si je puis dire. Lui a un lien avec les deux groupes, ce qui fait quâil est dâautant plus mystĂ©rieux et un air de monsieur je sais tout. Il ne change pas ici mais ce tome Ă©claircit des points, nous montre un Edge moins mystĂ©rieux et cachottier en mĂȘme temps y a des rĂ©vĂ©lations, logiques ! et comment il en est arrivĂ© lĂ avec son sacrĂ© caractĂšre. Et pour les autres personnages ? Ce sont toujours les mĂȘmes et y en a des nouveaux ! Les nouveaux servent Ă exposer Edge et ont bien une identitĂ© propre. Dans la plupart de roman, des personnages sont prĂ©sents juste pour activer un Ă©lĂ©ment de lâintrigue ou la bouger, ils servent Ă combler un trou pour plus de facilitĂ©. Dans Dossier Evan Cartier ce nâest pas le cas et jâen suis ravie ! Nous apprenons Ă les connaĂźtre, certains Ă aimer, dâautres Ă dĂ©tester ou Ă apprĂ©cier ! De mĂȘme un passage nous dĂ©voile davantage la cruautĂ© de la LĂ©gion, qui renforce mieux le cĂŽtĂ© dramatique, perfide et vicieux, la barbarie dont elle est capable. On a eu un aperçu dans le tome 1 mais avec une personne. Une scĂšne a de lâampleur. Pourtant, jâai senti un retrait par rapport Ă une scĂšne et du sadisme renvoyĂ© au lecteur. MĂȘme si le grand mĂ©chant loup du tome 1 Ă©tait ridicule, ici câest plus une version collective non ridicule et plus concrĂšte. Ils sont plus concrets avec certes des stĂ©rĂ©otypes, un peu trop dichotomique, mais ça marche bien. LĂ©a, toujours Ă©gale Ă elle-mĂȘme aimant les statistiques et ĂȘtre autant chiante quâattachante. Louise et Evan ne change pas des masses. Evan a mĂ»ri, le deuil est passĂ© » et se concentre sur Vigilance. Leur amitiĂ© Ă tous deux est vraiment superbe, jâespĂšre que ça va rester comme ça. Les amitiĂ©s telles quelles sont rares dans les romans. Concernant lâintrigue de ce tome, jâai beaucoup aimĂ©. LâadrĂ©naline parcourt les pages et notre corps. Nous courons avec les personnages tant que les rebondissements vont bon train. Les Ă©nigmes sont trĂšs sympas, et lâendroit recherchait mĂ©lange mystĂšre et un brin fantastique ! Des situations trĂšs imagĂ©es, rappelant les films et les sĂ©ries, rocambolesques, prĂ©visibles et rĂ©alistes, et trĂšs drĂŽles. Je me suis dit il va se passer un truc, BINGO ! En plus de cette intrigue, une autre en fond sâinstalle plus profondĂ©ment avec de nouveaux Ă©lĂ©ments. Ăa permet dâavoir des histoires sur un tome et sur plusieurs tomes. Lâhumour ponctue toujours lâintrigue et les remarques sarcastiques donnent une atmosphĂšre et un autre dynamisme Ă lâhistoire. Le hic Ă la fin, câest que jâaurais aimĂ© voir lâarrivĂ©e et non dans la page suivante passer Ă lâĂ©pilogue. Jâai lâimpression quâil me manque un bout et que ça se termine sans rĂ©ellement de conclusion. Je ne parle pas de lâĂ©pilogue en soi qui relance lâintrigue et qui nous dicte FONCE DANS LE TOME 3 que sâest-il passĂ© ? Comme les bases Ă©taient posĂ©s dans le tome prĂ©cĂ©dent, nous avons un second tome approfondissant aventure, passĂ© dĂ©voilĂ© et amitiĂ©. Il nây a pas un temps mort, et lâintrigue de fond prend de lâampleur. HĂąte de lire le troisiĂšme tome !
Lefond du coffre est jaune ocre, et entre les colonnes de texte se tiennent quatre divinitĂ©s debout : aux deux extrĂ©mitĂ©s, Thot ibiocĂ©phale, sur la tĂȘte duquel est posĂ© un oeil Oudjat (Thot, dieu lunaire, a un rĂŽle trĂšs important dans la reconstitution de cet oeil, l'oeil blessĂ© d'Horus, comme il en a sur les phases croissantes de la lune). Au centre gauche se trouve Anubis, et au
VĂ©ronique Dasen et Armand M. Leroi Texte intĂ©gral 1Lors de la sĂ©ance du 9 janvier 1826 de lâAcadĂ©mie royale des Sciences de Paris, lâanatomiste français Ătienne Geoffroy Saint-Hilaire prĂ©senta Ă lâassemblĂ©e une Ă©trange momie humaine provenant dâĂgypte. Elle lui avait Ă©tĂ© remise par Joseph Giuseppe Passalacqua qui le prenait pour un singe cynocĂ©phale. 1 Ă cĂŽtĂ© de lâibis, plus de trente espĂšces dâoiseaux ont ainsi Ă©tĂ© identifiĂ©es par J. Boessneck et A ... 2Que J. Passalacqua ait identifiĂ© la crĂ©ature Ă un animal nâest pas surprenant. Il lâavait trouvĂ©e dans le cimetiĂšre de Touna el-Gebel, situĂ© Ă lâorĂ©e du dĂ©sert en Moyenne Ăgypte, Ă environ 10 km de la citĂ© dâHermopolis Magna el-Ashmunein. Cette nĂ©cropole, composĂ©e dâun vaste rĂ©seau de galeries souterraines, Ă©tait rĂ©servĂ©e aux animaux consacrĂ©s au dieu lunaire Thot, vĂ©nĂ©rĂ© sous la forme dâun babouin ou dâun ibis. La momie provenait dâun secteur occupĂ© par des singes Papio cynocephalus anubis, embaumĂ©s, comme elle, en position accroupie ; on avait mĂȘme glissĂ© dans ses bandelettes une amulette en forme de babouin Hamadryas. Les catacombes recelaient dâautres animaux momifiĂ©s Ă travers lesquels la puissance divine pouvait se manifester, en majoritĂ© des ibis, mais aussi des bĆufs, bĂ©liers, crocodiles, chiens, chats, poissons, gazelles, ainsi que diffĂ©rentes espĂšces dâoiseaux et de petits animaux1. La plupart de ces animaux avaient probablement grandi dans des Ă©levages spĂ©cialisĂ©s aux environs du temple avant dâĂȘtre tuĂ©s, puis vendus embaumĂ©s aux pĂšlerins pour ĂȘtre consacrĂ©s Ă la divinitĂ©. 2 J. Passalacqua, Catalogue raisonnĂ© et historique des antiquitĂ©s dĂ©couvertes en Ăgypte, Paris, Gale ... 3 J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 230 ; D. Kessler, Forschungsstand bis 1983 », in J. Boessneck... 4 D. Kessler, A. El Halim Nurredin, Der Tierfriedhof von Tuna el-Gebel, Stand der Grabungen bis 19 ... 3Les informations sur les circonstances de la dĂ©couverte de la momie examinĂ©e par Ă. Geoffroy Saint-Hilaire sont malheureusement trĂšs incomplĂštes. J. Passalacqua se contente dâindiquer quâil la trouva dans un tombeau de cynocĂ©phales »2. Ătait-elle dĂ©posĂ©e dans un sarcophage en bois, comme dâautres spĂ©cimens logĂ©s dans les niches des galeries ?3 Le reste de la galerie C, oĂč Ă©taient concentrĂ©es les momies de cynocĂ©phales, fut fouillĂ© de 1931 Ă 1952 par S. Gabra de lâUniversitĂ© du Caire, mais sans faire lâobjet de publications. Les investigations furent reprises sur le site en 1989 par lâUniversitĂ© de Munich sous la direction de Dieter Kessler4. 5 D. Kessler, Die heiligen Tiere und der König, I, BeitrĂ€ge zu Organisation, Kult und Theologie der ... 6 D. Kessler, op. cit., 1987, p. 12 ; D. Kessler, A. El Halim Nurredin, op. cit., p. 262, fig. 14. 4On sait aujourdâhui que la nĂ©cropole se dĂ©veloppa sous la XXVIe dynastie au moment oĂč la reprĂ©sentation divine sous forme animale connut un nouvel essor. Le culte des animaux sacrĂ©s devint alors trĂšs important5. Le complexe cultuel comprenait un temple de Thot qui fut probablement construit sous le rĂšgne du pharaon Amasis vers 570 av. et restaurĂ© ou agrandi sous le rĂšgne de PtolĂ©mĂ©e Ier vers 300 av. Une voie processionnelle le reliait au temple de lâOsiris-babouin et de lâOsiris-ibis, dâoĂč un escalier menait aux catacombes. Des chapelles souterraines furent amĂ©nagĂ©es Ă lâĂ©poque ptolĂ©maĂŻque. Elles Ă©taient dĂ©diĂ©es Ă des babouins dĂ©ifiĂ©s dont les momies, rarement conservĂ©es, avaient fait lâobjet de soins qui tĂ©moignent de leur statut particulier collier MĂ©nat, amulettes dâĆil oudjat, pilier Djed, BĂšs...6. 7 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire in J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 230. 5Nous ne connaissons pas les raisons qui amenĂšrent J. Passalacqua Ă juger cette momie digne de lâattention de lâun des plus grands anatomistes de son Ă©poque. Des dĂ©tails singuliers, peut-ĂȘtre sa taille, lâincitĂšrent Ă la prĂ©senter Ă Ă. Geoffroy Saint-Hilaire pour quâil en dĂ©termine lâespĂšce. Ă. Geoffroy Saint-Hilaire en fut ravi ; il Ă©crit ... quâil ne me fut point difficile dây reconnaĂźtre, dĂšs quâelle fut entiĂšrement dĂ©veloppĂ©e, une des monstruositĂ©s de lâespĂšce humaine dont jâavais eu occasion de mâoccuper. »7 Il ajoute quâil fut si enthousiasmĂ© Ă la vue dâune production aussi singuliĂšre et aussi inattendue, que jâai priĂ© M. Passalacqua dâautoriser que je pusse de suite informer dâun fait aussi curieux le monde savant et lâInstitut de France. » 8 I. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire gĂ©nĂ©rale et particuliĂšre des anomalies de lâorganisation chez ... 9 Histoire des Monstres, Paris, Reinwald, 1880 ; rééd. Grenoble, JĂ©rĂŽme Millon, 2002, p. 29-30. 10 Monstres. Histoire du corps et de ses dĂ©fauts, Paris, Syros, 1991, p. 26-28. 6Cette momie constitue une dĂ©couverte remarquable car elle reprĂ©sente lâun des plus anciens tĂ©moignages palĂ©opathologiques de nouveau-nĂ© atteint dâanomalie congĂ©nitale. Le discours dâĂ. Geoffroy Saint-Hilaire est rĂ©guliĂšrement citĂ© par les historiens de la tĂ©ratologie, tel son fils Isidore Geoffroy Saint-Hilaire 1832-18368, Ernest Martin 18809 et, plus rĂ©cemment, Jean-Louis Fischer 199110. En dĂ©pit de sa cĂ©lĂ©britĂ©, la momie tomba soudain dans lâoubli, et longtemps certains la crurent mĂȘme perdue. Nous avons rĂ©cemment retrouvĂ© sa trace dans le dĂ©pĂŽt du MusĂ©e Ă©gyptien de Berlin oĂč elle porte le numĂ©ro dâinventaire SMB 724. AprĂšs un bref rappel de son histoire, de sa dĂ©couverte vers 1820 Ă lâĂ©poque contemporaine, nous passerons en revue les diffĂ©rentes rĂ©actions quâelle Ă©veilla, des Ăgyptiens de lâĂ©poque ptolĂ©maĂŻque aux tĂ©ratologues contemporains, en passant par les naturalistes du XIXe siĂšcle. Les tribulations de la momie 11 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, Description dâun monstre humain nĂ© avant lâĂšre chrĂ©tienne et considĂ©r ... 12 W. R. Dawson, E. P. Uphill, M. L. Bierbrier, Who was who in Egyptology, London, Egypt Exploration ... 7J. Passalacqua, comme tant dâanciens dĂ©couvreurs, occupe une position ambiguĂ« dans lâhistoire de lâarchĂ©ologie. Pilleur de tombes Ă ses heures, il fut aussi le fondateur et le conservateur de lâĂgyptisches Museum und Papyrussammlung Ă Berlin-Charlottenburg, lâune des plus grandes collections dâarchĂ©ologie dâEurope. NĂ© en 1797 Ă Trieste, il Ă©tait parti en Ăgypte comme marchand de chevaux. Ses affaires nâayant pas prospĂ©rĂ©, il entreprit des fouilles et rassembla une importante collection dâantiquitĂ©s provenant de ThĂšbes et dâautres sites. AprĂšs avoir ramenĂ© sa collection Ă Paris en 1826, il lâexposa dans lâespoir de la vendre au gouvernement français pour la somme de 400 000 francs. Geoffroy Saint-Hilaire examina la momie monstrueuse alors que la collection Ă©tait Ă Paris ; il la commenta puis lâillustra dans au moins deux articles fig. 111. En 1827, aprĂšs avoir en vain attendu une offre du Louvre, J. Passalacqua vendit sa collection Ă FrĂ©dĂ©ric-Guillaume IV de Prusse pour 100 000 francs. Il devint conservateur du MusĂ©e des antiquitĂ©s Ă©gyptiennes Ă Berlin en 1828, et y demeura jusquâĂ sa mort en 186512. 1 - LâanencĂ©phale en 1826. DâaprĂšs Ă. Geoffroy Saint-Hilaire 1825, pl. 18. 1-4. A. mumia 1. Vue ventrale ; 2. Vue dorsale ; 3. Vue latĂ©rale ; 4. Detail du dos du crĂąne. 5. Amulette de babouin. 6-8. Trois autres types dâAnencephalus, A. perforatus, A. cotyla and A. icthyoĂŻdes 8A. Erman dĂ©crit ainsi la momie dans le catalogue du musĂ©e de Berlin 13 A. Erman, AusfĂŒhrliches Verzeichnis der Ăgyptischen AltertĂŒmer und GipsabgĂŒsse, Berlin, W. Spemann ... 724. Mumie einer menschlichen Missgeburt, die in einem Affengrab in Schmun beigesetzt war ; in ihre Binden war die FayenceFigur eines hockenden Affen hineingelegt. Man nahm also wohl an, die betreffende Frau habe einen Affen geboren Pass. »13 14 Communication du Dr. H. Kischkewitz. 15 Lettre du 9Pendant la seconde guerre mondiale, les bombardements des AlliĂ©s causĂšrent dâimportantes pertes au musĂ©e de Berlin. Probablement cachĂ©e dans les caves du nouveau musĂ©e, la momie ne fut toutefois pas dĂ©truite14. En juillet 1974, Fritz Dick, Regisseur und Kameramann Medizin-Film » put encore la radiographier et livrer le rapport suivant fig. 215 2 - LâanencĂ©phale en 1974. Radiographie de Fritz Dick. Berlin-Charlottenburg, Ăgyptisches Museum und Papyrussammlung 16 Trad. Constat radiologique de lâanencĂ©phale objet 724. Ăge de dĂ©veloppement environ 7 mois. ... Röntgenbefund des Anencephalus Objekt 724.Entwicklungsalter etwa 7 Monate. Infolge der erzwungenen Sitzhaltung ist der A. röntgenologisch schlecht auswertbar. Es fĂ€llt auf, das der Unterkiefer 1 fehlt, daher die vogelkopfartige Oberkiefergesichtspartie. Abnorm grosse Augenhölen 2. Nach der Röntgenaufnahme könnte der Unterkiefer eventuell stark nach unten geklappt worden sein, so dass er der ventralen Thoraxwand anliegt 3. Das Fehlen des Unterkiefers ist aber nicht auszuschliessen. Anstelle des nicht ausgebildeten HirnschĂ€dels stellen sich knöcherne DeformitĂ€ten dar 4. Die HalswirbelsĂ€ule ist krĂŒckstockartig eingebogen 5. Die zarten Knochen des PrĂ€parates sind wahrscheinlich beim Mumifizieren und beim Verbringen in die Sitzhaltung stark frakturiert worden, so ist u. a. eine deutliche Fraktur des Oberschenkelknochens 6 zu erkennen. Ferner sind die Unterschenkelknochen durch Gewalteinwirkung vom Fussskelett 7 getrennt, verlagert und auch z. T. frakturiert. Die Knochen der oberen ExtremitĂ€ten sind ebenfalls durch das Bandagieren stark verlagert. Die Knochen wirken im VerhĂ€ltnis zur Grösse des A. sehr plump. An der WirbelsĂ€ule zeigt sich die typische spina bifida 8. »16 17 Gorlin, M. M. Cohen, R. C. M. Hennekam, Syndromes of the Head and Neck, Oxford, Oxford Unive ... 18 Cf. R. J. Oostra, B. Baljet, R. C. M. Hennekam, Congenital anomalies in the teratological collec ... 10Depuis lors, la momie nâa plus fait lâobjet dâĂ©tude ni de publication. Son Ă©tat de conservation a continuĂ© de se dĂ©tĂ©riorer Ă tel point quâaujourdâhui nâen subsiste plus quâune collection de fragments dont le plus grand correspond au bras gauche fig. 3. La figure 4 montre Ă quoi pouvait ressembler lâenfant Ă sa naissance. Les anencĂ©phales nâont pas de voĂ»te crĂąnienne et leur cerveau est rĂ©duit Ă une masse de tissus nĂ©crosĂ©s17. Une tĂȘte renversĂ©e, des yeux globuleux et lâabsence de front et de cou sont des traits caractĂ©ristiques. Lâillustration de Geoffroy Saint-Hilaire et la radiographie suggĂšrent que la momie SMB 724 avait une forme particuliĂšre dâanencĂ©phalie holoacrania avec rachischisis »18. Le crĂąne ne sâest pas formĂ© et la colonne vertĂ©brale est restĂ©e ouverte dans la rĂ©gion dorsale et prĂšs de la tĂȘte. Cette malformation nâest pas viable, et lâenfant fut soit mort-nĂ© ou mourut rapidement peu aprĂšs sa naissance. 3 - LâanencĂ©phale en 2004. Photo H. Kischkewitz, Berlin-Charlottenburg, Ăgyptisches Museum und Papyrussammlung. Le plus grand des fragments conservĂ©s. Il sâagit essentiellement dâune partie du bras gauche A. main ; B. coude ; C. haut du bras Regards Ă©gyptiens 19 Voir F. Drilhon, Un fĆtus humain dans un obĂ©lisque Ă©gyptien en bois », ArchĂ©ologie et mĂ©decine. ... 20 Cf. C. Andrews, Amulets of Ancient Egypt, London, British Museum Press, 1994, spĂ©c. p. 39-40 BĂšs ... 11Les premiers examens avaient fait apparaĂźtre plusieurs dĂ©tails inhabituels qui semblaient traduire le statut ambigu de lâenfant momifiĂ©, entre lâhomme et lâanimal. Alors que les membres des ĂȘtres humains sont allongĂ©s, mĂȘme au stade de fĆtus, le nouveau-nĂ© monstrueux Ă©tait en position accroupie, les mains posĂ©es sur les genoux, comme un cynocĂ©phale19. Il avait reçu le mĂȘme traitement quâun singe sans se soucier de ses anomalies, les embaumeurs avaient soigneusement Ă©viscĂ©rĂ© son crĂąne par le nez, alors que la tĂȘte ne contenait pas de matiĂšre cĂ©rĂ©brale. Comme un ĂȘtre humain, la momie portait une amulette en faĂŻence, mais dâun type particulier au lieu du dieu nain BĂšs, gardien des enfants, on lui avait joint une figurine en forme de babouin, assis dans la mĂȘme attitude que la momie fig. 1-520. 4 - Enfant anencĂ©phale. Amsterdam, musĂ©e Vrolik. Photo Jeremy Pollard mai 2003 21 J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 232-233. 22 Man nahm wohl an, die betreffende Frau habe einen Affen geboren », op. cit. 23 E. Martin, op. cit., 2002, p. 30. 12Ă. Geoffroy Saint-Hilaire en dĂ©duisit que lâenfant, exclu des sĂ©pultures humaines, avait Ă©tĂ© assimilĂ© Ă un animal. Le port de lâamulette le soulignait, par une sorte de comparaison entre lâinfĂ©rioritĂ© organique accidentelle de la monstruositĂ© embaumĂ©e, et lâinfĂ©rioritĂ© normale de lâĂȘtre le plus dĂ©gradĂ© parmi les animaux Ă face humaine »21. A. Erman affirme que lâon avait pensĂ© quâ» une femme avait accouchĂ© dâun singe »22. Pour E. Martin, lâanencĂ©phale constituait ainsi le tĂ©moignage irrĂ©futable de la croyance des Ăgyptiens dans lâorigine bestiale des ĂȘtres humains monstrueux »23. Les Anciens auraient identifiĂ© la crĂ©ature Ă un ĂȘtre nĂ© dâune femme, mais dont on regardait lâorigine comme bestiale ; on lâavait assimilĂ© Ă un animal, mais dâune espĂšce qui, dans la symbolique Ă©gyptienne, occupait le premier rang et dont la religion prescrivait de conserver pieusement les restes ; on lâavait, en un mot, honorĂ© comme un animal sacrĂ©. » 13Ce jugement, rĂ©guliĂšrement rĂ©pĂ©tĂ© dans les ouvrages de tĂ©ratologie, ne correspond toutefois pas aux croyances Ă©gyptiennes. Lâenfant ne fut pas considĂ©rĂ© Ă sa naissance comme un animal, et ne constitue pas un tĂ©moignage de zoolĂątrie. Ce point de vue plaque sur le monde Ă©gyptien des attitudes propres Ă dâautres pĂ©riodes. 24 Par ex. Pline, Histoire naturelle, ; Tite-Live, ; ; ValĂšre Maxime Sur le... 25 Pline, Histoire naturelle, 26 GĂ©nĂ©ration des Animaux, ; LucrĂšce, De la nature, 27 Soranos, Des maladies des femmes, ; D. Gourevitch, Se mettre Ă trois pour faire un bel enfa ... 14Dans la Rome rĂ©publicaine, diffĂ©rentes sources racontent lâenfantement dâune crĂ©ature animale ou hybride. Pline, Tite-Live, ValĂšre-Maxime et dâautres auteurs rapportent quâune femme aurait accouchĂ© dâune crĂ©ature avec une tĂȘte dâĂ©lĂ©phant atteint de cyclopie ?, dâun porc Ă tĂȘte humaine, ou dâun serpent24. DâĂgypte serait venu un mystĂ©rieux embryon dâhippocentaure que Pline lâAncien aurait pu observer, conservĂ© dans du miel sous le rĂšgne de lâempereur Claude. Ă la mĂȘme Ă©poque, un autre hippocentaure serait nĂ© et mort le mĂȘme jour en Thessalie25. Si lâopinion populaire y croit peut-ĂȘtre, les biologistes et mĂ©decins antiques rejettent lâexistence du mĂ©lange des espĂšces. Aristote, et Ă sa suite LucrĂšce, dĂ©montrent lâinvraisemblance de telles conceptions Ă cause des diffĂ©rents temps de gestation propres Ă chaque catĂ©gorie. Le veau Ă tĂȘte dâenfant, le mouton Ă tĂȘte de bĆuf ne sont jamais ce que lâon en dit, ils nâen nâont que la ressemblance »26. Les explications rationnelles attribuent la prĂ©sence de traits hybrides Ă lâeffet dâimpressions maternelles pendant la grossesse. Pour Soranos IIe s. apr. la naissance de crĂ©atures simiesques vient de la vision dâun singe, et il conseille aux femmes dâarriver sobres au rapport sexuel », parce que les visions extravagantes que procure lâivresse pourraient influencer la formation du fĆtus27. 28 P. Derchain, Anthropologie. Ăgypte pharaonique », in Y. Bonnefoy dir., Dictionnaire des mythol ... 15En Ăgypte ancienne, aucun rĂ©cit ne mentionne la naissance dâun animal issu dâune femme. Le fait que lâimagerie divine soit composite, mĂȘlant les espĂšces, nâimplique pas que les Ăgyptiens aient cru en lâexistence dâĂȘtres hybrides rĂ©els. Les formes mixtes constituent des signes picturaux ; elles rĂ©vĂšlent que le divin peut sâincarner dans des formes animales aussi bien quâhumaines. Ă chaque animal correspond une des facettes des pouvoirs du dieu, mais son aspect vĂ©ritable reste cachĂ©28. 29 Sur les compĂ©tences de Thot, voir par exemple D. Kurth, Thot », Lexikon der Ăgyptologie, VI, Wie ... 30 L. Lortet, C. Gaillard, La faune momifiĂ©e de lâancienne Ăgypte, IIe sĂ©rie, Archives du musĂ©um dâhi ... 16Rien ne permet donc dâaffirmer que la prĂ©sence de lâanencĂ©phale parmi les singes tient au fait que son apparence Ă©trange fut interprĂ©tĂ©e comme le rĂ©sultat de lâunion dâune femme et dâun animal. Les soins exceptionnels quâon lui a prodiguĂ©s peuvent aussi rĂ©sulter de lâaspect inachevĂ© de lâenfant, privĂ© de boĂźte crĂąnienne, les vertĂšbres ouvertes. Sa momification ne pourrait-elle exprimer le souci de lui permettre de terminer sa gestation et de se rĂ©gĂ©nĂ©rer dans lâau-delĂ ? Sa position accroupie et le port de lâamulette de singe le placent sous la protection de Thot, intimement liĂ© au concept de croissance et de complĂ©tude. DivinitĂ© lunaire, Thot prĂ©side aux phases de lâastre dont il assure la rĂ©gularitĂ© ; dans le mythe de lâĆil solaire, il guĂ©rit Horus, lâenfant par excellence, et rend Ă son Ćil blessĂ© sa perfection sous la forme symbolique de lâĆil oudjat29. Ce rapport Ă la complĂ©tude pourrait aussi expliquer la coutume de placer des fĆtus dans des sarcophages en forme de singe30. AssociĂ© Ă MaĂąt, Thot assure lâĂ©quilibre de lâunivers. Ă la Basse Ăpoque, ses compĂ©tences de dieu guĂ©risseur sâajoutent Ă celles de patron des magiciens sous la forme dâHermĂšs TrismĂ©giste. 31 S. Sauneron, J. Yoyotte, La naissance du monde selon lâĂgypte ancienne », La naissance du monde ... 32 Cf. lâenfant Ă face de grenouille nĂ© en 1517 ; A. ParĂ©, Des monstres et des prodiges, ch. IX, Ex ... 17LâanencĂ©phale ne fut probablement ni assimilĂ© Ă un singe, ni transformĂ© en singe, mais marquĂ© de la prĂ©sence dâun dieu lunaire bĂ©nĂ©fique, capable de le parfaire et de lâintĂ©grer Ă lâordre cosmique. Dâautres rĂ©fĂ©rences pourraient expliquer la prĂ©sence de la momie dans la nĂ©cropole dâHermopolis. Lâapparence incomplĂšte du nouveau-nĂ©, aux yeux globuleux et au crĂąne fuyant, Ă©voque certains aspects de la cosmogonie hermopolitaine oĂč des entitĂ©s composent une assemblĂ©e de huit dieux primordiaux31. Cette Ogdoade, formĂ©e de quatre couples, personnifie les forces obscures du chaos prĂ©cĂ©dant la crĂ©ation. Ă la Basse Ăpoque, ces dieux sont reprĂ©sentĂ©s comme des ĂȘtres semi-anthropomorphes, les hommes avec une tĂȘte de grenouille, les femmes avec une tĂȘte de serpent. AssociĂ© Ă un batracien, symbole de renaissance et de rĂ©surrection, lâanencĂ©phale Ă©tait symboliquement intĂ©grĂ© aux forces crĂ©atrices de lâunivers. Les spĂ©culations liant lâenfant Ă lâOgdoade et Ă Thot ont aussi pu se combiner32. Momies de fĆtus et de nouveau-nĂ©s 33 Je remercie C. Spieser de ces informations. Voir aussi E. Feucht, Der Weg ins Leben », in Dasen ... 34 J. Assman, Ăgyptische Hymnen und Gebete, Fribourg/Göttingen, UniversitĂ€tsverlag/Vandenhoeck & Rupr ... 35 Sur le rĂŽle protecteur dâAtoum, Khnoum, Chou E. Feucht, op. cit., 2004, p. 42-43. Serket C. Sp ... 36 V. Dasen, Dwarfs in Ancient Egypt and Greece, Oxford, Clarendon Press, 1993, spĂ©c. p. 52-53, 67-75 ... 18Le traitement exceptionnel de lâanencĂ©phale doit ĂȘtre replacĂ© dans le contexte plus large des soins rĂ©servĂ©s Ă lâenfant Ă naĂźtre et au nouveau-nĂ© en Ăgypte ancienne. De nombreuses divinitĂ©s Ă©taient invoquĂ©es pour assurer une grossesse et un accouchement rĂ©ussis. Perçu comme un ĂȘtre vivant, le fĆtus Ă©tait lâobjet de protections divines33. Dans lâhymne solaire dâAmarna, Aton doit ainsi apaiser les larmes dâun fĆtus qui Ă©prouve dĂ©jĂ des sentiments34. Ailleurs, Atoum promet Ă Isis de veiller sur lâenfant quâelle porte, Serket, Celle qui fait respirer », protĂšge la croissance de lâembryon, Khnoum sâoccupe de le façonner sur son tour et dâouvrir la matrice pour lâaccouchement35. Les dieux nains BĂšs, seigneur de la matrice », et Ptah-PatĂšque, aux proportions fĆtales, patronnent lâensemble du processus de la procrĂ©ation, de la grossesse Ă la naissance36. 37 Sur ces trouvailles, voir aussi J. Baines, P. Lacovara, Burial and the dead in ancient Egyptian ... 38 B. BruyĂšre, Rapport sur les fouilles de Deir el MĂ©dineh 1934-1935, II, La nĂ©cropole de lâest, Le ... 39 E. Feucht, op. cit., 2004, p. 128-130. Plus rarement, lâenfant se trouve avec le pĂšre, ou avec le ... 40 Louvre E 3708, N 3959 Basse Ă©poque ; Drilhon, op. cit., 1987, p. 503-506, fig. 4-6. 41 F. Filce Leek, The Human Remains from the Tomb of Tutâankhamun, Oxford, Griffith Institute, 1972, ... 42 Louvre, Coll. Rousset Bey, E 5723 n° 1945 ; Coll. Clot Bey, n° 4205, 1940 ; Lortet/ Gaillard, op. ... 19Des fĆtus ont reçu diffĂ©rents types de sĂ©pulture37. Ă Deir el-Medineh, la nĂ©cropole de lâest fut apparemment rĂ©servĂ©e aux enfants en bas Ăąge. B. BruyĂšre y dĂ©nombre plusieurs fĆtus et nouveau-nĂ©s simplement enveloppĂ©s dâun tissu et dĂ©posĂ©s dans une amphore ou un panier de vannerie38. Les enfants de lâĂ©lite Ă©taient parfois embaumĂ©s. La plupart ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s aux cĂŽtĂ©s de leur mĂšre, probablement morte en couches39, dâautres ont Ă©tĂ© conservĂ©s sĂ©parĂ©ment. Un fĆtus humain de 3 Ă 4 mois fut ainsi placĂ© dans un obĂ©lisque miniature en bois servant de pilier dorsal Ă une statue de Ptah-Sokar-Osiris ; ses membres Ă©taient dĂ©pliĂ©s, allongĂ©s le long du corps comme pour lâhumaniser40. Deux fĆtus de 5 mois et demi et de 7 mois furent retrouvĂ©s dans des sarcophages anthropoĂŻdes miniatures dans la tombe de Toutankhamon. Lâun dâeux montrait au niveau de des os une dĂ©formation de Sprengel, peut-ĂȘtre associĂ©e Ă dâautres malformations lĂ©tales41. Dâautres spĂ©cimens Ă©taient logĂ©s dans le dos de statues Ă lâimage du dieu BĂšs, garant de leur survie dans lâau-delĂ 42. 43 Lortet/ Gaillard, op. cit., 1907 et 1909. 44 G. E. Smith, The Royal Mummies, Le Caire, Institut français dâarchĂ©ologie orientale, 1912 CGC, p ... 20Parfois la frontiĂšre entre lâhomme et lâanimal est ambiguĂ«. Deux sarcophages ou statues en forme de babouin accroupi semblent avoir renfermĂ© un fĆtus dâenfant, Ă moins quâil ne sâagisse de jeunes singes aux membres disposĂ©s comme ceux dâun ĂȘtre humain, allongĂ©s le long du corps ou repliĂ©s sur la poitrine43. Ă lâinverse, la petite momie dĂ©posĂ©e dans le sarcophage de la princesse MaĂątkare-Moutemhet XXIe dynastie, ca 1020 av. fut longtemps prise pour celle de son nouveau-nĂ© jusquâau jour oĂč une radiographie permit de lâidentifier comme une femelle babouin Hamadryas, probablement lâanimal favori de la princesse44. Le traitement des nouveau-nĂ©s et des enfants anormaux 21Lâattitude religieuse des Ăgyptiens envers les enfants prĂ©sentant des malformations congĂ©nitales diffĂšre profondĂ©ment de celles dâautres peuples par sa capacitĂ© Ă corriger symboliquement une anomalie pour lâintĂ©grer dans lâordre du monde. Loin dâĂȘtre lâexpression dâune colĂšre divine, synonyme dâune souillure quâil faut Ă©liminer, ces naissances sont perçues comme la manifestation dâune prĂ©sence divine. 22Les prĂ©ceptes des moralistes conseillent dâaccepter avec rĂ©signation les imperfections corporelles. Au Nouvel-Empire, le sage AmĂ©nĂ©mopĂ© prĂ©conise dâĂȘtre charitable et de ne pas se moquer des infirmes Ne ris pas de lâaveugle ni ne te moque du nainNi ne rĂ©duis Ă rien la condition dâun te moque pas dâun homme qui est dans la main du dieu, 45 Trad. P. Vernus, Sagesses de lâĂgypte pharaonique, Paris, Imprimerie nationale, 2001, p. 324. Ni ne lui sois hostile jusquâĂ lâ est argile et paille,Le dieu est son dĂ©molit et re bĂątit quotidiennement. » XXIV, 8-1645 46 Dasen, op. cit., 1993, p. 50, fig. 47 M. de Rochemonteix, S. Cauville, D. Devauchelle, Le temple dâEdfou, I, Le Caire, Institut français ... 23Parmi les anomalies congĂ©nitales, le nanisme semble avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune sympathie particuliĂšre. DĂšs lâAncien Empire, les nains furent associĂ©s au symbolisme solaire grĂące Ă diffĂ©rents jeux de correspondances quâillustre un papyrus mythologique du Nouvel Empire46. Dans le disque solaire se tient le bĂ©lier, qui incarne le soleil Ă son coucher, et un nain qui remplace lâimage attendue du scarabĂ©e sacrĂ© KhĂ©pri, symbole du soleil levant comme lâindique lâhomophonie des mots kheprer, scarabĂ©e, et kheper, venir Ă lâexistence. Au jeu de mots sâajoute un jeu dâimages. Avec ses membres incurvĂ©s et son long torse, le nain prĂ©sente la mĂȘme silhouette que le scarabĂ©e, avec un gros abdomen et de petites pattes courbes. InachevĂ©, le nain va donc incarner dans la pensĂ©e religieuse Ă©gyptienne la notion de croissance, de rĂ©gĂ©nĂ©ration et de jeunesse Ă©ternelle. Un hymne du temple ptolĂ©maĂŻque dâEdfou dĂ©crit lâenfant Horus comme un nain Un lotus surgit dans lequel se trouvait un bel enfant qui illuminait la terre de ses rayons.... un bourgeon dans lequel se trouvait un nain »47. Cette identification sâexplique par lâapparence ambiguĂ« du nain, Ă la fois enfant et adulte, comme un jeune dieu Ă peine nĂ© mais dĂ©jĂ sage et savant. 24Deux petits dieux familiers tĂ©moignent de la valorisation du nain dans la religion et la magie Ă©gyptiennes. Le plus populaire est BĂšs, un nain trapu aux membres torses, avec une grosse tĂȘte Ă la langue pendante, auxquels sâajoutent les oreilles, la queue et mĂȘme la criniĂšre dâun lion. Son image apparaĂźt dĂšs le Moyen Empire vers 2040 av. jusquâĂ lâĂ©poque romaine sur une grande variĂ©tĂ© de supports, notamment des amulettes et des intailles magiques. Câest lâun des principaux gĂ©nies protecteurs de la famille ; avec la dĂ©esse Hathor et la dĂ©esse hippopotame Taouret, il Ă©carte les influences malignes des femmes enceintes et prĂ©side aux accouchements. Un autre dieu nain, nommĂ© conventionnellement Ptah-PatĂšque, apparaĂźt sous la forme dâamulettes dĂšs le Nouvel-Empire vers 1550 av. Comme BĂšs, ce petit dieu protĂšge les enfants de tout mal, en particulier des morsures et piqĂ»res dâanimaux dangereux. Sur certaines figurines, lâabsence de pilositĂ© et lâhypotrophie des traits faciaux Ă©voquent lâimage dâun fĆtus, peut-ĂȘtre pour signaler que la protection du dieu sâĂ©tendait Ă la femme enceinte et Ă lâembryon. 25Dans la vie quotidienne, des nains apparaissent dĂšs lâĂ©poque prĂ©dynastique dans lâentourage des grands dignitaires de la cour. Ils semblent avoir assumĂ© des tĂąches bien dĂ©finies, comme lâentretien des habits, des objets de toilette et la fabrication de bijoux. Ils sont parfois accompagnĂ©s par dâautres personnes avec des anomalies physiques. Dans la tombe de Baqt I Ă Beni Hassan Moyen Empire, XIe-XIIe dyn., 2040-1783 av. la suite du dĂ©funt est composĂ©e dâun nain, dâun bossu et dâun boiteux qui portent chacun le nom de leur malformation inscrit au-dessus de leur tĂȘte nmw, jw, dnb. Les nains ont aussi la garde des animaux favoris, gĂ©nĂ©ralement des singes cercopithĂšques et des chiens. Certains nains ont mĂȘme occupĂ© des fonctions importantes. Lâexemple le plus cĂ©lĂšbre est celui de Seneb qui reçut le privilĂšge dâĂȘtre enterrĂ© dans la nĂ©cropole royale de Gizeh Ve dyn., vers 2475 av. 48 Par ex. la momie dâenfant atteint dâosteogenesis imperfecta Nouvel empire ; H. K. Gray, Mummies ... 49 Histoire naturelle, 26Dâautres documents confirment que les enfants prĂ©sentant des anomalies physiques Ă la naissance avaient des chances de survivre et dâĂȘtre Ă©levĂ©s48. Adultes, ils nâĂ©taient pas exclus de la vie sociale et religieuse Ă cause de leur handicap. Câest dâailleurs en Ăgypte que lâon jugea bon, selon Pline lâAncien, dâĂ©lever un monstre portentum câĂ©tait un humain qui avait les deux yeux aussi derriĂšre la tĂȘte, mais qui ne voyaient pas »49. 27LâintĂ©gration rĂ©ussie des nains et dâautres infirmes dans la sociĂ©tĂ© Ă©gyptienne explique le soin particulier que reçut lâanencĂ©phale dâHermopolis. Contrairement Ă la MĂ©sopotamie voisine ou aux sociĂ©tĂ©s italique et romaine, la naissance dâun enfant difforme nây reprĂ©sentait pas un signe inquiĂ©tant pour les parents ou lâensemble de la communautĂ©. Ni bĂȘte, ni hybride, ni monstre, lâanencĂ©phale fut accueilli comme un ĂȘtre hors du commun, inachevĂ©, Ă lâimage des crĂ©atures divines des temps primordiaux, quâil fallait remettre Ă la protection du dieu Thot pour assurer sa finition. 50 I. E. S. Edwards, Hieratic Papyri in the British Museum, Fourth Series, Oracular Amuletic Decrees ... 28Le sort de cet enfant ne permet toutefois pas dâaffirmer que toutes les imperfections corporelles Ă©taient bien accueillies. Quelques documents laissent entrevoir une rĂ©alitĂ© plus complexe. Ainsi, un texte magique du VIIIe s. av. XXIIe ou XXIIIe dyn. Ă©numĂšre les motifs dâanxiĂ©tĂ© dâune femme enceinte. Il figure sur un petit papyrus que la future mĂšre portait autour du cou, glissĂ© dans un Ă©tui, en guise de talisman50. Le texte invoque protection contre toutes sortes dâinfluences nĂ©fastes. Trois malheurs notamment concernent le nouveau-nĂ© Nous la protĂ©gerons dâune naissance dâHorus une naissance prĂ©maturĂ©e ?, dâune fausse-couche, et de la naissance de jumeaux ». Le terme d3jt traduit par fausse-couche » pourrait aussi dĂ©signer une irrĂ©gularitĂ© », câest-Ă -dire une malformation de lâenfant. Les naissances gĂ©mellaires sont une autre cause de souci, probablement parce quâelles reprĂ©sentaient des naissances Ă risque, susceptibles de coĂ»ter la vie Ă la mĂšre et aux enfants. 29Des absences laissent supposer que les nouveau-nĂ©s prĂ©sentant des anomalies majeures Ă©taient discrĂštement supprimĂ©s Ă la naissance, mĂȘme si cette pratique Ă©tait officiellement dĂ©sapprouvĂ©e. On ne possĂšde ainsi pas de description ni de reprĂ©sentation Ă©gyptiennes dâĂȘtres humains atteints de graves malformations, privĂ©s dâun ou plusieurs membres, avec des parties surnumĂ©raires ou joints ensemble, comme les jumeaux siamois, qui tĂ©moigneraient de leur survie et de leur intĂ©gration. La mythologie Ă©gyptienne compte pourtant de nombreux monstres, mais ce sont toujours des ĂȘtres composites, formĂ©s de parties animales et humaines, sans rapport avec un Ă©tat pathologique rĂ©el. Le regard dâĂ. Geoffroy Saint-Hilaire 51 T. Appel, The Cuvier-Geoffroy Debate French Biology in the Decade before Darwin, Oxford, Oxford ... 30Ă. Geoffroy Saint-Hilaire chercha bien sĂ»r Ă deviner ce que cette momie monstrueuse avait pu signifier aux yeux des Ăgyptiens qui lâavaient faite, mais il Ă©tait avant tout un anatomiste. Bien quâil soit passĂ© Ă la postĂ©ritĂ© dâabord pour ses aphorismes et ses brillantes recherches dans le domaine de la zoologie, il Ă©tait aussi le fondateur de la tĂ©ratologie moderne, câest-Ă -dire, littĂ©ralement, de la science des monstres51. En particulier, câest en 1822 quâil publia le second volume de sa Philosophie Anatomique. Or, câest dans cet ouvrage quâil entreprit de classer systĂ©matiquement les difformitĂ©s congĂ©nitales, de rechercher par lâexpĂ©rimentation leurs causes, et quâil mit en relation la question des difformitĂ©s avec celle de la formation embryonnaire du corps humain normal ». Quatre ans plus tard, la momie monstrueuse lui fournit lâoccasion de se pencher Ă nouveau sur cette question. 31Pour Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, SMB Inv. Nr. 724 reprĂ©senta une sorte de triomphe taxonomique. Dans sa Philosophie Anatomique, il avait commencĂ© Ă classer les nouveau-nĂ©s monstrueux de la mĂȘme maniĂšre que les taxonomistes classaient les animaux. Il crĂ©a ainsi plusieurs petites familles » ou genres », Ă la maniĂšre linnĂ©enne. Un de ces groupes reunissait les cas du type AnencĂ©phale, quâil dĂ©crivait ainsi AnencĂ©phale TĂȘte sans cerveauPoint de cerveau ni de moelle Ă©piniĂšre ; la face et tous les organes des sens dans lâĂ©tat normal ; la boĂźte cĂ©rĂ©brale ouverte vers la ligne mĂ©diane, est composĂ©e de deux moitiĂ©s renversĂ©es et Ă©cartĂ©es de chaque cĂŽtĂ© en ailes de pigeon. 52 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822 ; 1825 ; I. Geoffroy Saint-Hilaire, 1836 p. 61-68. 53 Voir bibliographie dans I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1836 ; p. 61-68 ; I. Geoffroy Saint-H ... 54 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 68. 32Cette description se basait sur plusieurs cas observĂ©s Ă Paris par Geoffroy. Il nâĂ©tait dâailleurs pas le seul, notait-il, Ă avoir observĂ© et rĂ©pertoriĂ© cette difformitĂ© particuliĂšre52 â mais il Ă©tait en revanche le premier Ă lui donner une place prĂ©cise dans une taxonomie qui considĂ©rait les nouveau-nĂ©s privĂ©s de tĂȘte comme un tout cohĂ©rent fig. 5. Dans des publications ultĂ©rieures sur lâanencĂ©phalie53, Geoffroy poussa plus loin la logique linnĂ©enne et dĂ©crivit 9 espĂšces » dâanencĂ©phales comme par exemple A. ichthyoĂŻdes, A. perforatus et A. mumia â la momie montrueuse54 Anenchephalus-MumiaCaract. spĂ©c. TĂȘte renversĂ©e en arriĂšre ; bouche bĂ©ante ; les sur-occipitaux fort Ă©cartĂ©s et maintenus Ă la hauteur de lâarticulation scapulo-humĂ©rale ; les corps vertĂ©braux autant hauts que larges. 55 I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1836, p. 63. 33Les distinctions entre les espĂšces » monstrueuses de Geoffroy reposaient sur des diffĂ©rences minimes quant au degrĂ© de difformitĂ© ; elles furent par consĂ©quent peu utilisĂ©es. Mais le principe linnĂ©en est restĂ© dâactualitĂ© dans les ouvrages rĂ©cents de tĂ©ratologie qui sont parfois organisĂ©s selon les axes de la taxonomie plus fine dâIsidore, le fils dâĂtienne Geoffroy Saint-Hilaire. Câest lui, en effet, dans son Histoire GĂ©nĂ©rale et ParticuliĂšre des Anomalies, qui plaça le genre anencĂ©phale » dans la famille des AnencĂ©phaliens », ordre des Monstres Autosites », classe des Monstres Unitaires » et enfin, embranchement des Anomalies Complexes »55. 34Ces projets taxonomiques imposaient un ordre, si arbitraire soit-il, sur une partie de la Nature qui en avait manquĂ© jusque-lĂ , â une partie, qui plus est, dans laquelle le dĂ©sordre rĂ©gnait en maĂźtre. Pour Geoffroy pĂšre, dĂ©couvrir que son systĂšme fonctionnait sur un nouveau-nĂ© de 2000 ans Ă©tait la preuve mĂȘme de sa validitĂ© universelle. 5 - Nouveau-nĂ©s anencĂ©phales. DâaprĂšs Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique, Paris, Deville-Cavellin, 1822, pl. IV premiĂšre description du genus AnencĂ©phale ». 1 et 2 vues latĂ©rale et dorsale de lâenfant ; 3 "NotencĂ©phale" ; 4-8 parties du squelette 56 I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822, p. 523-529. 35Mais Geoffroy ne voulait pas seulement classer les difformitĂ©s, il voulait en expliquer la genĂšse. Dans la Philosophie Anatomique, il suggĂšre quâune forme particuliĂšre dâanencĂ©phalie a pu ĂȘtre causĂ©e par un retardement de dĂ©veloppement », imputable Ă des lĂ©sions subies au premier stade de la vie embryonnaire, et causĂ©es par le surmenage de la mĂšre pendant sa grossesse56. Assez curieusement, Geoffroy ne fait aucun commentaire sur les causes de lâanencĂ©phalie de la momie ; il semble juste considĂ©rer comme admis que ce sont des causes identiques aux causes actuelles qui ont pu jouer deux ou trois mille ans auparavant ». 36Geoffroy saisit en tout cas lâoccasion fournie par SMB Inv. Nr. 724 pour rĂ©affirmer quelques-unes de ses pensĂ©es favorites concernant les mĂ©canismes de lâontogenĂšse humaine. Il commence par le faire dans un exposĂ© Ă lâAcadĂ©mie des sciences 57 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825. On sâest plus occupĂ© des AnencĂ©phalies que des autres cas de monstruositĂ©s lâabsence de tout le systĂšme mĂ©dullaire cĂ©rĂ©bro-spinal a paru, en effet, une singularitĂ© du plus haut intĂ©rĂȘt dâabord pendant le rĂšgne du cartĂ©sianisme, comme fournissant un fait contraire Ă lâhypothĂšse que des esprits animaux sâengendraient dans le cerveau, et tout rĂ©cemment, depuis quâa paru la loi du dĂ©veloppement excentrique des organes, loi reconnue et posĂ©e par le docteur Serres, cette absence Ă©tant opposĂ©e aux opinions reçues, que les nerfs naissent des parties mĂ©dullaires contenues dans les Ă©tuis crĂąnien et vertĂ©bral. »57 58 Descartes, La description du corps humain ; De la formation de lâanimal », 1648, in C. Adam, P. ... 59 I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822. 37La premiĂšre affirmation renvoie Ă lâidĂ©e de Descartes selon laquelle les esprits animaux » â un fluide mystĂ©rieux issu du sang â naissaient dans le cerveau et se rĂ©pandaient par les nerfs jusquâaux extrĂ©mitĂ©s, pour y provoquer le mouvement et en assurer le dĂ©veloppement58. Les anencĂ©phales infirmaient cette doctrine, puisque, quoique dĂ©pourvus de cerveau, ils Ă©taient par ailleurs complĂštement constituĂ©s59. 60 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822, p. 88-89. 61 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822, p. 88. 38La deuxiĂšme dĂ©claration, concernant la loi du dĂ©veloppement excentrique », nous amĂšne au cĆur mĂȘme de la Philosophie anatomique de Geoffroy. Il sâagissait dâune sĂ©rie de lois permettant selon lui dâexpliquer la diversitĂ© anatomique offerte par le monde animal et son origine dans lâĆuf ou la matrice60. Ces lois pouvaient expliquer les formes prises par les individus monstrueux, et les individus monstrueux pouvaient, en retour, servir Ă confirmer leur validitĂ©. Pour Geoffroy, ses lois constituaient un vĂ©ritable instrument de dĂ©couvertes »61 â Ă lâinstar de son disciple Ătienne Serres, qui avait baptisĂ© ce systĂšme lâanatomie transcendante ». 62 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822 ; 1825 ; 1826. 63 De Beer, op. cit., 1937, p. 7-15. 64 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822 ; 1825, 373-375. 65 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 371-372. 66 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 388. 39Dans une sĂ©rie dâarticles62, Geoffroy montre comment les nouveaux nĂ©s anencĂ©phales et plus particuliĂšrement SMB Inv. Nr. 724, confirment ou infirment un certain nombre de thĂ©ories concernant le dĂ©veloppement et lâidentitĂ© des organes. Selon une de ces thĂ©ories, avancĂ©e Ă la fois par Goethe, Oken, Geoffroy et dâautres, le crĂąne est composĂ© dâune sĂ©rie de vertĂšbres modifiĂ©es63. Les anencĂ©phales, avance-t-il, permettent de voir les morceaux du crĂąne comme des os sĂ©parĂ©s, lĂ oĂč ils seraient normalement fusionnĂ©s â rĂ©vĂ©lant ainsi leur vraie nature64. La spina bifida des anencĂ©phales fournit ainsi Ă Geoffroy lâoccasion dâĂ©laborer une autre thĂ©orie selon laquelle la plupart des organes se dĂ©veloppent dâabord comme des primordia distincts Ă©lĂ©ments primitifs, qui fusionnent ensuite sous lâeffet dâune force attractive inhĂ©rente, un processus en lâespĂšce interrompu, laissant la colonne vertĂ©brale divisĂ©e en deux65. Cette idĂ©e allait devenir sa loi dâaffinitĂ© de soi pour soi », une sorte de loi universelle de lâattraction expliquant non seulement les formes de dĂ©veloppement organiques mais bien dâautres encore, et qui devait sans doute beaucoup Ă la notion dâ affinitĂ©s Ă©lectives » de Goethe. Le dĂ©doublement de la colonne vertĂ©brale autorise Ă©galement Geoffroy Ă faire allusion au passage Ă lâune des ses idĂ©es favorites, Ă savoir que les squelettes des vertĂ©brĂ©s peuvent ĂȘtre rapprochĂ©s des exosquelettes des crustacĂ©s et des insectes fig. 1. Dans la lĂ©gende dâune figure dĂ©crivant A. perforatus, il note que sa spina bifida provient dâune sĂ©paration des Ă©lĂ©ments vertĂ©braux comme dans le cas des CrustacĂ©s et des Insectes »66. 67 E. Serres, Recherches dâanatomie transcendante et pathologique. ThĂ©orie des formations et des dĂ©fo ... 68 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 381-386. 40Rien de tout cela ne pouvait ĂȘtre dĂ©duit de SMB Inv. Nr. 724, dont le squelette ne pouvait ĂȘtre atteint sans dommage. Aussi peu claire est sa dĂ©monstration de la loi du dĂ©veloppement excentrique » qui proclamait de façon gĂ©nĂ©rale que les organes trouvaient leur origine dans divers primordia qui se dĂ©veloppaient ensuite vers lâintĂ©rieur avant de fusionner67, et en particulier que les nerfs spinaux se dĂ©veloppaient des extrĂ©mitĂ©s vers le cordon mĂ©dullaire plutĂŽt que lâinverse. De façon plus convaincante, Geoffroy se sert de SMB Inv. Nr. 724 pour critiquer lâidĂ©e courante dâalors selon laquelle les organes gĂ©nitaux masculins reprĂ©sentent une sorte dâextension des organes gĂ©nitaux fĂ©minins. Si tel Ă©tait le cas, raisonne-t-il, et compte tenu du fait que lâanencĂ©phalie rĂ©sulte dâun arrĂȘt du dĂ©veloppement global, on devrait nâen trouver que des nouveau-nĂ©s fĂ©minins68. Or, SMB Inv. Nr. 724 est un mĂąle. Il est donc plus vraisemblable dâimaginer que les organes gĂ©nitaux fĂ©minins et masculins ont un dĂ©veloppement indĂ©pendant â ce qui correspond peu ou prou Ă nos conceptions actuelles. De lâutilitĂ© du monstre aujourdâhui 69 L. D. Botto et al., Neural tube defects », New England Journal of Medicine, 341, 1999, p. 1509-1 ... 41Dans les travaux modernes de tĂ©ratologie, lâanencĂ©phalie est gĂ©nĂ©ralement regroupĂ©e avec la Spina Bifida sous un syndrome unique ASB », dans la mesure oĂč les caractĂ©ristiques de ces difformitĂ©s se confondent. Câest une des tares congĂ©nitales les plus communes, affectant 1 naissance pour 1 000 aux Ătats Unis, mais lâincidence de cette difformitĂ© varie du simple au quintuple selon la gĂ©ographie, la race et le niveau socio-Ă©conomique69. 70 J. Coppa, Greene, J. N. Murdoch, The genetic basis of mammalian neurulation », Nature Gen ... 71 M. Lucock, Folic Acid nutritional biochemistry, molecular biology and role in disease processe ... 42Lâopinion de Geoffroy selon laquelle lâanencĂ©phalie serait due Ă un retard de dĂ©veloppement causĂ© par le travail de la mĂšre aux premiers mois de la grossesse nâest plus soutenable aujourdâhui. Mais les causes de lâASB ainsi que les variations de sa frĂ©quence dans la population restent obscures. On connaĂźt de rares mutations entraĂźnant des cas dâASB, soit chez lâhomme, soit chez la souris, mais elles ne sont pas la cause de la plupart dâentre eux70. Ce trouble semble au contraire rĂ©sulter de lâinteraction de plusieurs facteurs de risques environnementaux et gĂ©nĂ©tiques mal dĂ©finis. Un de ces facteurs est la carence en folate ou en vitamine B. Personne ne sait comment cette carence entraĂźne lâĂ©chec de la soudure du canal neural, mais il est clair que lâadministration dâacide folique pendant la grossesse permet de prĂ©venir efficacement lâASB71. 72 A. M. Leroi, Mutants On the Form, Variety and Errors of the Human Body, London, Harper Collins, ... 43Comme le pressentait Geoffroy, lâASB trouve son origine dans les dĂ©buts de lâembryogenĂšse. Dix-neuf jours environ aprĂšs la conception, une zone de tissu nerveux se forme le long du dos de lâembryon. Affectant la forme dâune feuille de tulipe, cette zone tissulaire est dâabord plate. Plus tard, toutefois, elle se replie longitudinalement pour former un canal. Les bords de ce canal se collent ensuite au sommet pour former un tube creux qui court tout le long de lâembryon les futurs cordon mĂ©dullaire et cerveau72. Le scellement, ou fermeture », du canal neural semble ĂȘtre une opĂ©ration dĂ©licate, qui peut frĂ©quemment Ă©chouer. Le rĂ©sultat est alors un canal neural ouvert, une colonne vertĂ©brale ouverte ou mĂȘme un cerveau et une voĂ»te crĂąnienne bĂ©ants. 73 G. R. De Beer, The Development of the Vertebrate Skull, Oxford, Clarendon, 1937. 74 T. Appel, The Cuvier-Geoffroy Debate French Biology in the Decade before Darwin, Oxford, Oxford ... 75 B. I. Balinsky, An Introduction to Embryology, Philadelphia, W. B. Saunders, 1965 2e Ă©d., p. 351 ... 44Bien peu de thĂ©ories spĂ©cifiques de lâanatomie transcendantale ont passĂ© lâĂ©preuve du temps. La thĂ©orie vertĂ©brale du crĂąne a Ă©tĂ© anĂ©antie par Thomas Henry Huxley en 185873 ; lâidĂ©e de Geoffroy selon laquelle les squelettes des vertĂ©brĂ©s et des crustacĂ©s Ă©taient homologues lui est restĂ©e personnelle74 ; de mĂȘme, les nerfs spinaux ne prennent pas naissance dans la moelle, mais dans une sĂ©rie de ganglions spinaux en direction des extrĂ©mitĂ©s quâils innervent75. 76 T. Lufkin et al., Homeotic transformation of the occipital bones of the skull by ectopic express ... 77 B. I. Balinsky, op. cit., p. 351-352. 45Ceci dit, Ă la dĂ©charge de Geoffroy, beaucoup de ses thĂ©ories ont au moins un fond de vĂ©ritĂ©. Bien que lâensemble du crĂąne ne soit pas constituĂ© de vertĂšbres modifiĂ©es, la perturbation dâun gĂšne HOX chez les souris montre que lâos occipital celui qui intĂ©ressait particuliĂšrement Geoffroy chez ses nouveau-nĂ©s monstrueux peut se transformer en vertĂšbres76 ; la spina bifida rĂ©sulte en effet dâun dĂ©faut dâattraction », ou si lâon prĂ©fĂšre la terminologie actuelle, dâadhĂ©sion cellulaire ; alors que les nerfs peuvent trouver leur origine dans le ganglion spinal, les ganglions spinaux ne proviennent pas directement de la moelle Ă©piniĂšre, mais plutĂŽt de cellules de crĂȘtes neuronales ayant subi une migration Ă©laborĂ©e Ă partir dâautres localisations77. 46VoilĂ qui concorde grosso modo avec la loi du dĂ©veloppement excentrique », du moins dans la mesure oĂč elle conçoit la formation du corps comme rĂ©sultant de migrations et de fusions cellulaires et tissulaires diverses. 78 A. Leroi, op. cit., 2004. 47En outre, alors que les thĂ©ories de lâanatomie transcendantale dĂ©rivent invariablement vers des gĂ©nĂ©ralitĂ©s â certes pourvues dâun peu de vĂ©ritĂ© mais incapables de restituer les subtilitĂ©s du dĂ©veloppement organique, lâattitude de Geoffroy frappe par sa modernitĂ©. Ainsi en est-il de sa quĂȘte dâune preuve des lois » de la fabrication du corps dans les nouveau-nĂ©s monstrueux les gĂ©nĂ©ticiens modernes cherchent eux aussi dans les difformitĂ©s la logique molĂ©culaire des programmes du dĂ©veloppement mais en se servant de mutants produits Ă partir dâanimaux de laboratoire comme les vers, les mouches et les souris. Alors quâon dĂ©couvre un nombre sans cesse croissant de mutations humaines responsables de difformitĂ©s congĂ©nitales, il devient toutefois Ă©vident que celles-ci peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour dĂ©construire et comprendre la formation du corps78. 79 OMIM. Sept. 2004. Online Mendelian Inheritance in ... 48Au moment oĂč nous Ă©crivons le 10 septembre 2004, on a ainsi identifiĂ© les mutations responsables de la perturbation de 1 622 gĂšnes causant des difformitĂ©s congĂ©nitales79. Quand les gĂšnes responsables de lâanencĂ©phalie seront identifiĂ©s â et ils le seront Ă coup sĂ»r, ils lĂšveront un peu le voile sur le programme gĂ©nĂ©tique qui Ă©labore la structure la plus complexe du corps humain, le cerveau. Conclusion 80 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1826, p. 233. 81 Nous remercions Dr. Hannelore Kischkewitz de lâĂgyptisches Museum und Papyrussammlung Ă Berlin pou ... 49De lâancienne Ăgypte Ă lâĂ©poque contemporaine, le destin Ă©trange de lâanencĂ©phale fut de rĂ©vĂ©ler les lois cachĂ©es du monde. Loin de lâinterprĂ©ter comme une rupture effrayante de lâordre cosmique, les Ăgyptiens le classĂšrent parmi les ĂȘtres en formation et le marquĂšrent de lâempreinte du dieu Thot, capable de le rĂ©gĂ©nĂ©rer. Tenu de naĂźtre et de mourir au mĂȘme moment »80, son existence Ă©phĂ©mĂšre Ă©pargna Ă ses semblables toute exhibition. Pour les tĂ©ratologues et biologistes du XIXe siĂšcle et dâaujourdâhui, lâanencĂ©phale dĂ©montre la qualitĂ© du monstre » comme instrument de dĂ©couvertes », dont les Ă©carts permettent de saisir la structure du vivant81. Notes 1 Ă cĂŽtĂ© de lâibis, plus de trente espĂšces dâoiseaux ont ainsi Ă©tĂ© identifiĂ©es par J. Boessneck et A. von den Driesch in J. Boessneck Ă©d., Tuna el-Gebel I, Die Tiergalerien, Hildesheim, Gerstenberg, 1987, p. 56-202. 2 J. Passalacqua, Catalogue raisonnĂ© et historique des antiquitĂ©s dĂ©couvertes en Ăgypte, Paris, Galeries dâantiquitĂ©s Ă©gyptiennes, 1826, p. 148-149. 3 J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 230 ; D. Kessler, Forschungsstand bis 1983 », in J. Boessneck, op. cit., 1987, p. 6 ; D. Kessler, Die Galerie C von Tuna el-Gebel », Mitteilungen des Deutschen ArchĂ€ologischen Instituts, Abteilung Kairo, 39, 1983, p. 107-124. 4 D. Kessler, A. El Halim Nurredin, Der Tierfriedhof von Tuna el-Gebel, Stand der Grabungen bis 1993 », Antike Welt, 25, 1994, p. 252-266. 5 D. Kessler, Die heiligen Tiere und der König, I, BeitrĂ€ge zu Organisation, Kult und Theologie der spĂ€tzeitlichen Tierfriedhöfe, Wiesbaden, Harrassowitz, 1989, spĂ©c., p. 194-219 ; id. Tierkult », Lexikon der Ăgyptologie, VI, Wiesbaden, Harrassowitz, 1986, col. 571-587 ; id. Tuna el Gebel », ibid., col. 797-804. 6 D. Kessler, op. cit., 1987, p. 12 ; D. Kessler, A. El Halim Nurredin, op. cit., p. 262, fig. 14. 7 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire in J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 230. 8 I. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire gĂ©nĂ©rale et particuliĂšre des anomalies de lâorganisation chez lâhomme et les animaux, Paris, BailliĂšre, 1832-1836. 9 Histoire des Monstres, Paris, Reinwald, 1880 ; rééd. Grenoble, JĂ©rĂŽme Millon, 2002, p. 29-30. 10 Monstres. Histoire du corps et de ses dĂ©fauts, Paris, Syros, 1991, p. 26-28. 11 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, Description dâun monstre humain nĂ© avant lâĂšre chrĂ©tienne et considĂ©rations sur le caractĂšre des monstres dits AnencĂ©phales », Annales des Sciences Naturelles, 6, 1825, p. 357-388, pl. 18. ; id. Communication faite Ă lâAcadĂ©mie royale des Sciences », in J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 231-233. 12 W. R. Dawson, E. P. Uphill, M. L. Bierbrier, Who was who in Egyptology, London, Egypt Exploration Society, 1995 3e Ă©d., p. 321. 13 A. Erman, AusfĂŒhrliches Verzeichnis der Ăgyptischen AltertĂŒmer und GipsabgĂŒsse, Berlin, W. Spemann, 1899, p. 314. Trad. Momie dâun fĆtus mal formĂ© qui Ă©tait enterrĂ© dans une tombe de singe Ă Schmun, avec dans ses bandelettes la figurine en faĂŻence dâun singe accroupi. On a donc supposĂ© que la femme concernĂ©e avait accouchĂ© dâun singe ». 14 Communication du Dr. H. Kischkewitz. 15 Lettre du 16 Trad. Constat radiologique de lâanencĂ©phale objet 724. Ăge de dĂ©veloppement environ 7 mois. En raison de la position assise forcĂ©e lâa. est difficile Ă interprĂ©ter du point de vue radiologique. On remarque que la mĂąchoire infĂ©rieure 1 manque, dâoĂč lâaspect de tĂȘte dâoiseau de la partie supĂ©rieure de la face. CavitĂ©s orbitales anormalement grandes 2. Selon la radiographie, la mĂąchoire infĂ©rieure a pu Ă©ventuellement ĂȘtre rabattue vers le bas pour reposer sur la paroi ventrale du thorax 3. Il nâest cependant pas exclu que la mĂąchoire infĂ©rieure ait manquĂ©. Ă la place de la calotte crĂąnienne inachevĂ©e on trouve des dĂ©formations osseuses 4. Les vertĂšbres cervicales sont recourbĂ©es en forme de crosse 5. Les os tendres du spĂ©cimen ont probablement Ă©tĂ© fortement fracturĂ©s lors de la momification et au cours de la mise en position assise ; câest ainsi que lâon observe nettement une fracture de lâos du fĂ©mur 6. En outre les os du tibia ont Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s du squelette du pied 7 avec brutalitĂ© et partiellement fracturĂ©s. Les os des extrĂ©mitĂ©s supĂ©rieures ont Ă©tĂ© Ă©galement fortement disloquĂ©s lors du bandelettage. Les os paraissent trĂšs Ă©pais par rapport Ă la taille de lâa. La colonne vertĂ©brale prĂ©sente la spina bifida typique 8 ». 17 Gorlin, M. M. Cohen, R. C. M. Hennekam, Syndromes of the Head and Neck, Oxford, Oxford University Press, 2001 4e Ă©d.. 18 Cf. R. J. Oostra, B. Baljet, R. C. M. Hennekam, Congenital anomalies in the teratological collection of the Museum Vrolik in Amsterdam, The Netherlands. IV Closure Defects of the Neural Tube », American Journal of Medical Genetics, 80, 1998, p. 60-73. 19 Voir F. Drilhon, Un fĆtus humain dans un obĂ©lisque Ă©gyptien en bois », ArchĂ©ologie et mĂ©decine. VIIe rencontres internationales dâarchĂ©ologie et dâhistoire, Antibes, Octobre 1986, Juan-les-Pins, APDCA, 1987, p. 499-521. 20 Cf. C. Andrews, Amulets of Ancient Egypt, London, British Museum Press, 1994, spĂ©c. p. 39-40 BĂšs, p. 49, p. 66-67 singe. 21 J. Passalacqua, op. cit., 1826, p. 232-233. 22 Man nahm wohl an, die betreffende Frau habe einen Affen geboren », op. cit. 23 E. Martin, op. cit., 2002, p. 30. 24 Par ex. Pline, Histoire naturelle, ; Tite-Live, ; ; ValĂšre Maxime Sur le topos littĂ©raire du serpent, voir A. AllĂ©ly, Les enfants mal formĂ©s et considĂ©rĂ©s comme prodigia Ă Rome et en Italie sous la RĂ©publique », Revue des Ătudes Anciennes, 105 1, 2003, p. 144. 25 Pline, Histoire naturelle, 26 GĂ©nĂ©ration des Animaux, ; LucrĂšce, De la nature, 27 Soranos, Des maladies des femmes, ; D. Gourevitch, Se mettre Ă trois pour faire un bel enfant, ou lâimprĂ©gnation par le regard », LâĂ©volution psychiatrique, 52 2, 1987, p. 559-563. Sur lâinscription de cette croyance dans la longue durĂ©e, P. Darmon, Le mythe de la procrĂ©ation Ă lâĂąge baroque, Paris, Seuil, 1981, p. 158-178. 28 P. Derchain, Anthropologie. Ăgypte pharaonique », in Y. Bonnefoy dir., Dictionnaire des mythologies, Paris, Flammarion, 1981, p. 87-95 ; D. Meeks, Zoomorphie et image des dieux dans lâĂgypte ancienne », in C. Malamoud, Vernant dir., Le corps des dieux, Le temps de la rĂ©flexion VIII, Paris, Gallimard, 1986, p. 171-191 ; E. Hornung, Les dieux de lâĂgypte. Le un et le multiple, Paris, 1986. HĂ©rodote ne sây trompe pas en affirmant que les Ăgyptiens ne croient pas que le dieu de MendĂšs Pan/Khnoum a une tĂȘte de bouc, mĂȘme sâils le figurent ainsi. 29 Sur les compĂ©tences de Thot, voir par exemple D. Kurth, Thot », Lexikon der Ăgyptologie, VI, Wiesbaden, Harrassowitz, 1986, col. 498-523, spĂ©c. 505-509, sur ses rapports au cycle lunaire, Ă la mĂ©decine et Ă la magie. 30 L. Lortet, C. Gaillard, La faune momifiĂ©e de lâancienne Ăgypte, IIe sĂ©rie, Archives du musĂ©um dâhistoire naturelle de Lyon, IX, Lyon, H. Georg, 1907, p. 32-38 momies de singes ? ; id., X, 1909, p. 188-189 nouvelle interprĂ©tation momies de fĆtus humain ?. 31 S. Sauneron, J. Yoyotte, La naissance du monde selon lâĂgypte ancienne », La naissance du monde Sources Orientales I, Paris, Seuil, 1959, p. 52-67. 32 Cf. lâenfant Ă face de grenouille nĂ© en 1517 ; A. ParĂ©, Des monstres et des prodiges, ch. IX, Exemple des monstres qui se font par imagination », GenĂšve, Droz, 1971, fig. 28 le jour la conception, la mĂšre a tenu une grenouille dans la main pour guĂ©rir une fiĂšvre. 33 Je remercie C. Spieser de ces informations. Voir aussi E. Feucht, Der Weg ins Leben », in Dasen V. Ă©d., Naissance et petite enfance dans lâAntiquitĂ©, Actes du colloque de Fribourg, 28 novembre-1er dĂ©cembre 2001, Fribourg/Göttingen, Academic Press/Vandenhoeck Ruprecht, 2004, p. 33-54 ; C. Spieser, Femmes et divinitĂ©s enceintes dans lâĂgypte du Nouvel Empire », ibid., p. 55-70. 34 J. Assman, Ăgyptische Hymnen und Gebete, Fribourg/Göttingen, UniversitĂ€tsverlag/Vandenhoeck & Ruprecht, 1999, p. 219, n° 92, 1. 62. 35 Sur le rĂŽle protecteur dâAtoum, Khnoum, Chou E. Feucht, op. cit., 2004, p. 42-43. Serket C. Spieser, Serket, protectrice des enfants Ă naĂźtre et des dĂ©funts Ă renaĂźtre », Revue dâĂgyptologie, 52, 2001, p. 251-264. De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, C. Spieser, Les dieux et la naissance dans lâĂgypte ancienne, in Dasen V. Ă©d., Regards croisĂ©s sur la naissance et la petite enfance. Actes du cycle de confĂ©rences NaĂźtre en 2001 », Fribourg, Ăditions universitaires, 2002, p. 285-296. 36 V. Dasen, Dwarfs in Ancient Egypt and Greece, Oxford, Clarendon Press, 1993, spĂ©c. p. 52-53, 67-75, 84-98 ; ead., Der Gott Bes und die Zwergin. Eine Figur zum Schutz der Mutterschaft », in S. Bickel Ă©d., In Ăgyptischer Gesellschaft. Aegyptiaca der Sammlungen Bibel + Orient der UniversitĂ€t Freiburg, Freiburg, Academic Press, 2004, p. 64-69. 37 Sur ces trouvailles, voir aussi J. Baines, P. Lacovara, Burial and the dead in ancient Egyptian society. Respect, formalism, respect », Journal of Social archaeology, 2 1, 2002, p. 5-36, spĂ©c. 14. 38 B. BruyĂšre, Rapport sur les fouilles de Deir el MĂ©dineh 1934-1935, II, La nĂ©cropole de lâest, Le Caire, Institut français dâarchĂ©ologie orientale, 1937 FIFAO 15, p. 11-15. Voir aussi E. Feucht, op. cit., 2004, p. 128, n. 632. 39 E. Feucht, op. cit., 2004, p. 128-130. Plus rarement, lâenfant se trouve avec le pĂšre, ou avec le couple ; ibid., p. 130. 40 Louvre E 3708, N 3959 Basse Ă©poque ; Drilhon, op. cit., 1987, p. 503-506, fig. 4-6. 41 F. Filce Leek, The Human Remains from the Tomb of Tutâankhamun, Oxford, Griffith Institute, 1972, p. 21-23 ; Drilhon, op. cit., 1987, p. 512-514. 42 Louvre, Coll. Rousset Bey, E 5723 n° 1945 ; Coll. Clot Bey, n° 4205, 1940 ; Lortet/ Gaillard, op. cit., IX, p. 201-205. 43 Lortet/ Gaillard, op. cit., 1907 et 1909. 44 G. E. Smith, The Royal Mummies, Le Caire, Institut français dâarchĂ©ologie orientale, 1912 CGC, p. 98-101 n° 61088-61089 ; R. B. Partridge, Faces of Pharaohs. Royal Mummies and Coffins from Ancient Thebes, London, The Rubicon Press, 1994, p. 195-197, fig. 174 ; F. Dunand, R. Lichtenberg, Les momies et la mort en Ăgypte, Paris, Errance, 1998, p. 145 et 242. 45 Trad. P. Vernus, Sagesses de lâĂgypte pharaonique, Paris, Imprimerie nationale, 2001, p. 324. 46 Dasen, op. cit., 1993, p. 50, fig. 47 M. de Rochemonteix, S. Cauville, D. Devauchelle, Le temple dâEdfou, I, Le Caire, Institut français dâarchĂ©ologie orientale, 1984 2e Ă©d., p. 289, pl. XXIXb. 48 Par ex. la momie dâenfant atteint dâosteogenesis imperfecta Nouvel empire ; H. K. Gray, Mummies and Human Remains. Catalogue of Egyptian Antiquities in the British Museum, I, London, 1968, p. 13-13, n° 24 ; Dasen, op. cit., 1993, p. 19-20, 323, cat. S 18. Voir aussi Ă Deir el-Medineh le sarcophage du petit Itiky prĂ©sentant des anomalies du squelette une forme de nanisme ? ; BruyĂšre, op. cit., 1937, p. 14. 49 Histoire naturelle, 50 I. E. S. Edwards, Hieratic Papyri in the British Museum, Fourth Series, Oracular Amuletic Decrees of the Late New Kingdom, London, British Museum, 1960, p. 65-67 ; Dasen, op. cit., 1993, p. 99. 51 T. Appel, The Cuvier-Geoffroy Debate French Biology in the Decade before Darwin, Oxford, Oxford University Press, 1987 ; H. Le Guyader, Geoffroy Saint-Hilaire un naturaliste visionnaire, Paris, Belin, 1998. 52 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822 ; 1825 ; I. Geoffroy Saint-Hilaire, 1836 p. 61-68. 53 Voir bibliographie dans I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1836 ; p. 61-68 ; I. Geoffroy Saint-Hilaire, Vie, travaux et doctrine scientifique dâĂ. Geoffroy Saint-Hilaire, Paris, Strasbourg, P. Bertrand-Levrault, 1847, p. 459-464. 54 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 68. 55 I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1836, p. 63. 56 I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822, p. 523-529. 57 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825. 58 Descartes, La description du corps humain ; De la formation de lâanimal », 1648, in C. Adam, P. Tannerry Ă©d., Ćuvres de Descartes, Paris, Vrin, 1974. 59 I. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822. 60 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822, p. 88-89. 61 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822, p. 88. 62 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822 ; 1825 ; 1826. 63 De Beer, op. cit., 1937, p. 7-15. 64 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1822 ; 1825, 373-375. 65 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 371-372. 66 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 388. 67 E. Serres, Recherches dâanatomie transcendante et pathologique. ThĂ©orie des formations et des dĂ©formations organiques, appliquĂ©e Ă lâanatomie de Christina, et de la duplicitĂ© monstrueuse, Paris, Firmin Didot, 1832, p. 4. 68 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1825, p. 381-386. 69 L. D. Botto et al., Neural tube defects », New England Journal of Medicine, 341, 1999, p. 1509-1519. 70 J. Coppa, Greene, J. N. Murdoch, The genetic basis of mammalian neurulation », Nature Genetics Reviews, 4, 2003, p. 784-793. 71 M. Lucock, Folic Acid nutritional biochemistry, molecular biology and role in disease processes », Molecular Genetics and Metabolism, 71, 2000, p. 121-138. 72 A. M. Leroi, Mutants On the Form, Variety and Errors of the Human Body, London, Harper Collins, 2004. 73 G. R. De Beer, The Development of the Vertebrate Skull, Oxford, Clarendon, 1937. 74 T. Appel, The Cuvier-Geoffroy Debate French Biology in the Decade before Darwin, Oxford, Oxford University Press, 1987 ; H. Le Guyader, op. cit. 75 B. I. Balinsky, An Introduction to Embryology, Philadelphia, W. B. Saunders, 1965 2e Ă©d., p. 351-352. 76 T. Lufkin et al., Homeotic transformation of the occipital bones of the skull by ectopic expression of a homeobox gene », Nature, 356, 1992, p. 835-841. 77 B. I. Balinsky, op. cit., p. 351-352. 78 A. Leroi, op. cit., 2004. 79 OMIM. Sept. 2004. Online Mendelian Inheritance in USA. 80 Ă. Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit., 1826, p. 233. 81 Nous remercions Dr. Hannelore Kischkewitz de lâĂgyptisches Museum und Papyrussammlung Ă Berlin pour toutes ses informations sur le destin de la momie et les illustrations ainsi que Jeremy Pollard pour nous avoir autorisĂ©s Ă reproduire leurs photographies ; merci aussi Ă Saskia Bode pour son aide lors de nos recherches. Les recherches dâArmand M. Leroi ont Ă©tĂ© soutenues par des subsides du Biology and Biotechnology Research Council.
Pourfaire Ă©cho et en complĂ©ment de la biographie de Hayao Miyazaki, j'ai choisi de vous proposer Ă©galement l'historique prĂ©cis d'un des plus grands studios de l'histoire du cinĂ©ma d'animation japonais.. En japonais, Ghibli sâĂ©crit ăžăăȘ et se prononce « djibli ». Processus de crĂ©ation. En 1983 la sociĂ©tĂ© Tokuma Shoten, Ă©ditrice du magazine dâanimation Animage,
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Planche53 : l'enlÚvement de Mortimer décalque celui de Tournesol dans Les Sept Boules de cristal: on retrouve sa pipe (cf. le parapluie de Tournesol) ; la case 10 reprend les éléments de la case 3 de la planche 42 d'Hergé : l'herbe piétinée, le geste de la main de Blake, etc. ; et Mortimer, comme Tournesol, est transporté dans une conduite intérieur beige (comparer la
1 LâidentitĂ© du macrocosme et du microcosme est semble-t-il ce qui a fascinĂ© Marguerite Yourcenar da ... 1Ćuvre mĂ©ditative autant que narrative, les MĂ©moires dâHadrien ont assez dâampleur pour embrasser tout un empire, assez de hauteur pour relier lâavenir au souvenir. Si la profondeur du texte tient Ă la complexitĂ© du feuilletage gĂ©nĂ©rique et Ă la densitĂ© de lâexpĂ©rience du protagoniste, elle relĂšve Ă©galement dâun vertigineux jeu de miroirs qui confine Ă la mise en abĂźme. Lâhistoire de lâhomme dans lâempire est aussi lâhistoire de lâun dans le tout. Tout nous Ă©chappe, et tous, et nous-mĂȘme », concĂšde Marguerite Yourcenar dans les Carnets de notes p. 331. Dans ce demi-aveu de faiblesse de lâĂ©crivain rĂ©side sans doute la clef de sa force la certitude humaniste quâil nâexiste pas de solution de continuitĂ© de tout » Ă nous-mĂȘme », que le microcosme dâun ĂȘtre peut reflĂ©ter le macrocosme des hommes, et le microcosme dâun livre, le macrocosme du monde1. Aussi les MĂ©moires dâHadrien peuvent-ils se lire comme une Ćuvre rĂ©flexive, voire autorĂ©flexive. Dans le livre, la bibliothĂšque 2 Sur les rapports de Marguerite Yourcenar et Jorge Luis Borges, voir Achmy Halley, Marguerite Yourc ... 2Grande admiratrice de Borges2, auquel elle rendit visite six jours avant quâil ne meure, Marguerite Yourcenar avait comme lui la fascination du labyrinthe Le Labyrinthe du monde, tel est le titre quâelle donne Ă sa trilogie familiale, et le territoire que ne cesse dâexplorer son Ćuvre. Comme Borges toujours, elle sait quâune bibliothĂšque est tout ensemble un monde et un labyrinthe ; nouvelle Ariane, elle invite le lecteur Ă suivre le fil des lectures dâHadrien, qui en disent aussi beaucoup sur son propre monde de livres. La bibliothĂšque dâHadrien 3 Lâune des meilleures maniĂšre de recrĂ©er la pensĂ©e dâun homme reconstituer sa bibliothĂšque » dans cette remarque des Carnets de notes p. 327, Marguerite Yourcenar livre lâun des secrets de fabrication » de son ouvrage, qui nâa cependant rien de la mĂ©thode servilement appliquĂ©e. La nĂ©cessitĂ© de cette reconstitution sâest, Ă lâen croire, imposĂ©e Ă elle comme en dĂ©pit dâelle Durant des annĂ©es, dâavance, et sans le savoir, jâavais ainsi travaillĂ© Ă remeubler les rayons de Tibur » ibid. De ces recherches mi-archĂ©ologiques, mi-bibliophiliques, les MĂ©moires dâHadrien portent la trace. Ils sont jalonnĂ©s dâallusion aux lectures du protagoniste, qui agissent comme autant dâĂ©lĂ©ments de caractĂ©risation dâHadrien. Mais dans les goĂ»ts, les dĂ©goĂ»ts et les engouements littĂ©raires du personnage se lisent aussi, souvent en creux, certains choix littĂ©raires de lâauteur. 4Que les prĂ©fĂ©rences littĂ©raires dâun individu contribuent Ă le dĂ©finir, la diĂ©gĂšse le suggĂšre comme les paratextes. Ainsi, lorsquâHadrien veut caractĂ©riser Lucius, il Ă©voque le poĂšte favori de lâadolescent, dont le nom seul suffit Ă dessiner lâaudace sĂ©duisante du jeune patricien Martial Ă©tait son Virgile il rĂ©citait ses poĂ©sies lascives avec une effronterie charmante » p. 122. Mais Lucius est surtout saisi Ă travers le prisme du regard et des lectures dâHadrien trĂšs vite, câest Ă ses propres goĂ»ts que celui-ci recourt pour complĂ©ter le portrait, et il affirme ainsi comme incidemment sa prĂ©fĂ©rence pour la poĂ©sie amoureuse, quâelle appartienne aux temps passĂ© de la GrĂšce, avec Callimaque, ou quâelle lui soit contemporaine, avec Straton Lâimage de Lucius adolescent se confine Ă des recoins plus secrets du souvenir un visage, un corps, lâalbĂątre dâun teint pĂąle et rose, lâexact Ă©quivalent dâune Ă©pigramme amoureuse de Callimaque, de quelques lignes nettes et nues du poĂšte Straton » ibid. 5TrĂšs tĂŽt dans sa lettre Ă Marc AurĂšle, Hadrien a en effet affirmĂ© sa passion de la poĂ©sie. Ăpris de rhĂ©torique, il dit avoir Ă©tĂ© plus profondĂ©ment marquĂ© encore par ses lectures poĂ©tiques. Lâamateur de la vie et de ses plaisirs est mĂȘme alors tentĂ© de donner la prĂ©sĂ©ance Ă la littĂ©rature La lecture des poĂštes eut des effets plus bouleversants encore ; je ne suis pas sĂ»r que la dĂ©couverte de lâamour soit nĂ©cessairement plus dĂ©licieuse que celle de la poĂ©sie. Celle-ci me transforma lâinitiation Ă la mort ne mâintroduira pas plus loin dans un autre monde que tel crĂ©puscule de Virgile. Plus tard, jâai prĂ©fĂ©rĂ© la rudesse dâEnnius, si prĂšs des origines sacrĂ©es de la race, ou lâamertume savante de LucrĂšce, ou, Ă la gĂ©nĂ©reuse aisance dâHomĂšre, lâhumble parcimonie dâHĂ©siode. Jâai goĂ»tĂ© surtout les poĂštes les plus compliquĂ©s et les plus obscurs, qui obligent ma pensĂ©e Ă la gymnastique la plus difficile, les plus rĂ©cents ou les plus anciens, ceux qui me frayent des voies toutes nouvelles ou mâaident Ă retrouver les pistes perdues. Mais, Ă cette Ă©poque, jâaimais surtout dans lâart des vers ce qui tombe le plus immĂ©diatement sous les sens, le mĂ©tal poli dâHorace, Ovide et sa mollesse de chair. p. 44 6Dans cette Ă©numĂ©ration, Marguerite Yourcenar rĂ©unit bien des traits caractĂ©ristiques de son personnage, changeant, variable, attirĂ© Ă la fois par la puretĂ© de lâexpression et la complexitĂ© de lâesprit humain, aimantĂ© par les extrĂȘmes, fascinĂ© par la GrĂšce et attachĂ© Ă Rome. Mais ce quâHadrien Ă©prouve au fil de ses lectures reflĂšte Ă©galement ce que Marguerite Yourcenar offre Ă ses lecteurs une Ćuvre narrative, comme celles des poĂštes Ă©piques, mythique, comme celle dâHĂ©siode et mĂ©ditative, comme celle de LucrĂšce, mais aussi une ouverture vers un autre monde » dâamour et de mort, que lâon pĂ©nĂštre au prix, sinon dâune gymnastique difficile », du moins dâun effort de comprĂ©hension, et dans lequel on parcourt autant de voies nouvelles » que de pistes perdues ». Ces pistes perdues », lâempereur les explore de nouveau aprĂšs la mort dâAntinoĂŒs, et les Ă©voque dans une mĂ©ditation sur ses lectures qui constitue en quelque sort le double endeuillĂ© de celle de Varius, multiplex, multiformis ». Ses choix se sont alors resserrĂ©s, ses goĂ»ts se sont muĂ©s en obsessions, mais lâauteur entremĂȘle de nouveau les caractĂ©ristiques de son personnage et celles de sa propre Ă©criture Les poĂštes aussi mâoccupĂšrent ; jâaimais Ă conjurer hors dâun passĂ© lointain ces quelques voix pleines et pures. Je me fis un ami de ThĂ©ognis, lâaristocrate, lâexilĂ©, lâobservateur sans illusion et sans indulgence des affaires humaines, toujours prĂȘt Ă dĂ©noncer ces erreurs et ces fautes que nous appelons nos maux. Cet homme avait goĂ»tĂ© aux dĂ©lices poignantes de lâamour ; [...] lâimmortalitĂ© quâil promettait au jeune homme de MĂ©gare Ă©tait mieux quâun vain mot, puisque ce souvenir mâatteignait Ă une distance de plus de six siĂšcles. Mais, parmi les anciens poĂštes, Antimaque surtout mâattacha ; jâapprĂ©ciais ce style obscur et dense, ces phrases amples et pourtant condensĂ©es Ă lâextrĂȘme, grandes coupes de bronze emplies dâun vin lourd. [...] Il avait passionnĂ©ment pleurĂ© sa femme LydĂ© ; il avait donnĂ© le nom de cette morte Ă un long poĂšme oĂč trouvaient place toutes les lĂ©gendes de douleur et de deuil. Cette LydĂ©, que je nâaurais peut-ĂȘtre pas remarquĂ©e vivante, devenait pour moi une figure familiĂšre, plus chĂšre que bien des personnages fĂ©minins de ma propre vie. Ces poĂšmes, pourtant presque oubliĂ©s, me rendaient peu Ă peu ma confiance en lâimmortalitĂ©. p. 235-236 7Les styles respectifs de ThĂ©ognis et Antimaque ne sont pas sans rapport avec celui que Marguerite Yourcenar prĂȘte Ă Hadrien, sans illusion et sans indulgence », dense », ample et pourtant condensĂ© Ă lâextrĂȘme », et de mĂȘme que ThĂ©ognis et Antimaque assurent lâimmortalitĂ© de Cyrnus et LydĂ©, Marguerite Yourcenar fait revivre Hadrien et AntinoĂŒs, les rend, le temps dâune lecture, plus familiers aux lecteurs que leurs contemporains. 3 Marguerite Yourcenar elle-mĂȘme dĂ©signe trĂšs clairement MĂ©moires dâHadrien comme une Ćuvre poĂ©tique ... 4 Sur ce sujet, voir RĂ©my Poignault, Hadrien et le monde des lettres », dans LâAntiquitĂ© dans lâĆu ... 5 Les messages affluĂšrent ; PancratĂšs mâenvoya son poĂšme enfin terminĂ© ; ce nâĂ©tait quâun mĂ©diocre ... 8La poĂ©sie, en particulier amoureuse ou Ă©lĂ©giaque, occupe ainsi une large part de la bibliothĂšque dâHadrien ; câest encore Ă ce genre quâil se rĂ©fĂšre pour retracer lâatmosphĂšre qui enveloppe ses liaisons adultĂšres avec des patriciennes CâĂ©tait le monde de Tibulle et de Properce une mĂ©lancolie, une ardeur un peu factice, mais entĂȘtante comme une mĂ©lodie sur le mode phrygien » p. 74. Le théùtre en revanche semble tenir peu de place dans son paysage littĂ©raire hormis le texte de Lycophron lu lors de la rencontre avec AntinoĂŒs p. 169, lâunique Ă©vocation dâune piĂšce de théùtre rĂ©side dans lâanecdote sinistre de la tĂȘte de Crassus lancĂ©e de main en main comme une balle au cours dâune reprĂ©sentation des Bacchantes dâEuripide, quâun roi barbare frottĂ© dâhellĂ©nisme donnait au soir dâune victoire » p. 93 â la catharsis fait alors totalement dĂ©faut, puisque Crassus dĂ©capitĂ© redouble lâhorreur de PenthĂ©e dĂ©membrĂ©. Lâhistoire, en revanche, figure en bonne place dans les lectures dâHadrien. Lâentreprise historique, mĂȘme menĂ©e sans gĂ©nie, lui semble toujours estimable, ainsi quâen tĂ©moigne sa remarque Ă propos de PhlĂ©gon Le style de PhlĂ©gon est fĂącheusement sec, mais ce serait dĂ©jĂ quelque chose que de rassembler et dâĂ©tablir les faits » p. 235. Au mĂȘme titre que la poĂ©sie, lâhistoire est dotĂ©e dâune puissance Ă©motionnelle telle que les vies lues transcendent lâexpĂ©rience vĂ©cue ; la rencontre avec Plutarque, bien que relatĂ©e sur le mode pudique de lâallusion, constitue ainsi Ă nâen pas douter lâun des sommets de la vie littĂ©raire dâHadrien, et peut-ĂȘtre de toute son existence Ă ChĂ©ronĂ©e, oĂč jâĂ©tais allĂ© mâattendrir sur les antiques couples dâamis du Bataillon SacrĂ©, je fus deux jours lâhĂŽte de Plutarque. Jâavais eu mon Bataillon SacrĂ© bien Ă moi, mais, comme il mâarrive souvent, ma vie mâĂ©mouvait moins que lâhistoire » p. 87. PoĂ©sie, histoire, les genres favoris de lâempereur sont donc ceux-lĂ mĂȘme qui constituent la matiĂšre des MĂ©moires dâHadrien3. Si Marguerite Yourcenar cite les auteurs quâa vĂ©ritablement lus son personnage, et quâelle-mĂȘme a longuement frĂ©quentĂ©s au cours de sa gigantesque entreprise de reconstruction documentĂ©e4, elle nâen met pas moins lâaccent sur certaines prĂ©fĂ©rences, ou certains aspects qui font signe vers sa propre Ă©criture. Hadrien, laisse-t-elle entendre, nâa guĂšre trouvĂ© de poĂšte ou dâhistorien Ă sa mesure pour chanter ses Ă©motions ou retracer son rĂšgne les textes composĂ©s Ă lâoccasion de la mort dâAntinoĂŒs sont mĂ©diocres5, le style de PhlĂ©gon laisse Ă dĂ©sirer. Aussi devient-elle ce patient biographe du futur dont, non sans ironie, elle fait dĂ©crire Ă Hadrien la tĂąche difficile Les SuĂ©tones de lâavenir auront fort peu dâanecdotes Ă rĂ©colter sur moi », prĂ©sage-t-il en se fĂ©licitant de la discrĂ©tion de ses proches p. 140 ; une fois nâest pas coutume, les talents oraculaires dâHadrien se trouvent dĂ©mentis. 9Tout concorde dans la bibliothĂšque rĂ©inventĂ©e par Marguerite Yourcenar les Ă©vĂ©nements de la vie dâHadrien et ceux que retracent ses lectures, les goĂ»ts du personnage et les procĂ©dĂ©s de sa crĂ©atrice. Et câest prĂ©cisĂ©ment dans des phĂ©nomĂšnes dâĂ©troites correspondances, gages de vĂ©ritĂ©, que rĂ©side le critĂšre Ă lâaune duquel lâempereur juge de la qualitĂ© dâune Ćuvre littĂ©raire. De PolĂ©mon notamment, il aime lâauthenticitĂ©, perceptible dans lâinventio comme dans lâactio. La rhĂ©torique chez lui nâest pas un masque mais un rĂ©vĂ©lateur Le rhĂ©teur PolĂ©mon, le grand homme de LaodicĂ©e, qui rivalisait avec HĂ©rode dâĂ©loquence, et surtout de richesses, mâenchanta par son style asiatique, ample et miroitant comme les flots dâun Pactole cet habile assembleur de mots vivait comme il parlait, avec faste » p. 176. De mĂȘme, son jeu est on ne peut plus sĂ©rieux Il y avait de lâacteur en PolĂ©mon, mais les jeux de physionomie dâun grand comĂ©dien traduisent parfois une Ă©motion Ă laquelle participent tout une foule, tout un siĂšcle » p. 192. Ă lâinverse, dans la colĂšre que JuvĂ©nal fait naĂźtre chez lâempereur, le dĂ©goĂ»t de lâhypocrisie le dispute au sentiment de lâoffense JuvĂ©nal osa insulter dans une de ses Satires le mime PĂąris, qui me plaisait. JâĂ©tais las de ce poĂšte enflĂ© et grondeur ; jâapprĂ©ciais peu son mĂ©pris pour lâOrient et la GrĂšce, son goĂ»t affectĂ© pour la prĂ©tendue simplicitĂ© de nos pĂšres, et ce mĂ©lange de descriptions dĂ©taillĂ©es du vice et de dĂ©clamations vertueuses qui titille les sens du lecteur tout en rassurant son hypocrisie. p. 249 10Trop conscient sans doute de ses propres faiblesses il ne cache pas que son attachement pour PĂąris contribue Ă le dĂ©goĂ»ter de JuvĂ©nal, Hadrien ne recourt lui-mĂȘme que trĂšs rarement au registre de la satire, si ce nâest, prĂ©cisĂ©ment, pour railler JuvĂ©nal, ou pour dresser la galerie de portraits lĂ©gĂšrement caricaturale des hommes de lettres dont il sâest entourĂ© p. 139-140 â mais la raillerie se nuance alors de tendresse. Un personnage en particulier cristallise son mĂ©pris de la littĂ©rature inauthentique il sâagit de la bien nommĂ©e Julia Balbilla. Le nom de cette authentique poĂ©tesse proche de Sabine Ă©voque irrĂ©sistiblement un babil ou un balbutiement au mieux insignifiant, au pire irritant. La premiĂšre mention que fait dâelle Hadrien est dĂ©jĂ teintĂ©e de condescendance [Sabine] ne sâentourait que de femmes de lettres inoffensives. La confidente du moment, une certaine Julia Balbilla, faisait assez bien les vers grecs » p. 206. Mais bientĂŽt, lâinoffensive faiseuse se mĂ©tamorphose en personnage repoussoir, dont la prolixitĂ© est signe dâinauthenticitĂ©. Devant le colosse de Memnon, lâinĂ©puisable Julia Balbilla enfant[e] sur-le-champ une sĂ©rie de poĂšmes » p. 222 qui contrastent avec lâinscription minimaliste laissĂ©e par Hadrien. Celui-ci grave en grec une forme abrĂ©gĂ©e et familiĂšre de son nom » p. 223 et, lĂ oĂč les vers de Julia Balbilla semblaient nâĂȘtre que vacuitĂ©, cette inscription Ă proprement parler lapidaire suffit Ă faire naĂźtre la conscience de lâinstant et le bouleversant souvenir des vingt ans quâAntinoĂŒs nâatteindra jamais. Au seuil de la mort, Hadrien se remĂ©more sans le nommer cet Ă©pisode dĂ©chirant Audivi voces divinas... La sotte Julia Balbilla croyait entendre Ă lâaurore la voix mystĂ©rieuse de Memnon jâai Ă©coutĂ© les bruissements de la nuit » p. 309. Lâobscur chant du monde peut ĂȘtre Ă de certains instants une poĂ©sie plus limpide que le verbe des hommes, parce quâil dit sans dĂ©tours ni faux-semblants lâexactitude de ce qui est. 11Un accord, tel semble ĂȘtre ce que recherche Hadrien dans le dĂ©dale de ses lectures â accord avec lâĂ©motion, avec le monde, avec soi-mĂȘme, avec dâautres hommes lâauteur, mais aussi ceux qui ont vĂ©cu et que les mots font renaĂźtre. Un accord, câest Ă©galement ce que compose Marguerite Yourcenar en parcourant la bibliothĂšque de lâempereur perdu, tant chacune des allusions intertextuelles quâelle mĂ©nage est lourde de rĂ©sonnances. Ainsi la rencontre avec AntinoĂŒs, roman ou poĂšme Ă©lĂ©giaque vĂ©cu par Hadrien, est-elle placĂ©e sous le signe de la littĂ©rature On lut ce soir-lĂ une piĂšce assez abstruse de Lycophron que jâaime pour ses folles juxtapositions de sons, dâallusions et dâimages, son complexe systĂšme de reflets et dâĂ©chos » p. 169. Ce nâest certes pas le fait du hasard si cette notation prend place Ă lâorĂ©e du SĆculum aureum », Ă lâinstant oĂč le rĂ©cit dĂ©ploie au plus haut degrĂ© sa poĂ©sie de sons, dâallusions et dâimages » alors quâelle va faire apparaĂźtre AntinoĂŒs au bord dâune source consacrĂ©e Ă Pan » ibid., câest-Ă -dire Ă Tout, Marguerite Yourcenar fait rĂ©sonner lâune des notes Ă la fois secrĂštes et claires du complexe systĂšme de reflets et dâĂ©chos » que sont les MĂ©moires dâHadrien. La bibliothĂšque de Marguerite Yourcenar 12Il est un autre moment du SĆculum aureum » oĂč Hadrien et AntinoĂŒs Ă©coutent de concert un texte bruissant dâĂ©chos. Alors quâil relate ses expĂ©riences magiques et ses interrogations sur la nature de lâĂąme, lâempereur se souvient Vers la mĂȘme Ă©poque, PhlĂ©gon, qui collectionnait les histoires de revenants, nous raconta un soir celle de La FiancĂ©e de Corinthe dont il se porta garant. Cette aventure oĂč lâamour ramenait une Ăąme sur la terre, et lui rendait temporairement un corps, Ă©mut chacun de nous, mais Ă des profondeurs diffĂ©rentes. Plusieurs tentĂšrent dâamorcer une expĂ©rience analogue [...]. Aucune de ces tentatives ne rĂ©ussit. Mais dâĂ©tranges portes sâĂ©taient ouvertes. p. 199 6 FantĂŽmes et statues sont explicitement mis en relation lors de la rencontre de la Sibylle bretonne ... 13LâĂ©pisode est troublant en ce quâil prĂ©figure les efforts Ă venir dâHadrien pour ramener Ă la vie le fantĂŽme dâAntinoĂŒs par lâentremise de la statuaire6 ; il lâest Ă©galement en ce quâil Ă©veille chez lâauteur et ses lecteurs des souvenirs nĂ©cessairement Ă©trangers au narrateur. Marguerite Yourcenar fait Ă©tat de sa surprise dans les Carnets de notes, oĂč elle avoue Il faut sâenfoncer dans les recoins dâun sujet pour dĂ©couvrir les choses les plus simples, et de lâintĂ©rĂȘt littĂ©raire le plus gĂ©nĂ©ral. Câest seulement en Ă©tudiant PhlĂ©gon, secrĂ©taire dâHadrien, que jâai appris quâon doit Ă ce personnage oubliĂ© la premiĂšre et lâune des plus belles entre les grandes histoires de revenants, cette sombre et voluptueuse FiancĂ©e de Corinthe dont se sont inspirĂ©s Goethe et lâAnatole France des Noces corinthiennes p. 338-339. 14La superposition dans lâesprit du lecteur des textes de PhlĂ©gon, dâAnatole France et surtout de Goethe, dont le nom est spontanĂ©ment associĂ© au titre de La FiancĂ©e de Corinthe, ouvre Ă son tour dâĂ©tranges portes », et fait partager au lecteur du XXe siĂšcle lâĂ©moi Ă©prouvĂ© par Hadrien et ses proches de mĂȘme que lâapparition de la morte amoureuse, lâintertextualitĂ© brouille les frontiĂšres temporelles, et offre un moyen de rĂ©trĂ©cir Ă son grĂ© la distance des siĂšcles » p. 331. 7 Dans Les Yeux ouverts, Marguerite Yourcenar dit plus explicitement encore son admiration pour Prou ... 8 Pierre Corneille, Sertorius, acte III, scĂšne 1, dans Théùtre complet II, Pierre LiĂšvre et Roger Ca ... 15Dans la bibliothĂšque des MĂ©moires dâHadrien, les volumens du narrateur cohabitent en effet avec les volumes de lâauteur, çà et lĂ discrĂštement glissĂ©s sur les rayonnages du temps. Au-delĂ de ses recherches historiques, les lectures de Marguerite Yourcenar nourrissent nĂ©cessairement son Ă©criture, comme en tĂ©moignent les Carnets de notes, qui Ă©voquent abondamment les auteurs dans le sillage desquels elle se situe, et notamment Proust ; la reconstitution dâun passĂ© perdu » quâelle lui attribue p. 330 nâest sans doute pas tout Ă fait Ă©trangĂšre Ă cette recherche dâun temps perdu que sont les MĂ©moires dâHadrien7. De tels souvenirs de lecture ont leur place dans les paratextes et les commentaires ; on sâattendrait en revanche moins Ă les trouver entremĂȘlĂ©s au tissu mĂȘme de la lettre dâHadrien, dont lâauteur cherchait en quelque sorte Ă sâabsenter, affirmant sa volontĂ© de sâinterdire les ombres portĂ©es ; ne pas permettre que la buĂ©e dâune haleine sâĂ©tale sur le tain du miroir » p. 332. Des rĂ©miniscences littĂ©raires affleurent pourtant parfois en surimpression sur lâimage dâHadrien, sans jamais la ternir ni la troubler toutefois, tant elles sont discrĂštes. Un seul effet de citation clairement identifiable fait employer Ă lâempereur des mots dâun autre Ăąge Rome nâest plus dans Rome elle doit pĂ©rir ou sâĂ©galer dĂ©sormais Ă la moitiĂ© du monde », affirme Hadrien en prĂ©ambule Ă lâexposĂ© de ses principes politiques p. 124. Le roman rĂ©sonne alors des accents classiques de la cĂ©lĂšbre rĂ©plique de Sertorius Rome nâest plus dans Rome, elle est toute oĂč je suis8 ». Lâallusion est ludique Marguerite Yourcenar fait rĂ©pĂ©ter Ă un empereur du IIe siĂšcle les paroles dâun Romain de la RĂ©publique Ă©crites quinze siĂšcles aprĂšs lui. La mise Ă distance est nette lĂ oĂč Sertorius affirme porter Rome en lui, Hadrien la veut universelle. Vertiges de lâespace et du temps, le jeu de la citation dit lâĂ©ternitĂ© de Rome dans la mĂ©moire humaine. 16Câest Ă©galement cette permanence de lâAntique que suggĂšre le choix fait par Marguerite Yourcenar de traduire une citation de Virgile par ce qui est, peu ou prou, une phrase de Gide, ainsi que le remarque RĂ©my Poignault 9 RĂ©my Poignault, LâAntiquitĂ© dans lâĆuvre de Marguerite Yourcenar, op. cit., t. II, p. 433. Quand, aprĂšs avoir Ă©voquĂ© les portraits par lesquels il a essayĂ© dâimmortaliser AntinoĂŒs, Hadrien explique sa conception esthĂ©tique du pouvoir â rĂ©aliser un idĂ©al de beautĂ©, et par consĂ©quent dâharmonie et de justice alliĂ©es Ă la force â, il cite encore, mais sans se rĂ©fĂ©rer Ă son auteur, un extrait de Virgile, empruntĂ© cette fois aux Bucoliques Trahit sua quemque uoluptas chacun est entraĂźnĂ© par son plaisir », quâil rend par un Ă chacun sa pente » qui fait Ă©cho Ă la phrase des Faux-Monnayeurs 11 est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant » ; dans lâĂ©glogue virgilienne, Corydon, dĂ©plorant quâAlexis ne partageĂąt pas son amour, prononçait ces mots avec quelque amertume, tandis quâHadrien exprime en toute sĂ©rĂ©nitĂ© son idĂ©al de beautĂ© glissant des Ćuvres dâart â et de lâamour â Ă la politique9. 17Le glissement subtil dâun intertexte Ă lâautre traduit le succĂšs des vĆux dâimmortalitĂ© dâHadrien au fil du temps et des livres, les mots se mĂȘlent, se mĂ©tamorphosent au grĂ© de la pente » de ceux qui les prononcent, mais, mutatis mutandis, se survivent. SâĂ©labore ainsi un imaginaire mythique des amours antiques, sĂ©dimentĂ© autour de la figure dâAntinoĂŒs, et qui se manifeste lorsque Marguerite Yourcenar se souvient de ceux qui, avant elle, ont fait revivre la silhouette du favori 10 Ibid., p. 480. Lâimage dâAntinoĂŒs venant en canot Ă ce qui allait ĂȘtre sa derniĂšre soirĂ©e et recevant de Lucius une guirlande doit peut-ĂȘtre quelque chose au tableau de Dorian Gray imaginĂ© par Basil Hallward dans le roman dâOscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, couronnĂ© de grandes fleurs de lotus, Ă la proue de la barque dâAdrien le regard perdu au loin par-delĂ les eux verdĂątres du Nil », comme la suite mĂȘme du texte dâOscar Wilde fait penser Ă la scĂšne dâAntinoĂŒs se tenant au bord dâune vasque Vous vous ĂȘtes penchĂ© ensuite sur un lac tranquille Ă lâorĂ©e dâun bois grec et vous avez contemplĂ© dans les eaux calmes et argentĂ©es le reflet merveilleux de votre beautĂ©10. » 18Oscar Wilde avait fait de Dorian Gray un nouvel AntinoĂŒs, idĂ©al de beautĂ© dorienne » ; imperceptiblement, Marguerite Yourcenar fait en retour dâAntinoĂŒs un nouveau Dorian, celui qui jamais ne vieillit. 11 Voir Jean-Marcel Paquette, Lâautre genre la forme de lâessai dans MĂ©moires dâHadrien », Bullet ... 12 Voir Henri Vergniolle de Chantal, MĂ©moires dâHadrien, LâĆuvre au noir, Un homme obscur un imag ... 19MĂȘme lorsquâils sâaffranchissent de toute rĂ©fĂ©rence Ă lâAntiquitĂ©, les souvenirs des lectures de Marguerite Yourcenar ajoutent une densitĂ© temporelle au rĂ©cit dâHadrien, et rappellent que la substance, la structure humaine ne changent guĂšre » p. 333. Rien dâĂ©tonnant par exemple Ă trouver en Hadrien, dont la lettre est aussi un essai11 » consacrĂ© Ă la connaissance de lâhomme et de soi, un peu de Montaigne. Lâadmiration de Marguerite Yourcenar pour ce dernier est bien connue il compte parmi les auteurs quâelle dit relire rĂ©guliĂšrement YO, p. 234, la bibliothĂšque de Petite Plaisance recelait plusieurs Ă©ditions des Essais, et lorsquâelle sâattarde sur le goĂ»t du nomadisme qui caractĂ©rise lâempereur, elle paraĂźt se remĂ©morer lâĂ©loge des voyages que fait lâessayiste12. Comme lui, Hadrien articule en effet libertĂ© de mouvement, libertĂ© du corps, et libertĂ© de lâesprit [...] la grande ressource Ă©tait avant tout lâĂ©tat parfait du corps une marche forcĂ©e de vingt lieu nâĂ©tait rien, une nuit sans sommeil nâĂ©tait considĂ©rĂ©e que comme une invitation Ă penser. Peu dâhommes aiment longtemps le voyage, ce bris perpĂ©tuel de toutes les habitudes, cette secousse sans cesse donnĂ©e Ă tous les prĂ©jugĂ©s. Mais je travaillais Ă nâavoir nul prĂ©jugĂ© et peu dâhabitudes. lâapprĂ©ciais la profondeur dĂ©licieuse des lits, mais aussi le contact et lâodeur de la terre nue, les inĂ©galitĂ©s de chaque segment de la circonfĂ©rence du monde. lâĂ©tais fait Ă la variĂ©tĂ© des nourritures, gruau britannique ou pastĂšque africaine. Il mâarriva un jour de goĂ»ter au gibier Ă demi pourri qui fait les dĂ©lices de certaines peuplades germaniques jâen vomis, mais lâexpĂ©rience fut tentĂ©e. p. 137 20DĂ©tails triviaux et presque incongrus, les expĂ©riences culinaires en pays Ă©tranger sont en vĂ©ritĂ© lâindice dâun esprit de tolĂ©rance sans doute directement empruntĂ© Ă Montaigne Outre ces raisons, le voyager me semble un exercice profitable. Lâame y a une continuelle exercitation, Ă remarquer des choses incogneuĂ«s et nouvelles ; et je ne sçache point meilleure escolle, comme jâay dict souvent, Ă former la vie que de luy proposer incessamment la diversitĂ© de tant dâautres vies, fantaisies et usances, et lui faire gouster une si perpetuelle variĂ©tĂ© de formes de nostre nature. Le corps nây est ny oisif ny travaillĂ©, et cette modĂ©rĂ©e agitation le met en haleine. Je me tien Ă cheval sans sans demonter, tout choliqueux que je suis, et sans mây ennuyer, huict et dix heures [...]. 13 Michel de Montaigne, Les Essais, livre III, chap. ix De la vanitĂ© », Pierre Villey Ă©d., Pari ... Jâay la complexion du corps libre, et le goust commun, autant quâhomme du monde. La diversitĂ© des façons dâune nation Ă autre, ne me touche que par le plaisir de la variĂ©tĂ©. Chaque usage a sa raison. Soyent des assiettes dâestain, de bois, de terre, bouilly ou rosty, beurre ou huyle de nois ou dâolive, chaut ou froit, tout mâest un, et si un que, vieillissant, jâaccuse cette genereuse facultĂ©, et auroy besoin que la dĂ©licatesse et le chois arrestat lâindiscretion de mon appetit et par fois soulageat mon estomac. Quand jâay estĂ© ailleurs quâen France et que, pour me faire courtoisie, on mâa demandĂ© si je vouloy estre servy Ă la Françoise, je mâen suis mocquĂ© et me suis toujours jettĂ© aux tables les plus espesses dâĂ©trangers13. 21La libertĂ© commune aux deux voyageurs que sont Hadrien et Montaigne, Marguerite Yourcenar la vagabonde en use elle aussi, et entraĂźne Ă sa suite le lecteur dans un pĂ©riple en littĂ©rature au cours duquel elle lui propose incessamment la diversitĂ© de tant dâautres vies, fantaisies, et usances ». 14 Lâarbre est un exilĂ©, la roche est un proscrit » Victor Hugo, Ce que dit la bouche dâombre »,... 22Plus Ă©tonnantes peut-ĂȘtre que les traces humanistes de Montaigne sont les rĂ©miniscences romantiques que lâon peut dĂ©celer dans les MĂ©moires dâHadrien. Marguerite Yourcenar a frĂ©quentĂ© trĂšs tĂŽt la littĂ©rature romantique adolescente, la jeune Mlle de Crayencour en avait dĂ©jĂ lu toutes les Ćuvres majeures. Elle semble sâen ĂȘtre quelque peu Ă©loignĂ©e par la suite, et il est parfois difficile de dĂ©terminer si les Ă©chos romantiques quâĂ©veille le rĂ©cit dâHadrien relĂšvent dâallusions intertextuelles dĂ©libĂ©rĂ©es ou de souvenirs plus fortuits de lectures de jeunesse. Il semble peu probable nĂ©anmoins que lâauteur nâait pas songĂ© par exemple Ă Hugo, en choisissant de dĂ©peindre comme des bouches dâombre » les oracles de mauvais augure parmi lesquels figure la sorciĂšre de Canope p. 210. Voix panthĂ©iste des mystĂšres de la vie et de la mort, la Bouche dâOmbre hugolienne, qui dit jusquâĂ lâĂąme des pierres14, a bien sa place Ă lâheure oĂč AntinoĂŒs marche vers son sacrifice et sa demi-rĂ©surrection minĂ©rale. La prĂ©sence dâĂ©chos Ă des textes postĂ©rieurs Ă lâexistence dâHadrien instille dans la lettre une dimension prophĂ©tique. Celle-ci se trouve accentuĂ©e lorsque les textes Ă©voquĂ©s possĂšdent eux-mĂȘmes un caractĂšre oraculaire ; de mĂȘme quâelle conjure les ombres des Contemplations de Hugo, Marguerite Yourcenar ravive les flammes du Paris » de Vigny, lorsquâHadrien, aprĂšs la dĂ©dicace du temple de VĂ©nus et de Rome, mĂ©dite devant la ville en flamme La nuit qui suivit ces cĂ©lĂ©brations, du haut dâune terrasse, je regardai brĂ»ler Rome. Ces feux de joie valaient bien les incendies allumĂ©s par NĂ©ron ils Ă©taient presque aussi terribles. Rome le creuset, mais aussi la fournaise, et le mĂ©tal qui bout, le marteau, mais aussi lâenclume, la preuve visible du changement et des recommencements de lâhistoire, lâun des lieux au monde oĂč lâhomme aura le plus tumultueusement vĂ©cu. La conflagration de Troie, dâoĂč un fugitif sâĂ©tait Ă©chappĂ©, emportant avec lui son vieux pĂšre, son jeune fils, et ses Lares, aboutissait ce soir-lĂ Ă ces grandes flammes de fĂȘte. Je songeais aussi, avec une sorte de terreur sacrĂ©e, aux embrasements de lâavenir. p. 186-187 23Si les incendies du passĂ© â celui de Troie, celui quâallume NĂ©ron â sont clairement identifiĂ©s, les embrasements de lâavenir », eux, demeurent innommĂ©s. Parmi ceux-ci figure sans doute cette autre vision dâune ville-fournaise, Ă©galement contemplĂ©e de nuit et depuis une hauteur 15 Alfred de Vigny, Paris », PoĂšmes antiques et modernes, dans Ćuvres complĂštes I. PoĂ©sie et théùtr ... Le vertige parfois est prophĂ©tique. â Il faitQuâune Fournaise ardente Ă©blouit ta paupiĂšre ?Câest la Fournaise aussi que tu vois. â Sa lumiĂšreTeint de rouge les bords du ciel noir et profond ;Câest un feu sous un dĂŽme obscur, large et sans dans les nuits dâhiver et dâĂ©tĂ©, quand les heuresFont du bruit en sonnant sur le toit des demeuresParce que lâhomme y dort, lĂ veillent des Esprits,Grands ouvriers dâune Ćuvre et sans nom et sans nuit leur lampe brĂ»le, et le jour elle fume,Le jour elle a fumĂ©, le soir elle sâallume,Et toujours et sans cesse alimente les feuxDe la Fournaise dâor que nous voyons tous deux15. 16 LĂ , tout fume, tout brĂ»le, tout brille, tout bouillonne, tout flambe, sâĂ©vapore, sâĂ©teint, se ra ... 24 Preuve visible du changement et des recommencements de lâhistoire », la flamme de lâactivitĂ© humaine embrase les tableaux des capitales dâun siĂšcle Ă lâautre, dâun texte Ă lâautre. Le vertige prophĂ©tique » causĂ© par le procĂ©dĂ© est dâautant plus grand que la vision de Vigny a pu inspirer celle par laquelle Balzac ouvre cette Ă©tonnante Fille aux yeux dâor16 » que les Carnets de notes citent avec fascination parmi les romans historiques p. 330. Mais le regard jetĂ© sur lâavenir ne sâarrĂȘte pas lĂ la contemplation dâHadrien, qui entrevoit un Ă©norme Ă©cueil aperçu au loin dans lâombre » p. 187, se rĂ©sout en pressentiment Ă la fois sombre et rĂ©signĂ©, comme le poĂšme de Vigny dans lequel un autre Ă©cueil menace Paris 17 Paris », op. cit., p. 111. Et je chancelle encor, nâosant plus sur la terreContempler votre ville et son double je crains bien pour elle et pour vous, car voilĂ Quelque chose de noir, de lourd, de vaste, lĂ ,Au plus haut point du ciel, oĂč ne sauraient atteindreLes feux dont lâhorizon ne cesse de se teindre ;Et je crois entrevoir ce rocher tĂ©nĂ©breuxQuâannoncĂšrent jadis les prophĂštes hĂ©breux17. 18 Deux enfants du classicisme Chateaubriand et Yourcenar », Bulletin de la SIEY, no 25, dĂ©cembre ... 19 François-RenĂ© de Chateaubriand, MĂ©moires dâoutre-tombe, livre XIV, chap. I, Jean-Claude Berchet Ă© ... 25Le regard prophĂ©tique dâHadrien sur Rome reflĂšte ainsi le brasier de Paris », poĂšme qui dĂ©jĂ recelait le souvenir dâautres prophĂštes ce que lâempereur contemple ainsi dâen haut, câest sans doute Ă©galement la profondeur des pouvoirs de la littĂ©rature mis en abĂźme. Câest Ă©galement cette profondeur que Marguerite Yourcenar rencontre chez un autre penseur romantique du temps, quâelle nâĂ©voque jamais directement, mais dont lâombre plane sur les MĂ©moires dâHadrien Chateaubriand. Ăcrits dans une Italie bien connue de Chateaubriand voyageur et secrĂ©taire de lĂ©gation, mais aussi composĂ©s au bord de la mort, et aprĂšs cette traversĂ©e du Styx que reprĂ©sente le suicide dâAntinoĂŒs, les souvenirs de lâempereur sont Ă proprement parler des MĂ©moires dâoutre-tombe. Lorsquâil conçoit les divisions dâAntinoĂ©, Hadrien se souvient Tout y entrait, Hestia et Bacchus, les dieux du foyer et ceux de lâorgie, les divinitĂ©s cĂ©lestes et celles dâoutre-tombe » p. 237. De mĂȘme, tout entre dans lâĆuvre de Marguerite Yourcenar, jusquâĂ la mĂ©moire dâautres MĂ©moires Laura Brignoli18 a signalĂ© la parentĂ© qui unit le dernier souffle dâHadrien Un instant encore, regardons ensemble les rives familiĂšres, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... », p. 316, et la conclusion du cĂ©lĂšbre Ă©pisode de la grive de Montboissier Mettons Ă profit le peu dâinstants qui me restent ; hĂątons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que jây touche encore le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchantĂ©, Ă©crit son journal Ă la vue de la terre qui sâĂ©loigne et qui va bientĂŽt disparaĂźtre19. » La rĂ©miniscence littĂ©raire est ici trĂšs estompĂ©e ; elle se perd dans lâĂ©motion poignante qui saisit le lecteur Ă lâinstant des adieux dâHadrien ; il nâen demeure pas moins que lâeffet dâĂ©cho fait de celui qui se prĂ©pare Ă entrer dans la mort les yeux ouverts » le frĂšre dâun navigateur en partance et qui touche encore » Ă sa jeunesse. Prestige et vertige de lâĂ©criture et du souvenir, le dĂ©dale de la bibliothĂšque ouvre Ă un voyage qui pourrait ne finir jamais. Hadrien, lector in fabula 26La prĂ©sence discrĂšte des lectures de Marguerite Yourcenar confĂšre Ă Hadrien une place lĂ©gĂšrement dĂ©centrĂ©e dans la bibliothĂšque, dont il nâest pas lâunique propriĂ©taire. Lâauteur sâestompe certes, mais ne sâefface pas tout Ă fait, ce qui prĂ©serve son Ćuvre du danger dâĂȘtre rangĂ©e dans le rayonnage des mĂ©moires apocryphes » et des supercheries littĂ©raires. Jamais elle ne cherche Ă faire passer Hadrien pour lâauteur dâun texte oĂč il est somme toute moins Ă©crivain que lecteur. 20 Jeanine S. Alec a montrĂ© quâil sâagit lĂ dâune constante chez les personnages yourcenariens Da ... 27Hadrien Ă©crit, certes, et ses productions occupent une place de choix dans la bibliothĂšque de Marguerite Yourcenar elles figurent parmi les premiĂšres sources mentionnĂ©es dans la Note finale, oĂč elles sont soigneusement inventoriĂ©es p. 353. Le plus cĂ©lĂšbre de ces textes, le poĂšme Animula, vagula, blandula », Ă©pitaphe de lâempereur, joue dâailleurs un rĂŽle structurant dans lâĆuvre il en constitue lâĂ©pigraphe, donne son titre Ă la premiĂšre section, et reparaĂźt Ă la toute fin du rĂ©cit, lorsque lâĂąme dâHadrien, devenue un peu moins flottante » pour le lecteur qui a appris Ă mieux la connaĂźtre, sâapprĂȘte Ă un nouvel et incertain envol Petite Ăąme, Ăąme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hĂŽte, tu vas descendre dans ces lieux pĂąles, durs et nus, oĂč tu devras renoncer aux jeux dâautrefois » p. 316. Pour belle et fidĂšle que soit la traduction, ces mots, en prose et en français, ne sont dĂ©jĂ plus tout Ă fait ceux du versificateur latin en mĂȘme temps que les derniers mots de Marguerite Yourcenar sont dâHadrien, les ultima verba dâHadrien sont de Marguerite Yourcenar. De maniĂšre significative, celle-ci leur ajoute une clausule bien Ă elle TĂąchons dâentrer dans la mort les yeux ouverts... » ibid., et une inscription qui porte la marque de lâempereur, mais ne lui donne plus voix Au divin Hadrien Auguste / Fils de Trajan / ConquĂ©rant des Parthes [...] » p. 317. Du je de lâĂ©pistolier au tu du mourant qui oublie Marc AurĂšle pour sâadresser Ă son Ăąme ; du tu au nous dâune personnalitĂ© diverse enfin unifiĂ©e au seuil de la mort, mais aussi ouverte Ă lâuniversel, et du nous Ă la marmorĂ©enne troisiĂšme personne de la titulature, Hadrien peu Ă peu quitte les rivages de sa lettre, et dans ce glissement Marguerite Yourcenar suggĂšre quâil nâa Ă©tĂ© auteur que passagĂšrement20. Le narrateur lui-mĂȘme ne cesse en effet de se dire Ă©crivain mĂ©diocre ou vellĂ©itaire. Adolescent, sa passion de la poĂ©sie lui inspire des ambitions littĂ©raires auxquelles il doit renoncer avec amertume dâabord, puis avec la sĂ©rĂ©nitĂ© de celui qui a Ă©prouvĂ© que sa vie Ă©tait ailleurs Scaurus me dĂ©sespĂ©ra en mâassurant que je ne serais jamais quâun poĂšte des plus mĂ©diocres le don et lâapplication manquaient. Jâai cru longtemps quâil sâĂ©tait trompĂ© jâai quelque part, sous clef, un ou deux volumes de vers dâamour, le plus souvent imitĂ©s de Catulle. Mais il mâimporte dĂ©sormais assez peu que mes productions personnelles soient dĂ©testables ou non. p. 44 28Bien plus tard, il est ressaisi du dĂ©sir dâĂ©crire, mais un nouveau renoncement sâimpose Ă lui, dans la mesure oĂč il se doit avant tout Ă sa charge impĂ©riale JâĂ©bauchai [...] un ouvrage assez ambitieux, mi-partie prose, mi-partie vers, oĂč jâentendais faire entrer Ă la fois le sĂ©rieux et lâironie, les faits curieux observĂ©s au cours de ma vie, des mĂ©ditations, quelques songes ; le plus mince des fils eĂ»t reliĂ© tout cela ; câeĂ»t Ă©tĂ© une sorte de Satyricon plus Ăąpre, Jây aurais exposĂ© une philosophie qui Ă©tait devenue la mienne, lâidĂ©e hĂ©raclitĂ©enne du changement et du retour. Mais jâai mis de cĂŽtĂ© ce projet trop vaste. p. 236-237 29Ăternel changement, Ă©ternel retour, Hadrien, qui ne cesse dâĂ©crire, est un homme qui nâa pas le temps de devenir Ă©crivain peut-ĂȘtre est-ce en cela que le temps retrouvĂ© yourcenarien se distingue le plus nettement du temps retrouvĂ© proustien, et qui pourtant Ă©prouve le besoin de revenir sur ses Ćuvres. 30Le narrateur est ainsi avant tout lecteur, et lecteur de lui-mĂȘme telle est la place quâil sâassigne lorsquâen Ă©crivant Ă Marc AurĂšle il part Ă la dĂ©couverte de ce quâil est Jâignore Ă quelles conclusions ce rĂ©cit mâentraĂźnera. Je compte sur cet examen des faits pour me dĂ©finir, me juger peut-ĂȘtre, ou tout au moins pour me mieux connaĂźtre avant de mourir » p. 30. Avant mĂȘme cette dĂ©cisive lecture de soi, il a Ă©tĂ© lâimpartial lecteur de ses propres Ćuvres Je revisais mes propres Ćuvres les vers dâamour, les piĂšces de circonstance, lâode Ă la mĂ©moire de Plotine. Un jour, quelquâun aurait peut-ĂȘtre envie de lire tout cela. Un groupe de vers obscĂšnes me fit hĂ©siter ; je finis somme toute par lâinclure. Nos plus honnĂȘtes gens en Ă©crivent de tels. Ils sâen font un jeu ; jâeusse prĂ©fĂ©rĂ© que les miens fussent autre chose, lâimage exacte dâune vĂ©ritĂ© nue. Mais lĂ comme ailleurs les lieux communs nous encagent je commençais Ă comprendre que lâaudace de lâesprit ne suffit pas Ă elle seule pour sâen dĂ©barrasser, et que le poĂšte ne triomphe des routines et nâimpose aux mots sa pensĂ©e que grĂące Ă des efforts aussi longs et aussi assidus que mes travaux dâempereur. p. 236 31Sâil parvient Ă un regard objectif et dĂ©tachĂ© sur des Ă©crits pourtant extrĂȘmement personnels, câest parce quâil adopte le regard distant de ses Ă©ventuels lecteurs Ă venir ; de ce point dâoptique, le poĂšte » apparaĂźt clairement comme lâautre, celui Ă qui il ressemble peut-ĂȘtre, celui quâil aurait aimĂ© ĂȘtre sans doute, mais celui quâil nâest pas. 21 Mes ennemis, lâaffreux Servianus en tĂȘte, [...] prĂ©tendaient que lâambition et la curiositĂ© avai ... 32Hadrien pressent donc les futurs lecteurs de son Ćuvre, parmi lesquels Marguerite Yourcenar elle-mĂȘme. Il les prĂ©figure Ă©galement, ou plus exactement prĂ©figure le lecteur de MĂ©moires dâHadrien, dont il est le double potentiel, bien mieux que Marc AurĂšle, destinataire premier Ă la fois trop individualisĂ© pour ĂȘtre un support dâidentification, et trop absent pour incarner lâactivitĂ© de lecture. Il est des pages de MĂ©moires dâHadrien oĂč le livre se mĂ©tamorphose en un miroir dans lequel le lecteur peut se voir en train de lire celles oĂč le narrateur lui-mĂȘme lit des lettres. La lettre Ă©crite mâa enseignĂ© Ă Ă©couter la voix humaine, tout comme les grandes attitudes des statues mâont appris Ă apprĂ©cier les gestes », confie trĂšs tĂŽt lâempereur p. 30. De mĂȘme que la statuaire classique, parcourue dâĂąmes mais dĂ©livrĂ©e du hiĂ©ratisme, sublime dans le marbre le mouvement humain, la lettre Ă©crite » pĂ©rennise, clarifie, Ă©pure la parole prononcĂ©e le parallĂšle suggĂšre quâHadrien a su trouver dans lâĂ©pistolaire ce que prĂ©cisĂ©ment Marguerite Yourcenar souhaitait offrir Ă ses lecteurs le portrait dâune voix » p. 330. Il est mĂȘme permis dâimaginer Hadrien trouvant cette inflexion pure de la voix humaine dans des lettres qui ne lui sont pas destinĂ©es, tout comme que le lecteur des MĂ©moires dâHadrien la rencontre dans la lettre Ă Marc AurĂšle. On sait en effet lâempereur avide de dĂ©couvrir lâĂȘtre humain dans tous les documents qui peuvent le lui rĂ©vĂ©ler, confidence de ses maĂźtresses21, rapports de police, et peut-ĂȘtre lettres interceptĂ©es. Il se dĂ©fend des accusations de curiositĂ© malsaine en allĂ©guant son dĂ©sir de connaĂźtre lâautre sans fard On mâa reprochĂ© dâaimer Ă lire les rapports de la police de Rome ; jây dĂ©couvre sans cesse des sujets de surprise ; amis ou suspects, inconnus ou familiers, ces gens mâĂ©tonnent » p. 31. Un tel rapport au document nâest pas sans lien avec les recherches minutieuses menĂ©es par Marguerite Yourcenar pour amasser les pierres authentiques » p. 342 Ă lâaide desquelles elle bĂątit son rĂ©cit ; il tĂ©moigne surtout dâun goĂ»t de la lecture en prise directe avec lâhomme vrai, qui laisse Ă penser quâHadrien eĂ»t aimĂ© lire les MĂ©moires dâHadrien. 22 Voir Henriette Levillain, MĂ©moires dâHadrien de Marguerite Yourcenar, op. cit., p. 87 et suiv. 23 RĂ©my Poignault, LâAntiquitĂ© dans lâĆuvre de Marguerite Yourcenar, op. cit., t. II, p. 433 pour un ... 33La lettre dĂ©voile la voix et la vie des autres ; elle peut aussi, parfois, enseigner la vie. Si Marguerite Yourcenar assigne explicitement aux MĂ©moires dâHadrien la premiĂšre de ces deux fonctions, elle ne renonce pas Ă la seconde, suggĂ©rĂ©e par la dimension discrĂštement didactique de lâĂ©pĂźtre Ă Marc AurĂšle, et surtout par le rĂŽle-clef que remplit la missive dâArrien, vĂ©ritable miroir tendu tout Ă la fois Ă Hadrien et au lecteur22. Dans ce texte dont elle propose une adaptation assez libre23 », Marguerite Yourcenar trouve la substantifique moelle de son protagoniste Dans lâabsence de tout autre document, la lettre dâArrien Ă lâempereur Hadrien au sujet du pĂ©riple de la mer Noire suffirait Ă recrĂ©er dans ses grandes lignes cette figure impĂ©riale », affirme-t-elle dans les Carnets de notes p. 339. Sans doute reflĂšte-t-elle aussi, dans les effets produits sur Hadrien par cette lecture, les ambitions de son propre roman comme les MĂ©moires dâHadrien, la lettre dâArrien articule lâĂ©vocation dâune Ćuvre politique Ă la passion de lâart, les grandes scansions dâune existence Ă la fascination du mythe et, par cet entrelacement subtil, aide Ă penser la vie. En dĂ©pit de ses efforts, Hadrien ne sâest pas toujours montrĂ© bon lecteur de lâhomme et du mythe ; sur les terres glorieuses de lâIliade il sâĂ©gare et se montre inapte Ă interprĂ©ter les signes que lui adresse AntinoĂŒs Je trouvai quelques moments pour me recueillir sur la tombe dâHector ; AntinoĂŒs alla rĂȘver sur celle de Patrocle. Je ne sus pas reconnaĂźtre dans le jeune faon qui mâaccompagnait lâĂ©mule du camarade dâAchille je tournai en dĂ©rision ces fidĂ©litĂ©s passionnĂ©es qui fleurissent surtout dans les livres ; le bel ĂȘtre insultĂ© rougit jusquâau sang. p. 194 24 RĂ©my Poignault, Deux amis dâHadrien Arrien et Plotine », art. citĂ©, p. 184. RĂ©my Poignault cit ... 34LâĂ©pisode est lourd de prĂ©sages tragiques sous un ciel vert de catastrophe », une inondation chang[e] en Ăźlots les tumulus des tombeaux antiques » ibid. et les hommes, littĂ©ralement isolĂ©s, Ă©chouent Ă communiquer. Lâair vivifiant de lâĂźle dâAchille dĂ©crite par Arrien vient dissiper ces nuages la lettre rĂ©tablit la comprĂ©hension et lâharmonie parce quâelle est lâĆuvre dâun ami, moins passionnĂ© que Patrocle et AntinoĂŒs, mais non moins dĂ©vouĂ©, ainsi que lâa montrĂ© RĂ©my Poignault [Hadrien] trouve [...] en Arrien un ultime soutien lâauteur du PĂ©riple du Pont-Euxin remplit ainsi lâun des devoirs de lâamitiĂ© selon LĂ©lius âeniti et efficere, ut amici iacentem animum excitetâ ; mais il fait mieux il lui procure une rĂ©conciliation avec lui-mĂȘme et un accĂšs Ă lâĂ©ternitĂ©24. » La relation amicale pourrait ainsi fournir le modĂšle dâune relation littĂ©raire dans laquelle le lecteur, grĂące Ă la connaissance de lâautre, accĂšde Ă la connaissance de soi. Hadrien goĂ»te en effet pleinement la sagesse dâArrien, qui constitue certainement lâun des socles les plus solides de sa propre Patientia » Arrien comme toujours a bien travaillĂ©. Mais, cette fois, il fait plus il mâoffre un don nĂ©cessaire pour mourir en paix ; il me renvoie une image de ma vie telle que jâaurais voulu quâelle fĂ»t. Arrien sait que ce qui compte est ce qui ne figurera pas dans les biographies officielles, ce quâon nâinscrit pas sur les tombes ; il sait aussi que le passage du temps ne fait quâajouter au malheur un vertige de plus. Vue par lui, lâaventure de mon existence prend un sens, sâorganise comme dans un poĂšme. p. 297 35Hadrien lit ainsi entre les lignes sa propre biographie, quâil recompose mais qui a Ă©tĂ© Ă©crite par un autre en somme il lit les MĂ©moires dâHadrien. Câest alors que le prĂ©sent fait irruption dans le texte, que le temps de sa lecture coĂŻncide tout Ă la fois avec le temps de lâĂ©criture de la lettre et celui de la lecture du roman. Par la grĂące de lâĂ©criture dâArrien mĂȘlĂ©e Ă celle de Marguerite Yourcenar, Hadrien, Achille et celui qui, Ă dix-huit siĂšcles de distance lit leur double histoire, pour un instant ne font plus quâun. Je et les autres 25 Colette Gaudin, Marguerite Yourcenar Ă la surface du temps, op. cit., p. 95. 36Pour Colette Gaudin, Yourcenar a voulu battre les historiens au jeu de lâobjectivitĂ© » Ce qui est original pour un Ă©crivain de fiction, câest quâelle le fait en dĂ©crivant sa participation subjective au rĂ©cit25. » PrĂ©sence de lâĂ©crivain dans le roman, mais aussi, Ă©videmment, Carnets de notes et Note finale constituent des Ă©lĂ©ments de lâĂ©criture de soi intĂ©grĂ©s aux MĂ©moires dâHadrien. Dans quelle mesure est-il pertinent dâĂ©voquer une dimension autobiographique rĂ©elle Ă lâĆuvre derriĂšre lâautobiographie fictive dâHadrien et en quoi le, les je » du texte, se construisent-ils Ă lâaune de lâaltĂ©ritĂ© ? MĂ©moires de Marguerite ? 37Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar interdit explicitement tout raccourci interprĂ©tatif sur le choix de la premiĂšre personne et pointe du doigt la [g]rossiĂšretĂ© de ceux qui vous disent âHadrien, câest vousâ » p. 341. Ainsi la possibilitĂ© dâune lecture autobiographique du roman semble-t-elle dâemblĂ©e rĂ©cusĂ©e par les propos de lâauteur dont on sait lâimportance dans lâexĂ©gĂšse critique de ses propres textes. Sâil paraĂźt indispensable de sâinterroger sur le choix de lâĂ©criture Ă la premiĂšre personne, la dĂ©marche autobiographique est certes Ă envisager dans une perspective trĂšs diffĂ©rente des lectures visant Ă repĂ©rer des points communs entre lâauteur et son personnage, tout dâabord en raison de la vision mĂȘme de lâauteur. 38En effet, Marguerite Yourcenar tĂ©moigne dâun certain mĂ©pris pour ce quâon pourrait appeler lâexposition de sa personnalitĂ© ; elle sâen explique longuement dans les entretiens avec Matthieu Galey en Ă©voquant tout dâabord son dĂ©dain pour la posture Ă©gocentrique et vaine qui consiste Ă parler de soi dans les moindres dĂ©tails Cette obsession française du culte de la personnalitĂ© » la sienne chez la personne qui Ă©crit ou qui parle me stupĂ©fie toujours. Oserais-je dire que je la trouve affreusement petite-bourgeoise ? je, moi, me, mon, ma, mes... Ou tout est dans tout, ou rien ne vaut la peine quâon en parle. Pour mon compte, dans une rĂ©union dite mondaine », je mâĂ©carte aussi discrĂštement que je peux de la dame qui mâapprend quâelle aime beaucoup les marrons glacĂ©s, ses » confiseries favorites, ou du monsieur, gĂ©nĂ©ralement sĂ©nile, qui se montre disposĂ© Ă me raconter ses » aventures dâamour. YO, p. 205 26 Alain TrouvĂ©, Leçon littĂ©raire sur MĂ©moires dâHadrien, op. cit., p. 113. 39Ce manque dâintĂ©rĂȘt pour les accidents de sa propre personnalitĂ© conduit dâailleurs Marguerite Yourcenar Ă lâabsence dans ses textes autobiographiques dans Archives du Nord, câest la filiation qui lâintĂ©resse, non le rĂ©cit de sa propre enfance, et la romanciĂšre avoue son dĂ©sintĂ©rĂȘt pour ce je du passĂ© que les autobiographes tentent pourtant de retrouver Franchement, je ne comprends pas cette insistance sur le âjeâ, quand ce âjeâ sâapplique Ă une enfant nĂ©e en juin 1903 et devenue peu Ă peu lâĂȘtre humain que je suis ou essaie dâĂȘtre » YO, p. 212. Il est vrai que [d]ans la plus grande partie du Labyrinthe du monde, ses MĂ©moires [...], la narratrice nâest le plus souvent prĂ©sente quâen tant que tĂ©moin ou biographe » Ce quâelle raconte, ce sont ses proches, sa famille, ses ascendants26. » Ainsi, mĂȘme les textes dits autobiographiques de Marguerite Yourcenar sont-ils finalement dĂ©gagĂ©s de lâomniprĂ©sence dâune personnalitĂ©, dâune singularitĂ© identitaire que lâautobiographe chercherait Ă saisir. 40Dâailleurs la romanciĂšre exprime nettement lâinanitĂ© dâune reconstitution autobiographique dans la mesure oĂč le je est aussi Ă©tranger Ă lui-mĂȘme que ne lâest autrui Tout nous Ă©chappe, et tous, et nous-mĂȘmes. La vie de mon pĂšre mâest plus inconnue que celle dâHadrien. Ma propre existence, si jâavais Ă lâĂ©crire, serait reconstituĂ©e par moi du dehors, pĂ©niblement, comme celle dâun autre ; jâaurais Ă mâadresser Ă des lettres, aux souvenirs dâautrui, pour fixer ces flottantes mĂ©moires. Ce ne sont jamais que murs Ă©croulĂ©s, pans dâombre. Sâarranger pour que les lacunes de nos textes, en ce qui concerne la vie dâHadrien, coĂŻncident avec ce quâeussent Ă©tĂ© ses propres oublis. p. 331 41Quâil sâagisse de soi-mĂȘme, dâun parent ou dâun personnage, quâil sâagisse dâune autobiographie, dâune biographie ou dâun roman, la dĂ©marche est la mĂȘme qui consiste Ă saisir lâexistence par une reconstitution. 42DĂ©sintĂ©rĂȘt profond pour les accidents de sa propre personnalitĂ© et impossibilitĂ© de saisir son moi » si dĂ©marche autobiographique il y a, elle nâest pas Ă chercher dans les contingences dâun rĂ©cit de vie. Aussi [l]e public qui chercher des confidences personnelles dans le livre dâun Ă©crivain est un public qui ne sait pas lire » YO, p. 205 tenter de repĂ©rer lâombre portĂ©e de lâauteur dans tel dĂ©tail de vie, dans telle inclination, dans telle opinion dâHadrien, constitue une aporie aux yeux de Marguerite Yourcenar. Est-ce Ă dire que la romanciĂšre sâefface entiĂšrement dans son personnage ? Nây a-t-il pas de traces de sa prĂ©sence dans le roman ? Fait-elle vĂ©ritablement silence ? 27 Alain TrouvĂ©, Leçon littĂ©raire sur MĂ©moires dâHadrien » de Marguerite Yourcenar, op. cit., p. 11 ... 43Sâil est un espace autobiographique dans MĂ©moires dâHadrien, il sâagit clairement des Carnets de notes. Le paratexte dĂ©livre en effet de nombreux Ă©lĂ©ments de la vie de lâauteur circonstances datĂ©es, formation et dĂ©roulement du projet dâĂ©criture, sentiments personnels. Dans les Carnets se donne Ă lire quelque chose de lâordre de la formation de la personnalitĂ© Ă©voquĂ©e par Philippe Lejeune dans sa dĂ©finition de lâautobiographie. Alain TrouvĂ© lâaffirme clairement malgrĂ© leur disposition en fragments, les Carnets incluent un vĂ©ritable rĂ©cit de vie et rĂ©pondent exactement Ă la dĂ©finition de lâautobiographie proposĂ©e par Philippe Lejeune. » En effet, outre une organisation chronologique et des regroupements thĂ©matiques qui prouvent que ces notes ne sont pas restituĂ©es telles quâelles ont Ă©tĂ© Ă©crites », les Carnets se caractĂ©risent par [l]a prĂ©sence continue dâun je narrateur-personnage qui rĂ©fĂšre Ă lâauteur rĂ©el Marguerite Yourcenar » ainsi que par lâemploi des temps du passĂ© au lieu du prĂ©sent attendu qui narrativisent nettement lâensemble27 ». Si les Carnets relĂšvent donc pour partie du rĂ©cit autobiographique, quâen est-il du roman lui-mĂȘme ? 44Si elle rejette catĂ©goriquement une lecture autobiographique, strictement individuelle, dont il faudrait retrouver trace dans le roman, Marguerite Yourcenar confie malgrĂ© tout sâĂȘtre servi de sa propre expĂ©rience pour Ă©crire MĂ©moires dâHadrien et avoir par exemple [u]tilis[Ă©] pour mieux comprendre un commencement de maladie de cĆur » p. 333 28 MichĂšle Goslar, Yourcenar biographie, op. cit., p. 160-161. DĂšs la fin de lâĂ©tĂ© 1944, Marguerite Yourcenar ressent les premiers symptĂŽmes dâune faiblesse cardiaque. Trois semaines plus tard, Ă New York, un malaise la surprend dans la rue. Elle se rĂ©fugie chez ses amis Kayaloff et est contrainte au repos. Ă quarante et un ans, elle sait quâelle est malade du cĆur et se persuade quâelle peut mourir Ă tout moment dâune attaque. Elle se servira de cette expĂ©rience personnelle dans un prochain livre quâelle nâimagine pas encore Ă©crire28. 29 RĂ©my Poignault, LâAntiquitĂ© dans lâĆuvre de Marguerite Yourcenar, op. cit., t. II, p. 757. 45Ses inclinations personnelles transparaissent aussi parfois derriĂšre Hadrien, de son propre aveu Quand je fais parler Hadrien de son amour des pays barbares, câest par moments mon propre goĂ»t pour eux qui fait Ă©cho au sien » YO, p. 304. Comme le note RĂ©my Poignault, [c]e goĂ»t pour les pays barbares [...] qui appartient aussi Ă Marguerite Yourcenar, est une crĂ©ation qui lui est propre et qui contraste avec lâextension du limes ou le âpanhellĂ©nisme antibarbareâ qui caractĂ©rise la politique de lâempereur29 ». La comparaison entre le prince tel que le prĂ©sente la romanciĂšre et tel que le prĂ©sentent les documents historiques tĂ©moigne ainsi des inflĂ©chissements donnĂ©s par la crĂ©ation romanesque. Mais cette prĂ©sence auctoriale ne signale en rien une volontĂ© de paraĂźtre derriĂšre le personnage ou de livrer des clĂ©s de lecture autobiographiques si Marguerite Yourcenar est prĂ©sente derriĂšre Hadrien, câest que sa dĂ©marche dâĂ©criture sâinscrit dans une traversĂ©e de soi qui vise Ă dĂ©passer les singularitĂ©s pour renouer avec lâhumanitĂ© inscrite en nous-mĂȘmes. 46 Tout ĂȘtre qui a vĂ©cu lâaventure humaine est moi » p. 342 câest lĂ que rĂ©side la singularitĂ© de lâĂ©criture yourcenarienne, dans cette intĂ©gration dâune individualitĂ© Ă la sienne propre pour mieux toucher lâuniversalitĂ© de lâexpĂ©rience humaine. Cette dĂ©marche qui entend saisir lâhumanitĂ© en soi nâest dâailleurs pas propre Ă la fiction et informe Ă©galement lâĂ©criture de soi Toute lâhumanitĂ© et toute la vie passent en nous, et si elles ont pris ce chemin dâune famille et dâun milieu en particulier qui fut celui de notre enfance, ce nâest quâun hasard parmi tous nos hasards » YO, p. 204. La prĂ©sence de Marguerite Yourcenar dans MĂ©moires dâHadrien ne se situe donc pas dans des dĂ©tails autobiographiques, mais dans une traversĂ©e de soi pour toucher lâhumain. 47Câest prĂ©cisĂ©ment dans cette tentative dâapprĂ©hender ce qui nous fait hommes par-delĂ les siĂšcles et les cultures que naĂźt la dĂ©marche autobiographique de Marguerite Yourcenar. En regardant en elle-mĂȘme les traces de lâhumanitĂ©, elle entend prendre seulement ce quâil y a de plus durable, de plus essentiel en nous, dans les Ă©motions des sens ou dans les opĂ©rations de lâesprit, comme point de contact avec ces hommes qui comme nous croquĂšrent des olives, burent du vin, sâengluĂšrent les doigts de miel, luttĂšrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante et cherchĂšrent en Ă©tĂ© lâombre dâun platane, et jouirent, et pensĂšrent, et vieillirent, et moururent » p. 332. Point de dĂ©tails anecdotiques dans cette perception de soi, mais une volontĂ© dâĂȘtre lâinstrument traversĂ© par le sentiment de lâhumanitĂ©. 48Ă cet Ă©gard, la romanciĂšre se perçoit comme un intermĂ©diaire destinĂ© Ă susciter ou Ă redonner vie Ă des personnages inventĂ©s ou morts. Marguerite Yourcenar explique ainsi son manque dâintĂ©rĂȘt pour elle-mĂȘme câest pourquoi je nâai au fond quâun intĂ©rĂȘt limitĂ© pour moi-mĂȘme. Jâai lâimpression dâĂȘtre un instrument Ă travers lequel des courants, des vibrations sont passĂ©s. Et cela vaut pour tous mes livres, et je dirais mĂȘme pour toute ma vie » YO, p. 309. Dans cette perspective oĂč lâauteur est un intermĂ©diaire dont le rĂŽle consiste Ă insuffler la vie, se dessine un processus de crĂ©ation proche dâune vĂ©ritable gestation. 49En effet, Marguerite Yourcenar emploie systĂ©matiquement le lexique de la vie, du mouvement, voire de la chair, pour Ă©voquer le processus de crĂ©ation Ă lâĆuvre ainsi Ă©crit-elle avoir tĂąch[Ă©] de rendre leur mobilitĂ©, leur souplesse vivante, Ă ces visages de pierre » dans MĂ©moires dâHadrien p. 332, et avoir cherchĂ© Ă rendre lâempereur vivant On a le curriculum vitae dâHadrien, câest-Ă -dire quâon sait, annĂ©e aprĂšs annĂ©e, les diffĂ©rents emplois, les diffĂ©rents dignitĂ©s dont il a Ă©tĂ© revĂȘtu. Mais on ne sait pas grand-chose de plus. On sait le nom de quelques-uns de ses amis ; on connaĂźt un peu son groupe Ă Rome, sa vie personnelle. Alors jâai tĂąchĂ© de reconstituer tout cela, Ă partir des documents, mais en mâefforçant de les revivifier ; tant quâon ne fait pas entrer toute sa propre intensitĂ© dans un document, il est mort, quel quâil soit. YO, p. 146 50Dans cette perspective, lâauteur doit savoir se taire et nâĂȘtre quâun rĂ©ceptacle Ă la voix du personnage comme une matrice nourrirait un ĂȘtre Ă venir sans pour autant lui imposer sa propre forme, [o]n doit tĂącher dâentendre, de faire silence en soi pour entendre ce quâHadrien pourrait dire, ou ce que ZĂ©non pourrait dire dans telle ou telle circonstance » Ne jamais y mettre du sien, ou alors inconsciemment, en nourrissant les ĂȘtres de sa substance, comme on les nourrirait de sa chair, ce qui nâest pas du tout la mĂȘme chose que de les nourrir de sa propre petite personnalitĂ©, de ces tics qui nous font nous » YO, p. 69. Ici se donne clairement Ă lire la mĂ©taphore de la gestation. RĂ©cusant absolument lâidentitĂ© entre elle-mĂȘme et ses personnages, Marguerite Yourcenar se place comme lâĂȘtre pourvoyeur dâune substance vivante nĂ©cessaire Ă la crĂ©ation 30 Son pĂšre, figure centrale d'Archives du Nord et de Quoi ? lâĂternitĂ©, les deux derniers volets du ... Je ne suis pas plus Michel30 que je suis ZĂ©non ou Hadrien. Jâai essayĂ© de le reconstituer â comme tout romancier â Ă partir de ma substance, mais câest une substance indiffĂ©renciĂ©e. On nourrit de sa substance le personnage quâon crĂ©e câest un peu un phĂ©nomĂšne de gestation. Il faut bien, pour lui donner ou lui rendre la vie, le fortifier dâun apport humain, mais il ne sâensuit pas quâil soit nous ou que nous soyons lui. Les entitĂ©s restent diffĂ©rentes. YO, p. 211 51Ainsi la prĂ©sence de Marguerite Yourcenar ne vaut-elle, Ă ses yeux, que dans la stricte mesure oĂč elle existe en tant que membre de lâhumanitĂ© tout particularisme, toute communautĂ© de personnalitĂ© semble alors dĂ©risoire tant la vision de soi atteint lâuniversalitĂ©. 52De ce processus crĂ©atif naĂźt un paradoxe finalement, Hadrien se trouve peut-ĂȘtre davantage en Marguerite quâelle-mĂȘme ne se trouve en lui. Câest en tout cas ce quâelle semble signifier lorsquâelle met lâaccent sur lâimportance du personnage dans sa vie, et sur le fait quâil a existĂ© et existe encore Ă ses cĂŽtĂ©s. Tout autant quâun inflĂ©chissement de lâauteur sur le personnage, câest le personnage qui semble in fine laisser sa trace sur lâauteur Il semble que tout ce que jâai tentĂ© dâexprimer au sujet dâHadrien rejaillisse en quelque sorte sur moi. Sa luciditĂ© fortifie le peu de luciditĂ© que je possĂšde ; je me souviens, en cas de crise, quâil en a traversĂ© et les a surmontĂ©es ; sa disciplina augusta, sa virtus augusta me soutiennent, et plus encore me convient sa derniĂšre devise de malade Patientia. YO, p. 227 31 Henriette Levillain, MĂ©moires dâHadrien » de Marguerite Yourcenar, op. cit., p. 179. 53Henriette Levillain Ă©crit dâailleurs que, [sur] un autre plan plus personnel, mais Ă plus long terme, Hadrien appartient Ă la gĂ©nĂ©alogie mi-reconstituĂ©e, mi-rĂȘvĂ©e des ancĂȘtres de Marguerite de Crayencour » Au fur et Ă mesure que lâauteur des Archives du Nord dĂ©cline les noms de ses ancĂȘtres flamands, elle note, ou provoque, toutes sortes de coĂŻncidences entre la vie, la culture et la personnalitĂ© de lâempereur romain et celles de ses ascendants31. » 54La vie rĂ©elle se mĂȘle alors aux constructions de lâimaginaire pour former un espace intĂ©rieur dont la complexitĂ© dĂ©passe la frontiĂšre entre fiction et rĂ©alitĂ© il en va ainsi des [l]ieux oĂč lâon a choisi de vivre, rĂ©sidences invisibles quâon sâest construites Ă lâĂ©cart du temps ». Jâai habitĂ© Tibur, Ă©crit-elle, jây mourrai peut-ĂȘtre, comme Hadrien dans lâĂle dâAchille. » p. 347. Marguerite Yourcenar signale alors lâaporie dâune distinction entre sa propre vie et celle de ses personnages, allant jusquâĂ rĂ©cuser la distinction entre fiction et non-fiction, tant est profonde et rĂ©ciproque son immersion crĂ©ative Vous avouerais-je que je nâai jamais eu le sentiment dâĂ©crire de la fiction » ? Jâai toujours attendu que ce que jâĂ©crivais fĂ»t assez incorporĂ© Ă moi pour nâĂȘtre pas diffĂ©rent de ce que seraient mes propres souvenirs [...] ; la maladie dâHadrien me paraĂźt aussi authentique que mes maladies. YO, p. 307 Lâart dĂ©licat du portrait 55Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar Ă©crit quâelle aurait souhaitĂ© dĂ©velopper le portrait » dâun certain nombre dâĂȘtres », tels Plotine, Sabine, Arrien, SuĂ©tone, mais que le choix de lâĂ©criture personnelle imposait un regard nĂ©cessairement partiel et partial, lacunaire et erronĂ©. En effet, Hadrien ne pouvait les voir que de biais. AntinoĂŒs lui-mĂȘme ne peut ĂȘtre aperçu que par rĂ©fraction, Ă travers les souvenirs de lâempereur, câest-Ă -dire avec une minutie passionnĂ©e, et quelques erreurs » p. 335. Pour autant, dans le roman se dessinent les visages dâĂȘtres dont le lecteur ressent lâimportance AntinoĂŒs, Ă©videmment, mais aussi Plotine, prĂ©sences entourant lâexistence dâHadrien dans la pierre et dans la vie. Les pierres... 56Amoureux de lâart et de la pensĂ©e hellĂ©nique, Hadrien voit dans la sculpture une image de la vie mais aussi de lâamour si la lettre Ă©crite [lui] a enseignĂ© Ă Ă©couter la voix humaine », ce sont les grandes attitudes immobiles des statues [qui lui] ont appris Ă apprĂ©cier les gestes » p. 30. La statue semble indissociable de lâamour, tout se passant comme si la beautĂ© et la grĂące sensuelle Ă©taient transfigurĂ©es et saisies dans leur acmĂ© par lâart sculptural. Ces liaisons, agrĂ©ables quand ces femmes Ă©taient habiles, devenaient Ă©mouvantes quand elles Ă©taient belles. JâĂ©tudiais les arts ; je me familiarisais avec des statues ; jâapprenais Ă mieux connaĂźtre la VĂ©nus de Cnide ou la LĂ©da tremblant sous le poids du cygne » p. 74 Hadrien relie explicitement son expĂ©rience amoureuse au sentiment esthĂ©tique, les femmes aimĂ©es rejoignant VĂ©nus et LĂ©da dans une communautĂ© vivante. 57DâemblĂ©e sâexprime ainsi le paradoxe tenu dans le roman entre lâimmobilitĂ© et le mouvement, entre la rigiditĂ© et la vie, entre la mort et lâamour, la statue fixant une forme dâessence vitale dans un processus presque dĂ©miurgique. Les rĂ©flexions dâHadrien sur la construction, longuement dĂ©veloppĂ©es dans Tellus stabilita », soulignent bien la part vivante contenue dans la pierre Notre art est parfait », Ă©crit Hadrien, câest-Ă -dire accompli, mais sa perfection est susceptible de modulations aussi variĂ©es que celles dâune voix pure » p. 145. Si la pierre peut contenir le souffle et la vie, dans quelle mesure Hadrien se rĂȘve-t-il en Pygmalion ? 58La question du portrait porte en effet en elle-mĂȘme celle de la crĂ©ation et du rapport entre le crĂ©ateur et son Ćuvre. Ă ce titre, portraits, statues, sculptures et monuments abondent dans le roman et signalent la volontĂ© impĂ©riale de figer lâamour disparu, quâil sâagisse dâAntinoĂŒs ou de Plotine. Les statues et monuments Ă©rigĂ©s par Hadrien naissent en effet du dĂ©sir de renouer avec les disparus ainsi des chapelles dâAntinoĂŒs, et ses temples, chambres magiques, monuments dâun mystĂ©rieux passage entre la vie et la mort, oratoires dâune douleur et dâun bonheur Ă©touffants, [...] lieu de la priĂšre et de la rĂ©apparition » oĂč Hadrien se livre Ă [s]on deuil » p. 142. De la mĂȘme maniĂšre, Ă NĂźmes, Hadrien Ă©tabli[t] le plan dâune basilique dĂ©diĂ©e Ă Plotine et destinĂ©e Ă devenir un jour son temple » p. 154. 59LâomniprĂ©sence des portraits dâAntinoĂŒs dans le roman nâest pas une invention de lâauteur mais tĂ©moigne bel et bien dâune rĂ©alitĂ© historique ils abondent, et vont de lâincomparable au mĂ©diocre. Tous, en dĂ©pit des variations dues Ă lâart du sculpteur ou Ă lâĂąge du modĂšle, Ă la diffĂ©rence entre les portraits faits dâaprĂšs le vivant et les portraits exĂ©cutĂ©s en lâhonneur du mort, bouleversent par lâincroyable rĂ©alisme de cette figure toujours immĂ©diatement reconnaissable et pourtant si diversement interprĂ©tĂ©e, par cet exemple, unique dans lâAntiquitĂ©, de survivance et de multiplication dans la pierre dâun visage qui ne fut ni celui dâun homme dâĂtat ni celui dâun philosophe, mais simplement qui fut aimĂ©. p. 336 60Hadrien a multipliĂ© les images dâAntinoĂŒs et sâil nâexiste pas de monnaie romaine Ă son effigie, câest en raison de lâopposition du SĂ©nat et non dâune volontĂ© impĂ©riale ; lâabondance des portraits dâAntinoĂŒs dans le roman sâinscrit donc dans la rĂ©fĂ©rentialitĂ© historique. 61Pour autant, Markus MeĂling voit dans lâimportance donnĂ©e Ă la sculpture dans le roman une dimension symbolique trĂšs forte dĂ©passant largement le cadre de la reconstitution historique La statue grecque nâest pas seulement un moyen pour lâĂ©crivain de faire revivre la pensĂ©e hellĂ©nique dâun prince romain. Ătant la concrĂ©tion pierreuse du corps humain et subissant les forces modificatrices du temps, la sculpture dĂ©passe son statut uniquement historique dans lâouvrage de Marguerite Yourcenar et devient ainsi une image modĂšle Ă partir de laquelle lâĂ©crivain dĂ©peint sa vision poĂ©tico-philosophique du temps et de lâexistence humaine. 32 Markus MeĂling, La fonction de la sculpture dans MĂ©moires dâHadrien de Marguerite Yourcenar par ... Comme la sculpture est mutilĂ©e par les Ă©lĂ©ments naturels, Ă mesure que le temps passe, lâhomme en tant quâindividu, lui-mĂȘme sculpture, se voit soumis Ă un temps destructeur qui dĂ©vore » son Ćuvre. Mais de mĂȘme que lâintention du sculpteur rĂ©siste au temps car elle ressort encore incontestablement de la ruine dâune statue classique, les structures, voire la substance mĂȘme de lâexistence humaine ressortent de cette chaĂźne » de pertes perpĂ©tuelles. Le passĂ© paraĂźt ainsi comme un grand Ă©cran » qui reflĂšte lâimmuable nature de lâhomme. Câest dans ce sens que lâhistoricitĂ© tourne dans lâuniversalitĂ© dans lâĆuvre de Marguerite Yourcenar32. 62Ainsi la pierre porte-t-elle la trace de la temporalitĂ© et engage-t-elle dans le roman une mĂ©ditation sur la vanitĂ© de lâexistence et du pouvoir soumis, comme toute construction humaine, Ă la ruine. LâĂ©rection de monuments et la crĂ©ation sculpturale sont alors Ă envisager dans le cadre dâune rĂ©flexion sur la destruction et la mort la crĂ©ation porterait en elle-mĂȘme la trace de sa destruction future, comme une naissance porte sa propre mort. Dans cette entreprise qui consiste Ă conserver une forme de vie se lit ainsi le dĂ©sir dĂ©miurgique de rĂ©sister au temps. 63Hadrien explicite dâailleurs le lien de la construction Ă la temporalitĂ© et Ă la vie [c]onstruire, Ă©crit-il, câest collaborer avec la terre câest mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifiĂ© Ă jamais » ; reconstruire, câest collaborer avec le temps sous son aspect de passĂ©, en saisir ou en modifier lâesprit, lui servir de relais vers un plus long avenir ; câest retrouver sous les pierres les secrets des sources. » Ici la voix de Marguerite Yourcenar, rĂȘvant dans les Carnets du contact avec les siĂšcles passĂ©s via la pierre ou lâobjet, semble se faire entendre derriĂšre celle dâHadrien, lorsquâil Ă©crit Notre vie est brĂšve nous parlons sans cesse des siĂšcles qui prĂ©cĂšdent ou qui suivent le nĂŽtre comme sâils nous Ă©taient totalement Ă©trangers ; jây touchais pourtant dans mes jeux avec la pierre. Ces murs que jâĂ©taie sont encore chauds du contact de corps disparus ; des mains qui nâexistent pas encore caresseront ces fĂ»ts de colonnes. Plus jâai mĂ©ditĂ© sur ma mort, et surtout sur celle dâun autre, plus jâai essayĂ© dâajouter Ă nos vies ces rallonges presque indestructibles. p. 141 64La construction dans la brique Ă©ternelle » de Rome et le marbre natal » de GrĂšce ou dâAsie relĂšvent ainsi dâune recherche de lâhumanitĂ© et la sculpture devient monde Je suis comme nos sculpteurs lâhumain me satisfait ; jây trouve tout, jusquâĂ lâĂ©ternel. La forĂȘt tant aimĂ©e se ramasse pour moi tout entiĂšre dans lâimage du centaure ; la tempĂȘte ne respire jamais mieux que dans lâĂ©charpe ballonnĂ©e dâune dĂ©esse marine. Les objets naturels, les emblĂšmes sacrĂ©s, ne valent quâalourdis dâassociations humaines la pomme de pin phallique et funĂšbre, la vasque aux colombes qui suggĂšre la sieste au bord des fontaines, le griffon qui emporte le bien-aimĂ© au ciel. p. 146 65En accord avec sa vision de lâart, Hadrien confesse que [lâ]art du portrait [lâ]intĂ©ressait peu » dans la mesure oĂč les portraits romains nâont quâune valeur de chronique copies marquĂ©es de rides exactes ou de verrues uniques, dĂ©calques de modĂšles quâon coudoie distraitement dans la vie et quâon oublie sitĂŽt morts » p. 146 ce quâHadrien rejette, câest lâindividualitĂ©, la singularitĂ© peinte dans le portrait puisquâil nây voit lĂ que dĂ©tail, contingence, anecdote. Les Grecs au contraire ont aimĂ© la perfection humaine au point de se soucier assez peu du visage variĂ© des hommes » et dans cette perspective, le portrait vĂ©ritable accĂšde Ă lâuniversalitĂ©. Câest pourquoi â et la voix de Marguerite Yourcenar se fait sans doute entendre ici encore â Hadrien affirme ne jet[er] quâun coup dâĆil Ă [sa] propre image, cette figure basanĂ©e, dĂ©naturĂ©e par la blancheur du marbre, ces yeux grands ouverts, cette bouche mince et pourtant charnue, contrĂŽlĂ©e jusquâĂ trembler » p. 146. 66AntinoĂŒs va pourtant bouleverser cette conception de lâart comme accĂšs Ă lâhumanitĂ©, le portrait devenant symbole de lâobsession dâHadrien Ă faire revivre le disparu le visage dâun autre mâa prĂ©occupĂ© davantage. SitĂŽt quâil compta dans ma vie, lâart cessa dâĂȘtre un luxe, devint une ressource, une forme de secours. Jâai imposĂ© au monde cette image il existe aujourdâhui plus de portraits de cet enfant que de nâimporte quel homme illustre, de nâimporte quelle reine. Jâeus dâabord Ă cĆur de faire enregistrer par la statuaire la beautĂ© successive dâune forme qui change ; lâart devint ensuite une sorte dâopĂ©ration magique capable dâĂ©voquer un visage perdu. Les effigies colossales semblaient un moyen dâexprimer ces vraies proportions que lâamour donne aux ĂȘtres ; ces images, je les voulais Ă©normes comme une figure vue de tout prĂšs, hautes et solennelles comme les visions et les apparitions du cauchemar, pesantes comme lâest restĂ© ce souvenir ibid. 67La mort dâAntinoĂŒs signe alors une conception nouvelle de lâart chargĂ© de porter le deuil et de rendre la vie, et Hadrien distingue lui-mĂȘme entre les statues et portraits du jeune vivant » destinĂ©s Ă saisir le mouvement de la vie changeante, le passage du corps adolescent Ă lâĂąge adulte dans toutes ses variations, et les portraits dâaprĂšs la mort, et oĂč la mort a passĂ©, ces grands visages aux lĂšvres savantes, chargĂ©s de secrets qui ne sont plus les [s]iens, parce que ce ne sont plus ceux de la vie » p. 147. La statue touche alors au sacrĂ© et teinte la volontĂ© crĂ©atrice dâune dimension presque magique. 33 Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar souligne dâailleurs lâĂ©lĂ©ment presque faustien d ... 68En effet, si Hadrien sâentoure de statues Ă la mort du bien-aimĂ©, son rapport Ă la sculpture change et atteint prĂ©cisĂ©ment une forme de dĂ©sir presque faustien33 34 Philippe Berthier, Regarder les images jusquâĂ les faire bouger », dans Les Diagonales du temps. ... Câest bien dâopĂ©ration cabalistique quâil convient de parler dans cette initiative pathĂ©tique â parce quâon la sait vaine â dâextravaser sur un mannequin inerte un monde dâaffects qui le ressusciterait. Dans sa folie sublime, cette dĂ©marche est celle-lĂ mĂȘme de lâĂ©crivain. Lorsquâelle entreprend en effet de resituer AntinoĂŒs Ă lâintĂ©rieur de la restitution dâHadrien, Yourcenar se livre Ă des manipulations sorciĂšres qui sont exactement mimĂ©tiques de celles de lâempereur34... 69Dans cette perspective, quâil sâagisse dâHadrien ou de Marguerite Yourcenar, lâart du portrait sâinscrit dans une dĂ©marche presque dĂ©miurgique Ă lâimage de Pygmalion, lâempereur et la romanciĂšre cherchent Ă donner ou redonner la vie Ă lâĂȘtre rigidifiĂ© par la mort, le symbolisme de la pierre Ă©tant Ă cet Ă©gard tout Ă fait explicite. Ă ce titre, la description de lâembaumement dâAntinoĂŒs rĂ©vĂšle combien la volontĂ© de figer la vie aboutit Ă un atroce chef dâĆuvre » p. 217, indice de la dimension paradoxale dâun art devenu mortifĂšre. Mais lĂ oĂč la pierre fige ces ĂȘtres dans des espaces mortuaires, Marguerite Yourcenar insuffle une voix Ă Hadrien, lui donnant Ă jamais la mesure de la vie. ...et les voix 70Les MĂ©moires dâHadrien sont avant tout le [p]ortrait dâune voix » Si jâai choisi dâĂ©crire ces MĂ©moires dâHadrien Ă la premiĂšre personne, câest pour me passer le plus possible de tout intermĂ©diaire, fĂ»t-ce de moi-mĂȘme », Ă©crit Marguerite Yourcenar. Hadrien pouvait parler de sa vie plus fermement et plus subtilement que moi. » p. 330. Le roman ne propose pas le portrait physique de lâempereur Ă lâexception de la maladie ouvrant la lettre Ă Marc AurĂšle et des mĂ©ditations sur lâimportance des sens dans lâexpĂ©rience du monde, le corps dâHadrien ne fait pas lâobjet dâune peinture dans le roman. Par ailleurs, si la voix dâHadrien dresse le portrait dâĂȘtres qui lâentourent, ces derniers nâont pas la parole et leurs voix ne se font pas vĂ©ritablement entendre. Marguerite Yourcenar explique cette absence dialogique par lâimpossibilitĂ© historiographique de transcrire le ton de la conversation Hadrien, pour jeter ce long coup dâĆil sur sa vie, devait se servir de cet instrument de luciditĂ© quâĂ©tait pour le monde grĂ©co-romain, dont il est le reprĂ©sentant parfait, la parole organisĂ©e, presque impersonnelle. Je me suis rendu compte que le monologue Ă©tait la seule forme possible, et je nâai pas introduit dans le texte de conversations, parce que nous ignorons comment ces gens-lĂ se parlaient. Jâai publiĂ©, beaucoup plus tard, un long essai dans la Nouvelle Revue française, qui paraĂźtra un de ces jours en volume, dans lequel jâai exprimĂ© lâimmense difficultĂ© de faire parler entre eux les gens de lâAntiquitĂ©. Nous avons des comĂ©dies latines, certes, imitĂ©es elles-mĂȘmes de ce quâon appelle la nouvelle comĂ©die » grecque, et datant dâau moins deux siĂšcles et demi avant Hadrien elles oscillent entre le langage de la rue, les quolibets et les injures, comme chez Plaute, et un langage artificiellement raffinĂ© de gens bien Ă©levĂ©s, tels quâils sâexpriment sur la scĂšne, comme chez TĂ©rence, et cela dans des situations romanesques toujours plus ou moins invariables. Rien dans tout cela qui nous donne le ton exact de ce quâont pu ĂȘtre les propos dâHadrien avec Trajan, avec AntinoĂŒs ou avec Plotine. YO, p. 141 71Absence de voix autres, donc, mais prĂ©sence de portraits peints par la voix dâHadrien ainsi lit-on de Plotine un portrait ample et prĂ©cis au travers duquel la personnalitĂ© de lâimpĂ©ratrice se dessine davantage que ses traits physiques. [F]igure en vĂȘtements blancs, aussi simples que peuvent lâĂȘtre ceux dâune femme », portant les lourdes tresses quâexigeait la mode » p. 95-96, Plotine est surtout le visage de la dignitĂ©, du respect et de lâamitiĂ©. Lâune des images les plus emblĂ©matiques du personnage se situe lors de la scĂšne du bĂ»cher de Trajan Calme, distante, un peu creusĂ©e par la fiĂšvre, elle demeurait comme toujours clairement impĂ©nĂ©trable » p. 105 et câest son beau silence » p. 121 et son effacement qui fondent paradoxalement son omniprĂ©sence dans la vie dâHadrien comme dans le roman. ApprĂ©ciĂ©e pour ses silences, [...] ses paroles mesurĂ©es qui nâĂ©taient jamais que des rĂ©ponses, et les plus nettes possible », ils partagent tous deux la passion dâorner, puis de dĂ©pouiller [leur] Ăąme, dâĂ©prouver [leur] esprit Ă toutes les pierres de touche » p. 95. Hadrien Ă©crit Elle inclinait Ă la philosophie Ă©picurienne, ce lit Ă©troit, mais propre, sur lequel jâai parfois Ă©tendu ma pensĂ©e. Le mystĂšre des dieux, qui me hantait, ne lâinquiĂ©tait pas ; elle nâavait pas non plus mon goĂ»t passionnĂ© des corps. Elle Ă©tait chaste par dĂ©goĂ»t du facile, gĂ©nĂ©reuse par dĂ©cision plutĂŽt que par nature, sagement mĂ©fiante, mais prĂȘte Ă tout accepter dâun ami, mĂȘme ses inĂ©vitables erreurs p. 96. 72Celle qui a toujours Ă©tĂ© pour Hadrien un esprit, une pensĂ©e Ă laquelle sâĂ©tait mariĂ©e la [s]ienne » p. 182 trouve son pendant charnel avec AntinoĂŒs, dont le portrait physique est en revanche extrĂȘmement dĂ©veloppĂ©. 73Ce sont tout dâabord les portraits vĂ©ritables du jeune homme qui sont Ă©voquĂ©s, retraçant lâadoration dâHadrien Il y a les statues et les peintures du jeune vivant, celles qui reflĂštent ce paysage immense et changeant qui va de la quinziĂšme Ă la vingtiĂšme annĂ©e le profil sĂ©rieux de lâenfant sage ; cette statue oĂč un sculpteur de Corinthe a osĂ© garder le laisser-aller du jeune garçon qui bombe le ventre en effaçant les Ă©paules, la main sur la hanche, comme sâil surveillait au coin dâune rue une partie de dĂ©s. Il y a ce marbre oĂč Papias dâAphrodisie a tracĂ© un corps plus que nu, dĂ©sarmĂ©, dâune fraĂźcheur fragile de narcisse. Et AristĂ©as a sculptĂ© sous mes ordres, dans une pierre un peu rugueuse, cette petite tĂȘte impĂ©rieuse et fiĂšre. p. 147 74Le portrait dâAntinoĂŒs se poursuit au travers des souvenirs dâHadrien et il est rĂ©vĂ©lateur quâĂ lâinstar de Plotine, AntinoĂŒs, pourtant omniprĂ©sent, reste silencieux tant dans le roman que dans la diĂ©gĂšse [s]a prĂ©sence », Ă©crit Hadrien, Ă©tait extraordinairement silencieuse il mâa suivi comme un animal ou comme un gĂ©nie familier » p. 170. Hadrien dĂ©taille prĂ©cisĂ©ment cette beautĂ© si visible » p. 171 dans tout ce quâelle a de changeant les figures que nous cherchons dĂ©sespĂ©rĂ©ment nous Ă©chappent ce nâest jamais quâun moment... Je retrouve une tĂȘte inclinĂ©e sous une chevelure nocturne, des yeux que lâallongement des paupiĂšres faisait paraĂźtre obliques, un jeune visage large et comme couchĂ©. Ce tendre corps sâest modifiĂ© sans cesse, Ă la façon dâune plante, et quelques-unes de ces altĂ©rations sont imputables au temps. Lâenfant a changĂ© ; il a grandi. [...] La moue boudeuse des lĂšvres sâest chargĂ©e dâune amertume ardente, dâune satiĂ©tĂ© triste. En vĂ©ritĂ©, ce visage changeait comme si nuit et jour je lâavais sculptĂ©. p. 171 75Dans cette image dâHadrien sculpteur se lit la tentation dĂ©miurgique soulignĂ©e plus haut en mĂȘme temps que sâexprime implicitement la part de culpabilitĂ© qui, plus tard, le rongera, comme sâil Ă©tait responsable du destin de sa crĂ©ature. 76Ainsi le monologue dâHadrien est-il bien le portrait dâune voix » qui dresse Ă son tour le portrait dâĂȘtres ayant empli son existence sans pour autant que ces derniers puissent accĂ©der Ă la parole dans le roman Plotine comme AntinoĂŒs demeurent des figures silencieuses. Pourtant, il pourrait sembler plus Ă©vident Ă une femme Ă©crivain de donner la parole Ă une voix fĂ©minine comme celle de Plotine. Ă ce titre, on a souvent interrogĂ© Marguerite Yourcenar sur la moindre importance des femmes dans ses textes et sur lâidĂ©e, quâelle rejette scandalisĂ©e, quâelle se serait cachĂ©e derriĂšre des voix dâhommes Dans MĂ©moires dâHadrien, il sâagissait de faire passer une derniĂšre vision du monde antique vue par un de ses derniers grands reprĂ©sentants, et que cet ĂȘtre eĂ»t lâexpĂ©rience du pouvoir suprĂȘme, celle de la guerre, celle dâimmenses voyages, celle du grand commis occupĂ© de rĂ©formes Ă©conomiques et civiles aucune figure historique de femme nâĂ©tait dans ces conditions-lĂ , mais Hadrien, dans une pĂ©nombre discrĂšte, a sa parĂšdre fĂ©minine. Je ne parle pas de quelques jeunes maĂźtresses, qui ont Ă©tĂ© pour lui une distraction, je parle de Plotine, la conseillĂšre et lâamie, avec qui le liait une amitiĂ© amoureuse », dit textuellement lâun des chroniqueurs antiques. YO, p. 271 77Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar explique dĂ©jĂ cette [i]mpossibilitĂ© [...] de prendre pour figure centrale un personnage fĂ©minin, de donner, par exemple, pour axe Ă [s]on rĂ©cit, au lieu dâHadrien, Plotine ». La raison en est culturelle La vie des femmes est trop limitĂ©e, ou trop secrĂšte. Quâune femme se raconte, et le premier reproche quâon lui fera est de nâĂȘtre plus femme. Il est dĂ©jĂ assez difficile de mettre quelque vĂ©ritĂ© Ă lâintĂ©rieur dâune bouche dâhomme » p. 329. 78Enfin, en dĂ©pit de lâinsistance de Marguerite Yourcenar sur la nĂ©cessitĂ© de faire silence en elle pour faire advenir la parole dâHadrien, câest par sa propre voix quâelle insuffle la vie Ă son personnage. Paola Ricciulli remarque ainsi que lâinsistance sur le silence de lâauteur est trop marquĂ©e pour nâĂȘtre pas suspecte. DerriĂšre la neutralitĂ© apparente, de discrĂštes traces de subjectivitĂ© transparaissent les goĂ»ts, les rĂ©flexions, le style communs au narrateur et Ă lâauteur, visibles par exemple dans lâabondance des maximes, ou encore la langue elle-mĂȘme, trahissent cette communautĂ© de voix 35 Paola Ricciulli, Voix de lâauteur et voix du narrateur dans MĂ©moires dâHadrien », dans Hadrien o ... Le vĂ©hicule de la communication est donc la langue de lâauteur et non celle du narrateur. Il ne sâagit pas lĂ dâune intervention » nĂ©gligeable de la part de Yourcenar si lâon considĂšre lâensemble des fonctions et des valeurs » exprimĂ©es, mĂȘme indirectement, par la langue. Un choix dictĂ© certainement par lâimmense difficultĂ© de faire parler entre eux les gens de lâAntiquitĂ© », mais qui transforme, objectivement, ce chant intime » en un chant Ă deux voix »35. 79Ainsi ce portrait dâune voix », traversĂ© par des visages, figures omniprĂ©sentes mais silencieuses, comme autant dâombres portĂ©es sur lâexistence dâHadrien, se veut-il plongĂ©e dans lâintĂ©rioritĂ© protĂ©iforme dâun ĂȘtre auquel lâauteur prĂȘte sa voix. Ă travers la reconstitution de ces souvenirs, Marguerite Yourcenar cherche Ă saisir Hadrien toute la complexitĂ© de ce qui le fait individu, personnage, homme 36 La citation est extraite de Mishima ou la vision du vide. 37 Yves-Alain Favre, Conscience du sacrĂ© et sacrĂ© de la conscience dans lâĆuvre de Marguerite Yourc ... tout dâabord lâindividu, changeant, Ă©pars et contradictoire, qui tantĂŽt se cache et tantĂŽt se rend visible, vĂ©ritable ProtĂ©e qui demeure difficile Ă saisir ; ensuite le personnage, forgĂ© par lâindividu et destinĂ© Ă servir de masque ou dâĂ©cran afin de se protĂ©ger ou de sciemment provoquer autrui ; on peut aisĂ©ment le dĂ©finir, mais il nâapporte guĂšre de rĂ©vĂ©lation dĂ©cisive. En fin, plus profondĂ©ment, lâhomme rĂ©el et ce ce secret impĂ©nĂ©trable qui est celui de toute vie36 ». Cette essence de lâĂȘtre reste Ă©nigmatique pour autrui ; le terme dâ impĂ©nĂ©trable » montre bien quâil sâagit dâun secret, donc dâune rĂ©alitĂ© sacrĂ©e, qui Ă©chappe Ă toute prise de lâintelligence37. 80Câest prĂ©cisĂ©ment dans cette triple perception de lâĂȘtre que se dessine lâuniversalitĂ© Ă laquelle aspire Marguerite Yourcenar est-ce Ă dire quâen dĂ©pit dâune inscription historique forte, MĂ©moires dâHadrien porte la trace de lâĂ©ternitĂ© ? Le grand pan nâest pas mort 38 Voir Philippe Borgeaud, La mort du grand Pan. ProblĂšmes dâinterprĂ©tation », Revue de lâhistoire ... 81Au IIe siĂšcle aprĂšs JĂ©sus-Christ, Plutarque annonce, dans un passage Ă©nigmatique de son traitĂ© Sur la disparition des oracles, la mort du grand Pan38 », figure du paganisme et du Tout. En recrĂ©ant la vie dâun empereur contemporain de Plutarque, et qui fut son admirateur et son hĂŽte p. 87, Marguerite Yourcenar dĂ©montre exactement le contraire. Hadrien sâattache Ă prĂ©server les traditions polythĂ©istes de la GrĂšce et de Rome, mais surtout il incarne la possibilitĂ© pour lâindividu de se savoir partie dâun tout qui lui demeure accessible. Figure prismatique, reflet changeant du lecteur et de lâauteur, personnage insaisissable et voix encore audible, il atteste la porositĂ© des frontiĂšres de lâĂȘtre. Ă travers le bĂątisseur du PanthĂ©on, et par la dĂ©marche mĂȘme qui prĂ©side Ă son Ă©criture, Marguerite Yourcenar tĂ©moigne que Tout » est encore prĂ©sent Ă qui sait le reconnaĂźtre. Hadrien, homme de tous les temps 82En rĂ©inventant les MĂ©moires dâun personnage historique, Marguerite Yourcenar peint une pĂ©riode bien prĂ©cise, et Ă nulle autre pareille, ce IIe siĂšcle [...] des derniers hommes libres », dont elle admet dans les Carnets de notes que nous sommes peut-ĂȘtre dĂ©jĂ fort loin » p. 342. Mais la modalisation apportĂ©e par ce peut-ĂȘtre » en dit long sur lâaura dâĂ©ternitĂ© qui Ă©mane dâHadrien. Marguerite Yourcenar choisit de redonner parole et vie Ă un personnage Ă la fois attachĂ© aux traditions dans ce quâelles ont de plus fĂ©cond et de moins sclĂ©rosant â la pensĂ©e libre des Grecs â, et tournĂ© vers le progrĂšs au sens le plus simple et le plus noble du terme â la marche raisonnĂ©e de Rome et du monde Le moment semblait venu », estime-t-il, de réévaluer toutes les prescriptions anciennes dans lâintĂ©rĂȘt de lâhumanitĂ© » p. 128. Dans cet ĂȘtre qui nâignore ni les origines ni lâavenir de son monde, elle retrouve ainsi ce quâil y a dâimmuable en lâhomme. Parce quâil est soumis au temps et inscrit dans le temps, Hadrien peut devenir lâimage de lâhomme inchangĂ©, et lâauteur fait de ce paradoxe lâune des rĂšgles de son Ă©criture [...] prendre seulement ce quâil y a de plus durable, de plus essentiel en nous, dans les Ă©motions des sens ou dans les opĂ©rations de lâesprit, comme point de contact avec ces hommes qui comme nous croquĂšrent des olives, burent du vin, sâengluĂšrent les doigts de miel, luttĂšrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante, et cherchĂšrent en Ă©tĂ© lâombre dâun platane, et jouirent, et pensĂšrent, et vieillirent, et moururent. p. 332 83Hadrien lui-mĂȘme possĂšde la conscience de cette permanence des Ă©motions et sensations humaines en ce quâelles ont de plus pur et de plus simple, peut-ĂȘtre de plus instinctif. Par ses ancĂȘtres, et notamment son grand-pĂšre Marullinus, il se sent liĂ© Ă des temps primitifs, mais non totalement disparus La duretĂ© presque impĂ©nĂ©trable de Marullinus remontait plus loin, Ă des Ă©poques plus antiques. CâĂ©tait lâhomme de la tribu, lâincarnation dâun monde sacrĂ© et presque effrayant dont jâai parfois retrouvĂ© les vestiges chez nos nĂ©cromanciens Ă©trusques », se souvient-il lorsquâil commence Ă relater son existence p. 40. Il pressent aussi la parentĂ© qui lâunit Ă ceux qui viendront aprĂšs lui. Alors quâil achĂšve son rĂ©cit, il songe au successeur encore lointain qui transformera le visage de Rome, mais ne sâen Ă©meut guĂšre Il hĂ©ritera de nos palais et de nos archives ; il diffĂ©rera de nous moins quâon pourrait le croire » p. 314. Apaisante, cette conscience de la continuitĂ© nâest pourtant pas la marque dâun optimisme ou dâune confiance inconsidĂ©rĂ©s. On dĂ©cĂšle aussi chez lâempereur une forme de rĂ©signation, nĂ©e de la certitude que les plus tristes aspects de la condition humaine sont eux aussi inchangeables. Sa clairvoyance se fait souvent sombre, aussi ne sâillusionne-t-il pas sur les effets de ses tentatives de rĂ©former le sort des esclaves Je doute que toute la philosophie du monde parvienne Ă supprimer lâesclavage on en changera tout au plus le nom. Je suis capable dâimaginer des formes de servitude pires que les nĂŽtres, parce que plus insidieuses soit quâon rĂ©ussisse Ă transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors quâelles sont asservies, soit quâon dĂ©veloppe chez eux, Ă lâexclusion des loisirs et des plaisirs humains, un goĂ»t du travail aussi forcenĂ© que la passion de la guerre chez les races barbares. p. 129 84En un siĂšcle encore trĂšs prĂšs de la libre vĂ©ritĂ© du pied nu », lâempereur entrevoit dĂ©jĂ les dĂ©formations Ă venir, qui pourtant ne suffisent pas Ă altĂ©rer la substance, la structure humaine » p. 333. 85La perception conjointe de lâimmuable et du changeant permet Ă Marguerite Yourcenar de faire de son personnage un homme de tous les temps, sans pour cela verser dans une indiffĂ©renciation des siĂšcles qui serait simplificatrice et mensongĂšre. Hadrien reflĂšte en vĂ©ritĂ© un certain mouvement de lâhistoire, une disposition de lâesprit humain qui refait surface de distance en distance et assure la continuitĂ© en mĂȘme temps quâelle la rĂ©vĂšle. Dans Les Yeux ouverts, Marguerite Yourcenar dit reconnaĂźtre en cet empereur somme toute si peu romain un homme dâun autre temps, bien plus prĂšs de nous que le typique empereur romain de SuĂ©tone, ou des films et des romans Ă grand spectacle ; en un sens, câest un homme de la Renaissance » YO, p. 152. MĂ©cĂšne avisĂ©, humaniste avant lâheure, Ă©pris de toutes les humanitĂ©s », voyageur libre et passionnĂ© de grandes dĂ©couvertes, Hadrien tient Ă la fois de Laurent le Magnifique, dâĂrasme et de Montaigne, et peut-ĂȘtre parfois, dans son pragmatisme politique, de Machiavel. Ces rencontres dâesprits, nĂ©anmoins, nâarrachent pas Hadrien Ă son siĂšcle lui-mĂȘme signale que ses idĂ©aux sont fort partagĂ©s et relĂšvent dâun esprit des temps » Humanitas, Felicitas, Libertas ces beaux mots qui figurent sur les monnaies de mon rĂšgne, je ne les ai pas inventĂ©s. Nâimporte quel philosophe grec, presque tout Romain cultivĂ© se propose du monde la mĂȘme image que moi » p. 126. Mais câest prĂ©cisĂ©ment parce quâelle est en prise avec son Ă©poque tout en la dĂ©bordant que lâĆuvre dâHadrien est grande et Ă©veille des rĂ©sonances renaissantes en faisant renaĂźtre la GrĂšce, en bĂątissant temples et bibliothĂšques, il assure lâun des relais qui permettront aux hommes du XVIe siĂšcle de faire Ă leur tour renaĂźtre Rome. Conscient de travailler avec les hommes du passĂ©, il tend aussi la main Ă ceux des siĂšcles futurs Jâavais collaborĂ© avec les Ăąges, avec la vie grecque elle-mĂȘme ; lâautoritĂ© que jâexerçais Ă©tait moins un pouvoir quâune mystĂ©rieuse puissance, supĂ©rieure Ă lâhomme, mais qui nâagit efficacement quâĂ travers lâintermĂ©diaire dâune personne humaine ; le mariage de Rome et dâAthĂšnes sâĂ©tait accompli ; le passĂ© reprenait un visage dâavenir p. 192. 86De renaissance en renaissance, lâaction de quelques hommes dâexception sur la marche du temps permet dâespĂ©rer, en plein XXe siĂšcle, le retour dâun saeculum aureum » qui prendrait le visage de cette paix Ă la fois fragile et exceptionnellement durable gagnĂ©e par Hadrien. Le personnage yourcenarien Ă©labore en effet une thĂ©orie de lâharmonie des peuples dâautant plus porteuse dâespoir quâelle Ă©mane dâun pragmatique et non dâun utopiste [...] chaque heure dâaccalmie Ă©tait une victoire, prĂ©caire comme elles le sont toutes ; chaque dispute arbitrĂ©e un prĂ©cĂ©dent, un gage pour lâavenir. Il mâimportait assez peu que lâaccord fut extĂ©rieur, imposĂ© du dehors, probablement temporaire je savais que le bien comme le mal est affaire de routine, que le temporaire se prolonge, que lâextĂ©rieur sâinfiltre au-dedans, et que le masque, Ă la longue, devient visage. Puisque la haine, la sottise, le dĂ©lire ont des effets durables, je ne voyais pas pourquoi la luciditĂ©, la justice, la bienveillance nâauraient pas les leurs. p. 111 87Ce prĂ©cĂ©dent » dâapaisement que reprĂ©sente le rĂšgne dâHadrien acquiert un Ă©clat tout particulier en 1951, celui des rĂȘves que lâon croit sur le point de se rĂ©aliser. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la renaissance de la pax romana est plus que jamais dĂ©sirable et, reconsidĂ©rant son roman une trentaine dâannĂ©es aprĂšs sa parution, Marguerite Yourcenar admet lâavoir crue possible Les Nations unies, Ă ce moment-lĂ , cela comptait. Enfin, on pouvait imaginer un manipulateur de gĂ©nie capable de rĂ©tablir la paix pendant cinquante ans, une pax americana ou europeana, peu importe. On ne lâa pas eu. Il ne sâest prĂ©sentĂ© que de brillants seconds. Mais, Ă lâĂ©poque, jâavais la naĂŻvetĂ© de croire que câĂ©tait encore possible. On pouvait se dire quâun homme plus intelligent, plus capable de naviguer dans une passe difficile, avait des chances de rĂ©ussite... Je me rends compte maintenant que câĂ©tait une illusion. Câest ce qui fait que je suis passĂ©e dâHadrien Ă LâĆuvre au noir. Mais au temps oĂč jâĂ©crivais MĂ©moires dâHadrien, il Ă©tait possible dâespĂ©rer, pour une pĂ©riode trĂšs courte encore, dans cette euphorie qui suit la fin des guerres... YO, p. 149 88Ćuvre en apparence si dĂ©tachĂ©e de son siĂšcle, MĂ©moires dâHadrien sâavĂšre ainsi ĂȘtre le fruit dâune explosion de violence â Avoir vĂ©cu dans un monde qui se dĂ©fait mâenseignait lâimportance du Prince », reconnaĂźt lâauteur p. 328 â et dâune Ă©troite pĂ©riode dâespĂ©rance. En ce sens, le roman est bien un reflet de son temps. Il ne sâagit pas pour Marguerite Yourcenar de tendre Ă ses contemporains un miroir idĂ©al de leur Ă©poque â son personnage lui-mĂȘme rĂ©cuse tout idĂ©alisme La paix Ă©tait mon but, mais point du tout mon idole ; le mot mĂȘme dâidĂ©al me dĂ©plairait comme trop Ă©loignĂ© du rĂ©el » p. 111. Sans doute songe-t-elle moins encore Ă offrir aux hommes dâĂtat de son temps un modĂšle de bon gouvernement elle ne sâattendait guĂšre Ă ce que son livre soit lu, moins encore Ă ce quâil soit compris Seuls, quelques amateurs de destinĂ©e humaine comprendront », Ă©crit-elle dans les Carnets de notes p. 340. Elle nâen tĂ©moigne pas moins dâune foi peut-ĂȘtre passagĂšre mais qui traduit la survivance dâune ambition humaine jamais tout Ă fait Ă©teinte dans le personnage dâHadrien perdurent et renaissent les espoirs de lâempereur qui rĂ©gnait sur les derniers hommes libres ». Homo sum... 39 TĂ©rence, LâHĂ©autontimoroumĂ©nos, dans ComĂ©dies II, J. Marouzeau et J. GĂ©rard trad., Paris, Les Be ... 89Homme de tous les temps, Hadrien le multiple est aussi potentiellement tous les hommes. Lâempereur pourrait faire sienne la phrase cĂ©lĂšbre de lâancien esclave TĂ©rence Homo sum ; nihil a me alienum puto39 » il est homme, et rien de ce qui est humain ne semble lui ĂȘtre Ă©tranger. Humanistes, les MĂ©moires dâHadrien le sont par leurs affinitĂ©s avec le courant de pensĂ©e renaissant, mais aussi plus immĂ©diatement par lâattention soutenue et souvent humble que le narrateur accorde Ă lâhumain. Sans cesse en mouvement, mais symboliquement au centre de lâempire et de tout, Hadrien interroge sa place et sa mesure dâhomme, ouvrant ainsi lâhumanisme sur un universalisme. Lâaventure humaine » 90 En un sens, toute vie racontĂ©e est exemplaire », Ă©crit Marguerite Yourcenar dans les Carnets de notes p. 342, avant de souligner les dangers que fait courir au biographe un propos exclusivement dĂ©monstratif le propos y perd de ses nĂ©cessaires nuances, la vie racontĂ©e » de sa complexitĂ©. De quoi Hadrien, grand homme, certes, mais homme faillible, est-il lâexemple ? Les Carnets de notes suggĂšrent peu aprĂšs une rĂ©ponse Ă la fois simple et paradoxale il est celui qui a, par excellence et pleinement, vĂ©cu lâaventure humaine » ibid., exemplaire moins par lâexceptionnel statut qui le distingue des autres hommes que par sa facultĂ© Ă ĂȘtre Ă la fois lui-mĂȘme et eux tous. Alors quâil sâapprĂȘte Ă retracer son existence, il rĂ©sume par la nĂ©gative cette ambivalence fĂ©conde TantĂŽt ma vie mâapparaĂźt banale, au point de ne pas valoir dâĂȘtre, non seulement Ă©crite, mais mĂȘme un peu longuement contemplĂ©e, nullement plus importante, mĂȘme Ă mes propres yeux, que celle du premier venu. TantĂŽt elle me semble unique, et par lĂ mĂȘme sans valeur, inutile, parce quâimpossible Ă rĂ©duire Ă lâexpĂ©rience du commun des hommes p. 34. 91Par cette dualitĂ©, les MĂ©moires dâHadrien mettent au jour ce que lâon pourrait nommer lâextraordinaire banalitĂ© â ou lâordinaire exception â de chaque expĂ©rience. Lâexistence dâun empereur tout comme celle dâun homme obscur », tel le NathanaĂ«l du dernier roman de Marguerite Yourcenar, porte en elle une irrĂ©ductible unicitĂ© en mĂȘme temps que la marque du destin commun. Et que le protagoniste soit dotĂ© dâune position et dâune luciditĂ© dâexception ne fait que rendre plus perceptible cette tension. 40 Comme lâeau qui coule est le titre donnĂ© par Marguerite Yourcenar au recueil qui regroupe Anna, so ... 92Son aventure », Hadrien la mĂšne en effet au sens Ă©tymologique du terme il traverse tout ce qui doit advenir » dans une vie dâhomme, plaisir et souffrance, bonheur et dĂ©tresse, amour, passion, deuil et maladie. Lâimminence de son dĂ©cĂšs le rend mĂȘme apte Ă tĂ©moigner de cette grande aventure commune quâest la mort, aventure dans laquelle chaque ĂȘtre est en permanence engagĂ©, mais qui demeure gĂ©nĂ©ralement inconnaissable et donc indicible Dire que mes jours sont comptĂ©s ne signifie rien ; il en fut toujours ainsi ; il en est ainsi pour nous tous », admet lâempereur mourant p. 12. Mais aussitĂŽt il identifie ce qui dĂ©jĂ le sĂ©pare des vivants, tout en lui permettant de comprendre mieux quâeux-mĂȘmes leur condition Mais lâincertitude du lieu, du temps, et du mode, qui nous empĂȘche de bien distinguer ce but vers lequel nous avançons sans cesse, diminue pour moi Ă mesure que progresse ma maladie mortelle » ibid. Sâil lui est ainsi donnĂ© de connaĂźtre le but » de toute aventure humaine », Hadrien a aussi lâhumilitĂ© dâen accepter lâabsence, non pas de sens, mais de direction perceptible. Bien quâil ait savamment construit sa carriĂšre impĂ©riale, il se sait aussi confusĂ©ment formĂ© par les remous dâun sort dont il nâa pas la maĂźtrise Je perçois bien dans cette diversitĂ©, dans ce dĂ©sordre, la prĂ©sence dâune personne, mais sa forme semble presque toujours tracĂ©e par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflĂ©tĂ©e sur lâeau » p. 33. Narcisse dĂ©tournĂ© de sa propre contemplation par les rapides dâune vie qui passe comme lâeau qui coule40 », Hadrien est Ă mĂȘme dâapercevoir, au-delĂ du miroir des apparences, son insaisissable visage dâhomme. Ses aveux dâimpuissances sont en ce sens les meilleurs rĂ©vĂ©lateurs de sa clairvoyance il sait sa vue bornĂ©e et brouillĂ©e, mais le fait mĂȘme dâen avoir conscience, et de comprendre le pourquoi de cette dĂ©faillance, est dĂ©jĂ un correctif, ainsi que le suggĂšrent les derniĂšres analyses, rĂ©signĂ©es et lucides, dâ Animula vagula blandula » [...] lâesprit humain rĂ©pugne Ă sâaccepter des mains du hasard, Ă nâĂȘtre que le produit passager de chances auxquelles aucun dieu ne prĂ©side, surtout pas lui-mĂȘme. Une partie de chaque vie, et mĂȘme de chaque vie fort peu digne de regard, se passe Ă rechercher les raisons dâĂȘtre, les points de dĂ©part, les sources. p. 35 93LâHadrien yourcenarien ne diffĂšre en somme des autres hommes que par le fait de se savoir tout Ă fait homme, sans fausse modestie ni fatuitĂ©. Aussi affirme-t-il sereinement sa supĂ©rioritĂ© Il nây a quâun seul point sur lequel je me sens supĂ©rieur aux autres hommes je suis tout ensemble plus libre et plus soumis quâils nâosent lâĂȘtre. Presque tous mĂ©connaissent Ă©galement leur juste libertĂ© et leur vraie servitude » p. 52. 94ReconnaĂźtre en lâautre son semblable ne signifie pas nĂ©cessairement le connaĂźtre ou le comprendre, ni mĂȘme se connaĂźtre ou se comprendre Tout nous Ă©chappe, et tous, et nous-mĂȘmes », Ă©crit Marguerite Yourcenar p. 331, et elle confĂšre cette certitude Ă son personnage. Mais câest sâoffrir la possibilitĂ© dâentrer, mĂȘme passagĂšrement, dans la vie dâun autre, et de dĂ©couvrir ainsi une autre facette de lâhumain. Hadrien paraĂźt en effet douĂ© de la facultĂ© de cerner au plus prĂšs mĂȘme ceux qui diffĂšrent radicalement de lui, et peut-ĂȘtre surtout ceux qui diffĂšrent de lui. Trop proche, AntinoĂŒs lui demeure illisible il semble Ă lâempereur que, par son dĂ©vouement mĂȘme, le favori abdique en quelque sorte une part de son altĂ©ritĂ© Je mâĂ©merveillais de cette dure douceur ; de ce dĂ©vouement sombre qui engageait tout lâĂȘtre. Et pourtant, cette soumission nâĂ©tait pas aveugle ; ces paupiĂšres si souvent baissĂ©es dans lâacquiescement ou dans le songe se relevaient ; les yeux les plus attentifs du monde me regardaient en face ; je me sentais jugĂ©. Mais je lâĂ©tais comme un dieu lâest par son fidĂšle mes duretĂ©s, mes accĂšs de mĂ©fiance car jâen eus plus tard Ă©taient patiemment, gravement acceptĂ©s. Je nâai Ă©tĂ© maĂźtre absolu quâune fois, et que dâun seul ĂȘtre. p. 171 95MĂȘme au-delĂ de la mort, AntinoĂŒs demeure ce bel Ă©tranger que reste malgrĂ© tout chaque ĂȘtre quâon aime » p. 189. Bien plus accessibles en revanche sont les ĂȘtres que tout, a priori, Ă©loigne dâHadrien. Il parvient ainsi Ă observer dans toute sa vĂ©ritĂ© la maĂźtresse infidĂšle Ă laquelle il offre de quoi acheter lâamour dâun autre, le danseur Bathylle Elle sâassit par terre, petite figure nette de joueuse dâosselets, vida le sac sur le pavement, et se mit Ă diviser en tas le luisant monceau. Je savais que pour elle, comme pour nous tous, prodigues, ces piĂšces dâor nâĂ©taient pas des espĂšces trĂ©buchantes marquĂ©es dâune tĂȘte de CĂ©sar, mais une matiĂšre magique, une monnaie personnelle, frappĂ©e Ă lâeffigie dâune chimĂšre, au coin du danseur Bathylle. Je nâexistais plus. Elle Ă©tait seule. Presque laide, plissant le front avec une dĂ©licieuse indiffĂ©rence Ă sa propre beautĂ©, elle faisait et refaisait sur ses doigts, avec une moue dâĂ©colier, les additions difficiles. Elle ne mâa jamais tant charmĂ©. p. 78 96De mĂȘme que lâhomme riche sait comprendre la femme qui a dâimmenses besoins dâargent » ibid., le maĂźtre de Rome devine les motivations et les rĂ©actions de lâobscur esclave des mines de Tarragone qui cherche Ă le tuer Point illogiquement, il se vengeait sur lâempereur de ses quarante-trois ans de servitude. Je le dĂ©sarmai facilement ; sa fureur tomba ; il se transforma en ce quâil Ă©tait vraiment, un ĂȘtre pas moins sensĂ© que les autres, et plus fidĂšle que beaucoup » p. 128. Dans une moindre mesure, il parvient mĂȘme Ă se rapprocher de lâennemi par excellence, Bar Kochba. La rĂ©volte juive dont ce dernier est le meneur lui est incomprĂ©hensible, mais lâascension de lâ aventurier » de JĂ©rusalem nâest peut-ĂȘtre pas sans rapport avec la sienne Je ne puis juger ce Simon que par ouĂŻ-dire ; je ne lâai vu quâune fois face Ă face, le jour oĂč un centurion mâapporta sa tĂȘte coupĂ©e. Mais je suis disposĂ© Ă lui reconnaĂźtre cette part de gĂ©nie quâil faut toujours pour sâĂ©lever si vite et si haut dans les affaires humaines ; on ne sâimpose pas ainsi sans possĂ©der au moins quelque habiletĂ© grossiĂšre. p. 254 97Partiellement opaque Ă lui-mĂȘme, Hadrien nâen est que plus capable de percer lâopacitĂ© des autres, ne serait-ce que parce quâil la respecte. Sans sâexagĂ©rer les ressemblances ni les diffĂ©rences, il sâĂ©prouve ainsi homme parmi les hommes, et admet je suis comme eux, du moins par moments, ou jâaurais pu lâĂȘtre » p. 51. En lui, Marguerite Yourcenar construit un personnage exemplairement homme. Hommes et bĂȘtes 41 Sur ce sujet, voir Loredana Primozich, Kou-Kou-HaĂŻ ou le rĂȘve de de lâuniversel », dans Maria Jo ... 42 Cette couverture et cette dĂ©froque pendue Ă un clou sentaient le suint, le lait et le sang. Ces ... 43 MĂȘme les Ăąges, les sexes, et jusquâaux espĂšces, lui paraissaient plus proches quâon ne le croit ... 44 RĂ©my Poignault, Hadrien, le limes et lâexil », dans Marguerite Yourcenar, Cume an spearwa... » ... 98Les efforts de comprĂ©hension dâHadrien ne se circonscrivent toutefois pas Ă lâhomme ; ils tendent Ă sâouvrir Ă tout ce qui lâentoure. Si lâhumain se dĂ©finit pour une part dans son rapport au divin, il ne trouve son exacte place quâen sâinscrivant dans le monde naturel. Cette prĂ©occupation, constante chez Marguerite Yourcenar, sâest exprimĂ©e dans ses prises de position Ă©cologistes et ses engagements en faveur de la cause animale, mais Ă©galement dans son Ćuvre littĂ©raire, depuis Suite dâestampes pour Kou-Kou-HaĂŻ », texte poĂ©tique composĂ© en 1927 en hommage Ă lâun de ses chiens dont elle fait une figure de lâuniversel41, jusquâĂ sa confĂ©rence du 8 avril 1981 intitulĂ©e, dâaprĂšs lâEcclĂ©siaste, Qui sait si lâĂąme des bĂȘtes sâen va en bas ? » et publiĂ©e dans Le Temps, ce grand sculpteur. La thĂ©matique demeure relativement discrĂšte dans MĂ©moires dâHadrien lâauteur se garde de projeter sur son personnage ses engagements personnels. Hadrien ne va pas jusquâaux mĂ©ditations de ZĂ©non, qui retrouve dans chaque objet lâĂȘtre dont il provient42, ou de NathanaĂ«l qui fraternise avec tout ce qui existe43. Il lui arrive nĂ©anmoins de communier avec les Ă©lĂ©ments lorsque, malade, le plaisir de la nage lui est dĂ©fendu, il parvient Ă le revivre en pensĂ©e et Ă dĂ©passer le souvenir des sensations humaines pour se fondre dans une eau dont il Ă©prouve ainsi la libre mobilitĂ© Il y eut des moments oĂč cette comprĂ©hension sâefforça de dĂ©passer lâhumain, alla du nageur Ă la vague » p. 15. Il exauce alors mieux que jamais son propre vĆu dâimmersion dans le Tout, Ă©voquĂ© par RĂ©my Poignault Le personnage de Marguerite Yourcenar, dans un souci dâindĂ©pendance, souhaiterait abolir toutes les limites ainsi lâhumain, atteignant lâuniversel, coĂŻncidant avec le Tout, il nây aura plus aucune possibilitĂ© ouverte Ă un quelconque exil44 » â instant sans doute miraculeux pour un homme immobilisĂ© qui se meurt dâhydropisie. 99Câest cependant surtout dans son rapport au rĂšgne animal quâHadrien sâavĂšre capable de franchir les limites de lâhumain. FĂ©ru dâart cynĂ©gĂ©tique, il exerce dans la chasse une violence instinctive qui traduit son amour dâune faune quâil respecte et divinise. Ainsi affirme-t-il avoir toujours entretenu avec la Diane des forĂȘts les rapports changeants et passionnĂ©s dâun homme avec lâobjet aimĂ© » p. 13. Tuer une proie nâest pas, dans lâesprit du chasseur, le moyen dâaffirmer la suprĂ©matie des hommes sur les bĂȘtes, mais au contraire une maniĂšre de sâĂ©galer Ă elles, en rĂ©intĂ©grant le cycle naturel des vies et des morts. Hadrien renoue avec dâancestrales reprĂ©sentations du chasseur lorsquâil dĂ©taille lâĂ©motion qui le saisit au passage dâun cerf MĂȘme ici, Ă Tibur, lâĂ©brouement soudain dâun cerf sous les feuilles suffit [...] Ă faire tressaillir en moi un instinct plus ancien que tous les autres, et par la grĂące duquel je me sens guĂ©pard aussi bien quâempereur » p. 14. Mieux encore que la bĂȘte sauvage, lâanimal domestiquĂ© enseigne Ă lâhomme ce quâil est profondĂ©ment un fauve nâest quâun adversaire, mais un cheval Ă©tait un ami », se souvient Hadrien ibid. Le cheval BorysthĂšnes, auquel lâHadrien historique fit Ă©lever un tombeau et dont le nom est donnĂ© Ă un village p. 304, paraĂźt occuper dans la vie de lâempereur une place aussi importante que CĂ©ler, ami des derniĂšres annĂ©es et aide de camp chargĂ© des montures de lâempereur vieillissant. La parfaite docilitĂ© du cheval repose en effet sur une comprĂ©hension Ă©troite et rĂ©ciproque entre lâhomme et lâanimal il savait exactement, et mieux que moi peut-ĂȘtre, le point oĂč ma volontĂ© divorçait dâavec ma force » p. 15. GrĂące Ă lui, Hadrien semble bien avoir Ă©tĂ© par instant cette crĂ©ature hybride dans laquelle il projette son moi idĂ©al Si lâon mâavait laissĂ© le choix de ma condition, jâeusse optĂ© pour celle de Centaure », affirme-t-il p. 14 â et lâallusion mythologique est ici bien plus quâune hyperbole destinĂ©e Ă traduire la passion de lâart Ă©questre. 45 Cette image de Lucius a-t-elle Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©e Ă Marguerite Yourcenar par la performance rĂ©volutionna ... 46 Voir la signification que Victor Hugo confĂšre Ă cette figure mythologique dans Le Satyre » prem ... 100Ă lâimage de cet autoportrait en Centaure, les comparaisons et mĂ©taphores choisies par le narrateur traduisent sa perception des ĂȘtres, et dâun monde oĂč les frontiĂšres sont tĂ©nues entre lâhumain et lâanimal. Pour traduire la lĂ©gĂšretĂ© et lâeffronterie capricantes du jeune Lucius, Hadrien Ă©voque un demi-dieu aux pieds et cornes de bouc ce jeune faune dansant45 occupa six mois de ma vie » p. 122. La silhouette de Pan, en qui se rejoignent animalitĂ© et humanitĂ©46, et auquel les faunes sont apparentĂ©s, se profile alors. Câest Ă©galement sous le signe de celui dont le nom signifie Tout » quâest placĂ©e la rencontre avec AntinoĂŒs lâĂ©raste remarque pour la premiĂšre fois lâĂ©romĂšne lors dâune rĂ©union qui se dĂ©roule au bord dâune source consacrĂ©e Ă Pan » p. 169. En compagnie de son favori, Hadrien sâadonne aux plaisirs de la musique, et joue - est-ce un hasard ? â de la flĂ»te, instrument associĂ© Ă la figure mythologique de Pan p. 175. On ne sâĂ©tonne guĂšre que, placĂ© sous de tels auspices, le jeune Bythinien ne cesse dâĂȘtre lui-mĂȘme dĂ©peint comme une crĂ©ature mi-humaine mi-animale. Hadrien voit en lui tantĂŽt un beau lĂ©vrier avide de caresses et dâordres » p. 170, tantĂŽt un chevreau mis en prĂ©sence dâun reptile » p. 195, tantĂŽt un jeune faon » p. 194. Si ce rĂ©seau mĂ©taphorique suggĂšre le caractĂšre fragile et sauvage dâAntinoĂŒs, et met en relief lâautoritĂ© quâexerce sur lui Hadrien, il est loin dâĂȘtre le signe de lâincommunicabilitĂ© tragique qui peu Ă peu sĂ©pare les deux hommes. Ces images dâanimalitĂ© sont peut-ĂȘtre au contraire le peu que lâempereur a su saisir de son favori, fidĂšle et dĂ©vouĂ© jusquâĂ sâassimiler lui-mĂȘme, par son suicide, Ă lâun des animaux familiers dâHadrien. Les prĂ©ceptes de la sorciĂšre de Canope, quâAntinoĂŒs respecte Ă la lettre, spĂ©cifient en effet que le sacrifice est dâautant plus efficace que la crĂ©ature immolĂ©e est proche du bĂ©nĂ©ficiaire Autant que possible », rappelle Hadrien, la victime devait mâavoir appartenu ; il ne pouvait sâagir dâun chien, bĂȘte que la superstition Ă©gyptienne croit immonde ; un oiseau eĂ»t convenu » p. 211. AntinoĂŒs fait tout dâabord lâoffrande de son faucon, dont la petite tĂȘte ensommeillĂ©e et sauvage » p. 212 nâest pas sans rappeler le portrait quâHadrien trace du jeune homme. Il choisit ensuite de devenir lui-mĂȘme lâoiseau sacrifiĂ©, et se mĂ©tamorphose ainsi en un nouvel Osiris, dieu noyĂ© et pĂšre dâHorus, divinitĂ© solaire Ă tĂȘte de faucon. Dans le regard dâHadrien, dans le geste dâAntinoĂŒs, dans lâĂ©criture de Marguerite Yourcenar, lâanimal, lâhomme et le dieu parfois se confondent, unissant lâindividuel et lâuniversel. Vers un savoir universel 101Homme de la Renaissance avant lâheure, maĂźtre dâun monde mais aussi explorateur dâun monde plus vaste encore au regard duquel il questionne ses propres limites, Hadrien ressemble Ă lâAdam Ă©voquĂ© par Pic de la Mirandole dans un extrait de lâOratio de hominis dignitate placĂ© par Marguerite Yourcenar en Ă©pigraphe de LâĆuvre au noir 47 LâĆuvre au noir, op. cit., p. 10. Je ne tâai donnĂ© ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ĂŽ Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquiĂšres et les possĂšdes par toi-mĂȘme. Nature enferme dâautres espĂšces en des lois par moi Ă©tablies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je tâai placĂ©, tu te dĂ©finis toi-mĂȘme. Je tâai placĂ© au milieu de ce monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne tâai fait ni cĂ©leste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que toi-mĂȘme, librement, Ă la façon dâun bon peintre ou dâun sculpteur habile, tu achĂšves ta propre forme47. 48 De toutes choses connaissables », devise de Pic de la Mirandole. 102Amant passionnĂ© des statues, Hadrien se sculpte lui-mĂȘme par la Disciplina augusta » et la Patientia », mais Ă©galement par la contemplation et la connaissance, qui lui permettent dâamalgamer Ă sa propre substance lâinfinie diversitĂ© du monde. Humain aussi par ses faiblesses, lâHadrien yourcenarien ne prĂ©tend pas pouvoir tĂ©moigner de omni re scibili48 » ; Ă travers lui, Marguerite Yourcenar soulĂšve nĂ©anmoins la question de la possibilitĂ© mĂȘme dâun savoir qui tendrait vers lâuniversel. Libido sciendi... 103Les MĂ©moires dâHadrien peuvent se lire comme la biographie dâun homme Ă©rudit recomposĂ©e par une femme qui ne lâest pas moins ; ils constituent donc, pour le lecteur, le mode dâaccĂšs au savoir dâun ĂȘtre et de son temps, en mĂȘme temps quâune source dâinformations sur cet ĂȘtre et ce temps. Rien de documentaire pourtant dans lâĆuvre de Marguerite Yourcenar le savoir y vaut moins pour lui-mĂȘme que pour les rĂ©flexions quâil suscite. 49 Voir Beatrice Ness, Mystification et crĂ©ativitĂ© dans lâĆuvre romanesque de Marguerite Yourcenar, ... 104Lâexistence mĂȘme de MĂ©moires dâHadrien est le fruit dâun savoir livresque dont la Note finale permet de saisir lâampleur et la profondeur rien de ce qui touche, de prĂšs ou de loin, Ă Hadrien nâa semble-t-il Ă©chappĂ© Ă Marguerite Yourcenar, qui Ă©numĂšre minutieusement ses sources, et justifie jusquâaux moindres dĂ©tails de son Ćuvre, expliquant par exemple que le nom dâArĂ©tĂ©, bien quâ arbitrairement [...] donnĂ© Ă lâintendante de le Villa », provient dâun poĂšme authentique dâHadrien » p. 351. Câest de lâauthenticitĂ© de sa reconstitution » que lâauteur tĂ©moigne en dĂ©voilant lâimmense travail dâĂ©rudition qui sous-tend le rĂ©cit, persuadĂ©e que sa valeur humaine est [...] singuliĂšrement augmentĂ©e par la fidĂ©litĂ© aux faits » p. 350. Le savoir, et lâaccĂšs Ă la vĂ©ridicitĂ© qui en Ă©mane, seraient donc des valeurs » humaines et littĂ©raires donnant au rĂ©cit son poids, Ă lâĂ©criture son prix, et Ă lâauteur sa raison dâĂȘtre elle a le sentiment dâappartenir Ă une espĂšce de Gens Ălia, de faire partie de la foule des secrĂ©taires du grand homme, de participer Ă cette relĂšve de la garde impĂ©riale que montent les humanistes et les poĂštes se relayant autour dâun grand souvenir » p. 344. Cependant Marguerite Yourcenar sâattache Ă gommer autant que possible de son Ćuvre les traces de ce savoir la Note est un texte tardif, qui ne lui a pas toujours paru indispensable aux MĂ©moires dâHadrien et dont elle remet en cause lâutilitĂ©, alors mĂȘme quâelle la publie Une reconstitution du genre de celle quâon vient de lire [...] touche par certains cĂŽtĂ©s au roman et par dâautres Ă la poĂ©sie ; elle pourrait donc se passer de piĂšces justificatives » p. 351. InterrogĂ©e sur ses mĂ©thodes de travail par Matthieu Galey, elle nie avoir effectuĂ© des recherches systĂ©matiques en bibliothĂšque, et met en avant un long et profond processus dâimprĂ©gnation, qui nâa pas nĂ©cessairement Ă©tĂ© menĂ© en vue de la rĂ©daction des MĂ©moires dâHadrien YO, p. 139-140 la passion de connaĂźtre est bien lĂ , mais non le dĂ©sir de savoir dans un but purement utilitaire. Dans le rĂ©cit lui-mĂȘme enfin, tout ce qui pourrait rappeler au lecteur le sous-bassement Ă©rudit de lâĆuvre disparaĂźt lâĂ©tude gĂ©nĂ©tique du roman49 rĂ©vĂšle que Marguerite Yourcenar, en mĂȘme temps quâelle corrigeait ce que son lexique pouvait avoir de trop actuel, a supprimĂ© des fragments de texte consacrĂ©s Ă la description des mĆurs romaines. 105Cette volontĂ© de fondre dans le creuset du livre la somme de connaissances qui entre dans sa composition relĂšve dâabord dâun souci de vraisemblance. Ce qui nâest accessible Ă lâĂ©crivain ou au lecteur du XXe siĂšcle que grĂące Ă des fouilles presque archĂ©ologiques dans dâĂ©paisses strates de tĂ©moignages et de documents est familier Ă Hadrien et Ă son correspondant rien ne justifierait donc que lâĂ©pistolier sâattarde longuement sur les realia du monde romain, moins encore quâil sâattache Ă les expliquer. Mais la dĂ©fiance que lâon perçoit chez Marguerite Yourcenar Ă lâĂ©gard du substrat savant quâelle considĂšre pourtant comme indispensable Ă son Ă©criture a Ă©galement des raisons plus profondes, dont la lettre dâHadrien se fait lâĂ©cho. Apprendre tout ne suffit pas Ă tout savoir, telle semble ĂȘtre la conviction partagĂ©e par lâauteur et son personnage. Avant dâentreprendre le rĂ©cit de son existence, Hadrien examine en effet les moyens de connaissance qui sâoffrent Ă lui pour parler au plus juste, et les dĂ©clare tous imparfaits Comme tout le monde, je nâai Ă mon service que trois moyens dâĂ©valuer lâexistence humaine lâĂ©tude de soi, la plus difficile et la plus dangereuse, mais aussi la plus fĂ©conde des mĂ©thodes ; lâobservation des hommes, qui sâarrangent le plus souvent pour nous cacher leurs secrets ou pour nous faire croire quâils en ont ; les livres, avec les erreurs particuliĂšres de perspectives qui naissent entre leurs lignes. p. 30 106Sâil dĂ©clare prĂ©fĂ©rer la connaissance par les livres Ă lâobservation directe des hommes », mĂ©thode moins complĂšte encore » p. 31, il juge lacunaire par nature le savoir livresque, qui ne fait sens quâau regard de lâexpĂ©rience la vie [lui] a Ă©clairci les livres » p. 30, et ses rĂ©serves rejoignent et explicitent tout Ă la fois lâattitude prudente de Marguerite Yourcenar Ă lâĂ©gard de ses sources. Selon Hadrien, lâĂ©crit, transmutation du rĂ©el, nâen retient quâun reflet fragmentaire ou Ă©purĂ©, câest-Ă -dire nĂ©cessairement faussĂ©, gauchi Je mâaccommoderais fort mal dâun monde sans livres, mais la rĂ©alitĂ© nâest pas lĂ , parce quâelle nây tient pas tout entiĂšre », rĂ©sume-t-il p. 31. 50 Les philosophes font subir Ă la rĂ©alitĂ©, pour pouvoir lâĂ©tudier pure, Ă peu prĂšs les mĂȘmes trans ... 107Livre bĂąti avec et sur des livres, les MĂ©moires dâHadrien disent la passion de lire, le caractĂšre indispensable de la lecture, les pouvoirs du livre, et notamment de la fiction Ă propos des contes, Hadrien admet bien que ces derniers soient rĂ©putĂ©s frivoles, je leur dois peut-ĂȘtre plus dâinformations que je nâen ai recueilli dans les situations assez variĂ©es de ma propre vie » p. 30. Marguerite Yourcenar, et Hadrien plus encore, qui vit Ă une Ă©poque oĂč une culture exhaustive est encore possible, semblent avoir lu tous les livres » Jâai lu Ă peu prĂšs tout ce que nos historiens, nos poĂštes, et mĂȘme nos conteurs ont Ă©crit », affirme lâempereur ibid. Ils y puisent un savoir immense, mais aussi la conscience aiguĂ« de ce qui leur Ă©chappe les livres, lieu de naissance de lâHadrien pensant qui a pu y port[er] pour la premiĂšre fois un coup dâĆil intelligent sur soi-mĂȘme » p. 43, ne suffisent cependant pas Ă lui expliquer sa propre vie. De mĂȘme, pour Marguerite Yourcenar recomposant lâhomme quâil a Ă©tĂ©, Hadrien nâest pas, ou nâest plus, ou nâest pas tout entier dans les livres qui le dĂ©peignent, ni mĂȘme dans les textes quâil a Ă©crit. Est-il davantage dans MĂ©moires dâHadrien ? Le roman peut-il autre chose quâapprocher la vĂ©ritĂ© dâun ĂȘtre tout en suggĂ©rant honnĂȘtement, sinon sa propre vanitĂ©, du moins ses limites ? Les impressions Ă©prouvĂ©es par le lecteur et par lâauteur elle-mĂȘme au cours de son travail laissent Ă penser que oui. Hadrien parle Hadrien pouvait parler de sa vie plus fermement et plus subtilement que moi », disent les Carnets de notes, p. 330, il ment, parfois Ă de certains moments, dâailleurs peu nombreux, il mâest mĂȘme arrivĂ© de sentir que lâempereur mentait. Il fallait alors le laisser mentir, comme nous tous », p. 341 et, parce quâil ment, sâaffranchit ce cette rĂ©alitĂ© pure mais atomisĂ©e des philosophes que lui-mĂȘme rĂ©cuse50 le temps dâune lecture, Hadrien existe, parce quâĂ lâamour du savoir et de la sagesse se mĂȘlent, dans lâĂ©criture de Marguerite Yourcenar, dâautres amours. ... et magie sympathique » 108La connaissance, et en particulier la connaissance de lâautre ses contemporains pour Hadrien, et Hadrien lui-mĂȘme pour Marguerite Yourcenar, ne relĂšve en effet pas exclusivement de la saisie intellectuelle. Elle peut aussi ĂȘtre le fruit dâune rencontre plus intuitive, presque dâordre mystique. Ă seize ans, Hadrien apprend du mĂ©decin LĂ©otichyde, esprit positif et adepte dâune mĂ©thode empirique Ă prĂ©fĂ©rer les choses aux mots » p. 47. Câest pourtant bien grĂące aux mots, et plus prĂ©cisĂ©ment grĂące Ă la rhĂ©torique, quâil a dĂ©couvert peu auparavant la facultĂ© de devenir autre par un effort de lâesprit Quant aux exercices de rhĂ©torique oĂč nous Ă©tions successivement XerxĂšs et ThĂ©mistocle, Octave et Marc-Antoine, ils mâenivrĂšrent ; je me sentis ProtĂ©e. Il mâapprirent Ă entrer tour Ă tour dans la pensĂ©e de chaque homme, Ă comprendre que chacun dĂ©cide, vit et meurt selon ses propres lois. p. 44 51 Edith Marcq, Lâempathie ou une maniĂšre dâĂ©criture yourcenarienne », dans Marguerite Yourcenar, Ă© ... 109Lâivresse Ă la fois naĂŻve et profonde de lâĂ©tudiant grec » nâest pas sans lien avec les rituels dâĂ©criture mis en place par Marguerite Yourcenar elle-mĂȘme, que les mots mĂšnent aux choses et aux ĂȘtres. La connaissance Ă©rudite et aussi exhaustive que possible de son sujet lui offre en effet la possibilitĂ© dâune intimitĂ© vĂ©ritable avec les ĂȘtres quâelle Ă©voque comme on Ă©voque un esprit. Les Carnets de notes dĂ©crivent une mĂ©thode dans laquelle savoir et sensation sont indissociables, et qui conduit Ă un contact, Ă une communication, voire Ă une communion avec ce qui Ă©chappe Ă lâintellect Un pied dans lâĂ©rudition, lâautre dans la magie, ou plus exactement, et sans mĂ©taphore, dans cette magie sympathique qui consiste Ă se transporter en pensĂ©e Ă lâintĂ©rieur de quelquâun » p. 330. Pour que les MĂ©moires dâHadrien dĂ©passent lâaporie des livres oĂč la rĂ©alitĂ© nâentre pas tout entiĂšre », il ne suffit pas de tout savoir de lâempereur lâauteur Ă©prouve Ă©galement le besoin de sentir avec lui, de sentir en lui ce quâil a Ă©tĂ©. La sympathie est alors Ă entendre dans son sens le plus courant comme dans son sens Ă©tymologique la magie » sans doute, ne saurait opĂ©rer sans certaines affinitĂ©s Ă©lectives qui unissent la crĂ©atrice et son personnage, mais elle consiste Ă participer Ă ses joies, Ă ses peines, Ă ses passions, Ă Ă©prouver les propres lois » de lâautre, Ă un tel degrĂ© que lâon a pu qualifier dâempathique lâĂ©criture yourcenarienne51. 110Et peut-ĂȘtre est-ce par ce goĂ»t et cette facultĂ© de se fondre en lâautre que Marguerite Yourcenar rejoint le plus Ă©troitement le personnage quâelle rĂ©invente. Il sâagit lĂ en effet de lâune des prĂ©occupations constantes dâHadrien tel quâelle le reprĂ©sente, tel quâelle dit lâavoir entendu. Tout au long de son existence, il semble chercher Ă retrouver lâĂ©blouissement causĂ© par les exercices de rhĂ©torique qui avaient ressuscitĂ© en lui dâillustres disparus. Mais le prodige, alors, sâĂ©tend aux vivants comme aux morts, aux intimes comme aux inconnus, et potentiellement Ă tout ĂȘtre. Lorsquâil sâagit dâAntinoĂŒs, ces tentatives achoppent les marbres les plus criants de ressemblance ne peuvent redonner vie au dĂ©funt, les efforts les plus douloureux pour retrouver ses ultimes sensations ne peuvent permettre Ă lâendeuillĂ© de vivre sa mort Je reconstituais le flĂ©chissement de la passerelle sous les pas pressĂ©s, la berge aride, le dallage plat ; le couteau qui scie une boucle au bord de la tempe ; le corps inclinĂ© ; la jambe qui se replie pour permettre Ă la main de dĂ©nouer la sandale ; une maniĂšre unique dâĂ©carter les lĂšvres en fermant les yeux. Il avait fallu au bon nageur une rĂ©solution dĂ©sespĂ©rĂ©e pour Ă©touffer dans cette boue noire. lâessayai dâaller en pensĂ©e jusquâĂ cette rĂ©volution par oĂč nous passerons tous, le coeur qui renonce, le cerveau qui sâenraye, les poumons qui cessent dâaspirer la vie. Je subirai un bouleversement analogue. Mais chaque agonie est diffĂ©rente ; mes efforts pour imaginer la sienne nâaboutissaient quâĂ une fabrication sans valeur il Ă©tait mort seul. p. 223-224 111Le caractĂšre ineffable et incomprĂ©hensible de chaque mort nâest cependant peut-ĂȘtre pas le vĂ©ritable obstacle Ă cette tentative de souffrir le trĂ©pas dâun autre. Marguerite Yourcenar dit sây ĂȘtre essayĂ©e, et semble-t-il avec plus de succĂšs, puisque lâexpĂ©rience de la mort revĂ©cue dâHadrien a donnĂ© naissance aux derniĂšres pages du livre Le 26 dĂ©cembre 1950, par un soir glacĂ©, au bord de lâAtlantique, dans le silence presque polaire de lâĂle des Monts DĂ©serts, aux Ătats-Unis, jâai essayĂ© de revivre la chaleur, la suffocation dâun jour de juillet 138 Ă BaĂŻes, le poids du drap sur les jambes lourdes et lasses, le bruit presque imperceptible de cette mer sans marĂ©es arrivant çà et lĂ Ă un homme occupĂ© des rumeurs de sa propre agonie. Jâai essayĂ© dâaller jusquâĂ la derniĂšre gorgĂ©e dâeau, le dernier malaise, la derniĂšre image. Lâempereur nâa plus quâĂ mourir. p. 342-343 112Si Hadrien ne peut faire lâexpĂ©rience des derniers instants dâAntinoĂŒs, câest plus vraisemblablement parce que la solitude extrĂȘme, par essence, ne se partage pas rejoindre le jeune homme, sympathiser avec lui dans son suicide impliquerait quâil cesse dâĂȘtre lui-mĂȘme, et Hadrien se montre attentif Ă ne pas dĂ©naturer le dernier acte de son amant, dĂ»t-il pour cela renoncer Ă le comprendre En prenant sur moi toute la faute, je rĂ©duis cette jeune figure aux proportions dâune statuette de cire que jâaurais pĂ©trie, puis Ă©crasĂ©e entre mes mains. Je nâai pas le droit de dĂ©prĂ©cier le singulier chef-dâĆuvre de son dĂ©part ; je dois laisser Ă cet enfant le mĂ©rite de sa propre mort » p. 189. 113Hors de cet extrĂȘme, tout paraĂźt avoir Ă©tĂ© accessible aux facultĂ©s sympathiques dâHadrien. Sans doute mĂȘme a-t-il vu parfois la figure opaque dâAntinoĂŒs sâĂ©clairer pour lui grĂące Ă la communion sensuelle dans laquelle il trouve le plus sĂ»r moyen de connaĂźtre vĂ©ritablement lâautre Jâai rĂȘvĂ© parfois dâĂ©laborer un systĂšme de connaissance humaine basĂ© sur lâĂ©rotique, une thĂ©orie du contact, oĂč le mystĂšre et la dignitĂ© dâautrui consisteraient prĂ©cisĂ©ment Ă offrir au Moi ce point dâappui dâun autre Monde. La voluptĂ© serait dans cette philosophie une forme plus complĂšte, mais aussi plus spĂ©cialisĂ©e, de cette approche de lâAutre, une technique de plus mise au service de la connaissance de ce qui nâest pas nous. Dans les rencontres les moins sensuelles, câest encore dans le contact que lâĂ©motion sâachĂšve ou prend naissance [...]. Avec la plupart des ĂȘtres, les plus superficiels de ces contacts suffisent Ă notre envie, ou mĂȘme lâexcĂšdent dĂ©jĂ . Quâils insistent, se multiplient autour dâune crĂ©ature unique jusquâĂ la cerner tout entiĂšre ; que chaque parcelle dâun corps se charge pour nous dâautant de significations bouleversantes que les traits dâun visage ; quâun seul ĂȘtre, au lieu de nous inspirer tout au plus de lâirritation, ou du plaisir, ou de lâennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problĂšme ; quâil passe de la pĂ©riphĂ©rie de notre univers Ă son centre, nous devienne plus indispensable que nous-mĂȘmes, et lâĂ©tonnant prodige a lieu, oĂč je vois bien davantage un envahissement de la chair par lâesprit quâun simple jeu de la chair. p. 22-23 114Sous les espĂšces du prodige et du jeu sĂ©rieux oĂč tout lâĂȘtre sâengage, câest bien dâun rituel magique que le narrateur construit ici la thĂ©orie, et il ne diffĂšre somme toute guĂšre des pratiques apotropaĂŻques de la sorciĂšre de Canope. De mĂȘme que le sacrifice dâune crĂ©ature protĂšge son propriĂ©taire selon une logique de contiguĂŻtĂ©, le contact avec un corps permet dâatteindre lâesprit quâil recĂšle. Une fois de plus, les mĂ©ditations du personnages viennent redoubler les expĂ©riences qui ont prĂ©sidĂ© Ă sa crĂ©ation, car Marguerite Yourcenar a elle aussi vĂ©cu des rencontres spirituelles suscitĂ©es par un contact physique. LâĂ©motion avec laquelle elle dĂ©crit, dans les Carnets de notes, un profil dâAntinoĂŒs ciselĂ© dans une sardoine laisse deviner les vertus quâelle accorde Ă cet objet ; la pierre lui permet de rejoindre, non pas lâĂ©phĂšbe dont elle garde lâimage, ni mĂȘme lâartiste qui lâa finement sculptĂ©e, mais lâhomme qui lâa tenue entre ses mains Le second de ces chefs-dâĆuvre est lâillustre sardoine qui porte le nom de Gemme Marlborough, parce quâelle appartient Ă cette collection aujourdâhui dispersĂ©e ; cette belle intaille semblait Ă©garĂ©e ou rentrĂ©e sous terre depuis plus de trente ans. Une vente publique lâa remise en lumiĂšre en janvier 1952 ; le goĂ»t Ă©clairĂ© du grand collectionneur Giorgio Sangiorgi lâa ramenĂ©e Ă Rome. Jâai dĂ» Ă la bienveillance de ce dernier de voir et de toucher cette piĂšce unique. [...] De tous les objets encore prĂ©sents aujourdâhui Ă la surface de la terre, câest le seul dont on puisse prĂ©sumer avec quelque certitude quâil a souvent Ă©tĂ© tenu entre les mains dâHadrien. p. 338 115Le puissant rituel du contact nâest toutefois pas toujours nĂ©cessaire pour quâopĂšre la magie de la rencontre sympathique. Une alchimie immĂ©diate, au-delĂ des gestes et des mots, permet ainsi la comprĂ©hension parfaite et rĂ©ciproque dâHadrien et de Plotine LâintimitĂ© des corps, qui nâexista jamais entre nous, a Ă©tĂ© compensĂ©e par ce contact de deux esprits Ă©troitement mĂȘlĂ©s lâun Ă lâautre. Notre entente se passa dâaveux, dâexplications, ou de rĂ©ticences les faits eux-mĂȘmes suffisaient », se souvient lâempereur p. 96. Aussi le miracle dâune communion poursuivie au-delĂ de la mort peut-il advenir la mort changeait peu de chose Ă cette intimitĂ© qui depuis des annĂ©es se passait de prĂ©sence ; lâimpĂ©ratrice restait ce quâelle avait Ă©tĂ© pour moi un esprit, une pensĂ©e Ă laquelle sâĂ©tait mariĂ©e la mienne » p. 182. Et lâon se plaĂźt Ă imaginer que Marguerite Yourcenar, nouvelle Plotine, nâavait pas mĂȘme besoin dâune gemme passĂ©e entre les mains de son personnage pour marier sa pensĂ©e Ă la sienne. Ă travers lui, elle accĂšde Ă©galement Ă la connaissance de chaque ĂȘtre, puisquâHadrien affirme y ĂȘtre parvenu par la mĂ©moire des gestes et des sensations auxquels la maladie lâa contraint de renoncer Ainsi, de chaque art pratiquĂ© en son temps, je tire une connaissance qui me dĂ©dommage en partie des plaisirs perdus. Jâai cru, et dans mes bons moments je crois encore, quâil serait possible de la sorte de partager lâexistence de tous, et cette sympathie serait lâune des espĂšces les moins rĂ©vocables de lâimmortalitĂ©. p. 15 116 Lâune des espĂšces [...] de lâimmortalitĂ© », et non la seule, Ă©crit Hadrien. Le livre en est une autre. En immortalisant par lâĂ©criture un ĂȘtre auquel elle donne la conscience dâavoir Ă©tĂ© reliĂ© Ă tout et tous, Marguerite Yourcenar prolonge la grande chaĂźne des sympathies et offre Ă ses lecteurs de sây rattacher. Vecteur dâun autre contact magique, un petit volume de papier imprimĂ©, parce quâil peut ĂȘtre multipliĂ© presque Ă lâinfini, sâavĂšre un talisman plus puissant encore que lâunique et sublime sardoine oĂč se lit le profil dâun adolescent grec.
Voustrouverez dans cet article, un rĂ©sumĂ© sur la question. Voici ce que je vous conseille. Commencez tout travail spirituel par une relaxation profonde. Câest une Ă©tape trĂšs importante Ă ne pas nĂ©gliger qui est nĂ©cessaire pour accĂ©der Ă votre subconscient. Parmi les maniĂšres de se relaxer profondĂ©ment, câest la respiration profonde. Inspirez profondĂ©ment,
Dans la mythologie Ă©gyptienne, dieu du Ciel, de la LumiĂšre et de la BontĂ©. Horus Ă©tait le fils dâIsis, dĂ©esse de la Nature et dâOsiris, dieu du Monde souterrain. Sommaire PrĂ©sentation Iconographie Un dieu complexe Mythe archaĂŻque Origines de lâĂtat pharaonique Dieu dynastique Horus dans le mythe osirien Horus contre Seth Bibliographie Horus de lâĂ©gyptien Hor / Horou est lâune des plus anciennes divinitĂ©s Ă©gyptiennes. Les reprĂ©sentations les plus communes le dĂ©peignent comme un faucon couronnĂ© du pschent ou comme un homme hiĂ©racocĂ©phale. Son nom signifie le Lointain » en rĂ©fĂ©rence au vol majestueux du rapace. Son culte remonte Ă la prĂ©histoire Ă©gyptienne. La plus ancienne citĂ© Ă sâĂȘtre placĂ©e sous son patronage semble ĂȘtre Nekhen, la Ville du Faucon » HiĂ©rakonpolis. DĂšs les origines, Horus se trouve Ă©troitement associĂ© Ă la monarchie pharaonique en tant que dieu protecteur et dynastique. Les Suivants dâHorus sont ainsi les premiers souverains Ă sâĂȘtre placĂ©s sous son obĂ©dience. Aux dĂ©buts de lâĂ©poque historique, le faucon sacrĂ© figure sur la palette du roi Narmer et, dĂšs lors, sera constamment associĂ© au pouvoir royal. Dans le mythe le plus archaĂŻque, Horus forme avec Seth un binĂŽme divin caractĂ©risĂ© par la rivalitĂ©, chacun blessant lâautre. De cet affrontement est issu Thot, le dieu lunaire, considĂ©rĂ© comme leur fils commun. Vers la fin de lâAncien Empire, ce mythe est rĂ©interprĂ©tĂ© par les prĂȘtres dâHĂ©liopolis en intĂ©grant le personnage dâOsiris, lâarchĂ©type du pharaon dĂ©funt divinisĂ©. Cette nouvelle thĂ©ologie marque lâapparition du mythe osirien oĂč Horus est prĂ©sentĂ© comme le fils posthume dâOsiris nĂ© des Ćuvres magiques dâIsis, sa mĂšre. Dans ce cadre, Horus joue un rĂŽle majeur. En tant que fils attentionnĂ©, il combat son oncle Seth, le meurtrier de son pĂšre, le dĂ©fait et le capture. Seth humiliĂ©, Horus est couronnĂ© pharaon dâĂgypte et son pĂšre intronisĂ© roi de lâau-delĂ . Cependant, avant de pouvoir combattre vigoureusement son oncle, Horus nâest quâun ĂȘtre chĂ©tif. En tant que dieu-enfant Harpocrate, Horus est lâarchĂ©type du bambin soumis Ă tous les dangers de la vie. FrĂŽlant la mort Ă plusieurs reprises, il est aussi lâenfant qui, toujours, surmonte les difficultĂ©s de lâexistence. Ă ce titre, il est un dieu guĂ©risseur et sauveur trĂšs efficace contre les forces hostiles. Outre ses traits dynastiques et royaux, Horus est une divinitĂ© cosmique, un ĂȘtre fabuleux dont les deux yeux sont le Soleil et la Lune. LâĆil gauche dâHorus, ou Ćil oudjat, est un puissant symbole associĂ© aux offrandes funĂ©raires, Ă Thot, Ă la Lune et Ă ses phases. Cet Ćil, blessĂ© par Seth et guĂ©ri par Thot, est lâastre nocturne qui constamment disparaĂźt et rĂ©apparaĂźt dans le ciel. Sans cesse rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e, la lune est lâespoir pour tous les dĂ©funts Ă©gyptiens dâune possible renaissance. Sous ses multiples aspects, Horus est vĂ©nĂ©rĂ© dans toutes les rĂ©gions Ă©gyptiennes. Ă Edfou, un des plus beaux temples ptolĂ©maĂŻques, le dieu reçoit la visite annuelle de la statue de la dĂ©esse Hathor de DendĂ©rah et forme, avec Harsomtous, une triade divine. Ă KĂŽm Ombo, Horus lâAncien est associĂ© Ă Sobek, le dieu crocodile. Fort de cette renommĂ©e, le culte dâHorus sâest exportĂ© hors dâĂgypte, plus particuliĂšrement en Nubie. Ă partir de la Basse Ă©poque, grĂące aux cultes isiaques, la figure dâHarpocrate sâest largement popularisĂ©e Ă travers tout le bassin mĂ©diterranĂ©en sous influence hellĂ©nistique puis romaine. PrĂ©sentationDieu faucon Horus est lâune des plus anciennes divinitĂ©s Ă©gyptiennes. Ses origines se perdent dans les brumes de la prĂ©histoire africaine. Ă lâinstar des autres principales dĂ©itĂ©s du panthĂ©on Ă©gyptien, il est prĂ©sent dans lâiconographie dĂšs le quatriĂšme millĂ©naire avant notre Ăšre. La dĂ©nomination contemporaine dâHorus est issue du thĂ©onyme grec áœŻÏÎż HĆros Ă©laborĂ© au cours du premier millĂ©naire avant notre Ăšre au moment de la rencontre des cultures Ă©gyptienne et grecque. Ce thĂ©onyme est lui-mĂȘme issu de lâĂ©gyptien ancien Hor qui Ă©tymologiquement signifie le lointain », le supĂ©rieur ». LâĂ©criture hiĂ©roglyphique ne restituant pas les voyelles, lâexacte prononciation Ă©gyptienne nâest plus connue, probablement Horou ou HĂąrou. Dans la langue proto-Ă©gyptienne, Horus devait dĂ©signer le faucon dâoĂč son idĂ©ogramme. DĂšs la pĂ©riode protodynastique aux alentours de 3300 avant notre Ăšre, le hiĂ©roglyphe du faucon Hor dĂ©signe aussi le souverain, quâil soit en exercice ou dĂ©funt, et peut mĂȘme Ă©quivaloir au mot netjer, dieu », avec toutefois une connotation de souverainetĂ©. Dans les Textes des pyramides, lâexpression Hor em iakhou, Horus dans le rayonnement », dĂ©signe ainsi le roi dĂ©funt, devenu un dieu parmi les dieux Ă son entrĂ©e dans lâau-delĂ . En Ăgypte antique, plusieurs espĂšces de faucons ont coexistĂ©. Les reprĂ©sentations de lâoiseau dâHorus Ă©tant le plus souvent trĂšs stylisĂ©es, il est assez difficile de lâidentifier formellement Ă une espĂšce en particulier. Il semble toutefois que lâon puisse y voir une image du faucon pĂšlerin Falco peregrinus. Ce rapace de taille moyenne et au cri perçant est rĂ©putĂ© pour sa rapiditĂ© en piquĂ© lorsque, du haut du ciel, il fond sur ses petites proies terrestres. Ce faucon prĂ©sente aussi la particularitĂ© dâavoir des plumes sombres sous les yeux la moustache » selon les ornithologues qui dessinent une sorte de croissant. Cette marque distinctive nâest pas sans rappeler le graphisme de lâĆil oudjat associĂ© Ă Horus et aux autres dieux HiĂ©racocĂ©phales. Iconographie La divinitĂ© dâHorus se manifeste dans lâiconographie de multiples façons. Dans la plupart des cas, il est reprĂ©sentĂ© comme un faucon, comme un homme Ă tĂȘte de faucon ou, pour Ă©voquer sa jeunesse, comme un jeune enfant nu et chauve. La forme animale est la plus ancienne. JusquâĂ la fin de la pĂ©riode protodynastique, les animaux, dont le faucon, apparaissent comme Ă©tant bien plus efficaces et bien supĂ©rieurs aux hommes. De ce fait, les puissances divines sont alors exclusivement figurĂ©es sous une forme animale. Le faucon et son majestueux vol planant dans le ciel ont Ă©tĂ© manifestement interprĂ©tĂ©s comme la marque ou le symbole du Soleil, son nom le Lointain » faisant rĂ©fĂ©rence Ă lâastre diurne. Vers la fin de la Ire dynastie, aux alentours de -2800, en parallĂšle au dĂ©veloppement de la civilisation Ă©gyptienne diffusion de lâagriculture, de lâirrigation et de lâurbanisme, la mentalitĂ© religieuse sâinflĂ©chit et les forces divines commencent Ă sâhumaniser. Ă cette Ă©poque apparaissent les premiers dieux entiĂšrement anthropomorphes et momiformes Min et Ptah. Concernant Horus, durant les deux premiĂšres dynasties, la forme animale reste la rĂšgle. Les premiĂšres formes composites hommes Ă tĂȘte animale font leur apparition Ă la fin de la IIe dynastie et, en lâĂ©tat des connaissances, la plus ancienne reprĂ©sentation connue dâHorus en homme hiĂ©racocĂ©phale date de la IIIe dynastie. Elle figure sur une stĂšle Ă prĂ©sent conservĂ©e au MusĂ©e du Louvren oĂč le dieu est montrĂ© en compagnie du roi Houni-Qahedjet.. Parmi les plus cĂ©lĂšbres reprĂ©sentations figure un fragment dâune statue conservĂ©e au MusĂ©e Ă©gyptien du Caire et montrant KhĂ©phren assis sur son trĂŽne IVe dynastie. Le faucon est debout sur le dossier du siĂšge et ses deux ailes ouvertes enveloppent la nuque royale afin de signifier sa protection. Dans le mĂȘme musĂ©e est conservĂ©e la statue en or de lâHorus de Nekhen. Sa datation est discutĂ©e VIe ou XIIe dynastie . Il ne subsiste plus que la tĂȘte du falconidĂ© coiffĂ©e dâune couronne constituĂ©e de deux hautes plumes stylisĂ©es. Ses yeux en pierre dâobsidienne imitent le regard perçant de lâoiseau vivant. Le MusĂ©e du Louvre prĂ©sente Ă lâentrĂ©e de ses collections Ă©gyptiennes une statue dâHorus dâenviron un mĂštre de haut, datĂ©e de la TroisiĂšme PĂ©riode intermĂ©diaire. Le Metropolitan Museum of Art de New York possĂšde quant Ă lui une statuette oĂč le roi NectanĂ©bo II de la XXXe dynastie, dernier pharaon de lâĂgypte indĂ©pendante, est montrĂ© petit et debout entre les pattes dâun majestueux faucon couronnĂ© du pschent. Un dieu complexe Le panthĂ©on Ă©gyptien compte un grand nombre de dieux faucons ; Sokar, Sopdou, Hemen, Houroun, DĂ©doun, Hormerty. Horus et ses multiples formes occupent toutefois la premiĂšre place. Dieu Ă multiples facettes, les mythes qui le concernent sâenchevĂȘtrent. Il est toutefois possible de distinguer deux aspects principaux une forme juvĂ©nile et une forme adulte. Dans sa pleine puissance guerriĂšre et sa maturitĂ© sexuelle, Horus est Horakhty, le soleil au zĂ©nith. Ă HĂ©liopolis, en tant que tel, il est vĂ©nĂ©rĂ© concurremment avec RĂȘ. Dans les Textes des pyramides, le pharaon dĂ©funt ressuscite sous cette apparence de faucon solaire. Par un syncrĂ©tisme frĂ©quent dans la religion Ă©gyptienne, Horakhty fusionne avec le dĂ©miurge hĂ©liopolitain, sous la forme de RĂȘ-Horakhty. Ă Edfou, il est Horbehedety, le soleil ailĂ© des temps primordiaux. Ă KĂŽm Ombo, il est Horus lâAncien HaroĂ«ris, un dieu cĂ©leste imaginĂ© comme un immense faucon dont les yeux sont le Soleil et la Lune. Quand ces astres sont absents du ciel, cet Horus est dit aveugle. Ă Nekhen HiĂ©rakonpolis, la capitale des tout premiers pharaons, ce faucon cĂ©leste est Hor-Nekheny, dont les aspects guerriers et royaux sont trĂšs prononcĂ©s. Le jeune Horus apparaĂźt lui aussi sous de multiples formes. Dans le mythe osirien, Horus est le fils dâOsiris et dâIsis. Osiris, assassinĂ© par son frĂšre Seth, est ramenĂ© Ă la vie, le temps dâune union charnelle, grĂące aux efforts conjuguĂ©s dâIsis et de Nephtys. Câest de cette union miraculeuse que naĂźt Horus lâEnfant, Harpocrate, aussi dĂ©nommĂ© Harsiesis, Horus fils dâIsis et Hornedjitef Horus qui prend soin de son pĂšre. Sous ce dernier aspect, pour venger la mort de son pĂšre, Horus affronte son oncle Seth. AprĂšs moult pĂ©ripĂ©ties, il gagne le combat et reçoit le trĂŽne dâĂgypte en hĂ©ritage. La vaillance et la fidĂ©litĂ© familiale dâHorus font de ce dieu lâarchĂ©type du pharaon. Cependant, sa lĂ©gitimitĂ© est sans cesse contestĂ©e par Seth. Lors dâun combat qui lâoppose Ă son rival, Horus perd son Ćil gauche, qui est reconstituĂ© par Thot. AppelĂ© Oudjat ou Ćil dâHorus, cet Ćil, que les Ăgyptiens ont portĂ© sur eux sous forme dâamulette, possĂšde des vertus magiques et prophylactiques. Cet Ćil gauche reconstituĂ© morceau par morceau par Thot reprĂ©sente la lune qui jour aprĂšs jour sâaccroĂźt. Ă lâopposĂ© de Seth, qui reprĂ©sente la violence et le chaos, Horus pour sa part incarne lâordre et, tout comme pharaon, il est lâun des garants de lâharmonie universelle ; cependant, il ne faut pas rĂ©duire la thĂ©ologie complexe des Ăgyptiens Ă une conception manichĂ©enne du Bien et du Mal, car, dans un autre mythe, Seth est lâauxiliaire indispensable de RĂȘ dans son combat nocturne contre le serpent Apophis. Bien et mal sont des aspects complĂ©mentaires de la crĂ©ation, tous deux prĂ©sents en toute divinitĂ©. Mythe archaĂŻque DĂšs les origines de lâĂtat pharaonique, Horus est la divinitĂ© protectrice de la monarchie. Le dieu faucon, plus particuliĂšrement celui adorĂ© Ă Nekhen, est la puissance Ă laquelle Pharaon sâidentifie en se voyant comme son successeur et son hĂ©ritier. Avant mĂȘme la crĂ©ation du mythe osirien, le combat dâHorus et Seth est Ă la base de lâidĂ©ologie royale. La rĂ©conciliation des deux divinitĂ©s rivales en la personne du roi en exercice est lourde de signification et transparaĂźt notamment lors des cĂ©rĂ©monies dâinvestiture. Origines de lâĂtat pharaoniquePouvoir pharaonique Le pouvoir pharaonique apparaĂźt vers 3300 avant notre Ăšre, ce qui fait de lâĂgypte antique le premier Ătat connu au monde. Sa durĂ©e couvre plus de trente-cinq siĂšcles et, durant toute cette pĂ©riode, le faucon Horus est le dieu protecteur des pharaons. Depuis lâhistorien ManĂ©thon, un Ăgyptien hellĂ©nisĂ© au service de PtolĂ©mĂ©e II, la chronologie des rĂšgnes est dĂ©coupĂ©e en trente dynasties, des origines jusquâĂ la conquĂȘte du pays par Alexandre le Grand en -322. Le premier nom de cette liste royale est celui du pharaon MĂ©nĂšs, Celui qui fonde » ou Celui qui Ă©tablit lâĂtat ». LâidentitĂ© de ce personnage reste problĂ©matique ; il sâagit soit dâun personnage mythique, soit dâun souverain rĂ©el, Narmer ou Aha selon les propositions communĂ©ment avancĂ©es. LâĂ©mergence dâune autoritĂ© unique sur le territoire Ă©gyptien rĂ©sulte de multiples facteurs gĂ©ographie, Ă©conomie, politique, etc.. Les dĂ©tails de ce processus dâunification restent encore nĂ©buleux. Il sâest peut-ĂȘtre dâabord produit une agrĂ©gation des populations dans le sud de la vallĂ©e du Nil, en Haute-Ăgypte autour de deux ou plusieurs chefs puis dâun seul victoire de la ville de Nekhen sur Noubt. Puis, soumission de la Basse-Ăgypte par MĂ©nĂšs et ses successeurs. DĂšs les origines, le mythe de la victoire dâHorus le faucon sur Seth, la crĂ©ature du dĂ©sert, sert Ă symboliser le pouvoir du pharaon. Les actions royales, quâelles soient guerriĂšres ou pacifiques, sâinscrivent dans des rituels politico-religieux oĂč le roi, considĂ©rĂ© comme le successeur dâHorus, est capable dâinfluer sur les cycles naturels crue du Nil, courses du soleil et de la lune afin de satisfaire aux besoins matĂ©riels de ses sujets. La Palette de Narmer inaugure une scĂšne rituelle qui perdure jusquâĂ la fin de la civilisation Ă©gyptienne le massacre des ennemis, dont la tĂȘte est fracassĂ©e par une massue vigoureusement brandie par Pharaon. Sur la palette, Narmer debout et coiffĂ© de la couronne blanche assomme un ennemi agenouillĂ© quâil maintient immobile en lâempoignant par les cheveux. Au-dessus de la victime, la prĂ©sence et lâapprobation dâHorus se manifestent sous la forme dâun faucon qui maintient enchaĂźnĂ© un fourrĂ© de papyrus muni dâune tĂȘte, symbole probable de la victoire du Sud sur le Nord. Suivants dâHorus DâaprĂšs les fouilles archĂ©ologiques menĂ©es dans la haute vallĂ©e du Nil, il semble quâaux alentours de -3500, les deux villes dominantes aient Ă©tĂ© Nekhen et Noubt, respectivement patronnĂ©es par Horus et Seth. AprĂšs la victoire de la premiĂšre sur la seconde, les rois de Nekhen ont rĂ©alisĂ© lâunification politique de lâĂgypte. Avant le rĂšgne du pharaon Narmer-MĂ©nĂšs vers -3100, le premier reprĂ©sentant de la Ire dynastie, une douzaine de roitelets se sont succĂ©dĂ© Ă Nekhen dynastie 0. Ces dynastes se sont tous placĂ©s sous la protection du dieu faucon en adoptant un Nom dâHorus » Hor, Ny-Hor, Hat-Hor, Pe-Hor, etc.. Ă des degrĂ©s divers, tous ont jouĂ© un rĂŽle Ă©minent dans la formation du pays. Dans la pensĂ©e religieuse Ă©gyptienne, le souvenir de ces roitelets a perdurĂ© sous lâexpression des Suivants dâHorus ». Dans le Papyrus de Turin, ces Suivants sont magnifiĂ©s et idĂ©alisĂ©s en voyant placĂ©e leur lignĂ©e entre la dynastie de dieux de lâEnnĂ©ade et celles des pharaons humains historiques. Les Textes des pyramides, les plus anciens textes religieux Ă©gyptiens, accordent trĂšs naturellement une place importante au dieu faucon de Nekhen adorĂ© par les Suivants dâHorus. On le trouve dĂ©signĂ© sous diffĂ©rentes expressions Horus de Nekhen », Taureau de Nekhen », Horus du Sud », Horus, seigneur de lâĂ©lite », Horus qui rĂ©side dans la Grande Cour », Horus qui est dans la Grande Cour », etc. Nekhen HiĂ©rakonpolis Connue des Grecs sous le toponyme de HiĂ©rakonpolis, la Ville des Faucons », Nekhen est une trĂšs antique citĂ© aujourdâhui identifiĂ©e aux ruines arasĂ©es du KĂŽm el-Ahmar, la Butte Rouge ». FondĂ©e Ă la PrĂ©histoire, vers la fin du quatriĂšme millĂ©naire, Nekhen est durant la pĂ©riode prĂ©dynastique la capitale de la Haute-Ăgypte. Par la suite, durant la pĂ©riode pharaonique, Nekhen sur la rive gauche du Nil et Nekheb sur la rive droite forment la capitale du IIIe nome de Haute-Ăgypte. DĂšs sa fondation, Nekhen dispose dâune forte enceinte en briques crues large de dix mĂštres qui enserre un espace de sept hectares. DâaprĂšs les secteurs fouillĂ©s, la ville sâorganise en des rues quasi-rectilignes se coupant Ă angle droit. Le centre est occupĂ© par un bĂątiment officiel, sans doute un palais rĂ©sidentiel muni de sa propre enceinte afin de lâisoler du reste de la ville. Le temple dâHorus, souvent remaniĂ©, occupait lâangle sud-ouest mais ses vestiges ne se signalent plus que par une butte artificielle vaguement circulaire. En 1897, deux fouilleurs anglais, James Edward Quibell et Frederick William Green, explorent le site du temple de Nekhen et dĂ©couvrent un trĂ©sor » de piĂšces archĂ©ologiques une tĂȘte de faucon dâor, des objets en ivoire, des vases, des palettes, des Ă©tiquettes commĂ©moratives, des statuettes humaines et animales. Ces reliques de la pĂ©riode prĂ©dynastique, conservĂ©es par les premiers pharaons memphites, ont probablement Ă©tĂ© confiĂ©es, pour prĂ©servation, aux prĂȘtres de lâHorus de Nekhen. Il est tentant dâimaginer que ce don pieux soit lâĆuvre de PĂ©py Ier VIe dynastie, une statue en cuivre grandeur nature le reprĂ©sentant avec son fils MĂ©renrĂȘ ayant Ă©tĂ© dĂ©couverte prĂšs du dĂ©pĂŽt principal. Dieu dynastiqueLes Deux Combattants Dans la mythologie Ă©gyptienne, Horus est surtout connu pour ĂȘtre le fils dâOsiris et le neveu de Seth ainsi que lâassassin de ce dernier. Si les dĂ©itĂ©s Horus et Seth sont trĂšs anciennement attestĂ©es â dĂšs la pĂ©riode prĂ©dynastique â, la figure dâOsiris est apparue bien plus tardivement, au tournant des IVe et Ve dynasties. LâintĂ©gration dâOsiris, au cours du XXVe siĂšcle, dans le mythe dâHorus et Seth est par consĂ©quent le rĂ©sultat dâune reformulation thĂ©ologique qualifiĂ©e par lâĂ©gyptologue français Bernard Mathieu de RĂ©forme osirienne ». Les Textes des pyramides sont les plus anciens Ă©crits religieux disponibles. Ces formules magiques et religieuses apparaissent gravĂ©es sur les murs des chambres funĂ©raires Ă la fin de lâAncien Empire. Leur Ă©laboration est cependant bien plus primitive et certaines strates rĂ©dactionnelles semblent remonter Ă la pĂ©riode thinite Ire et IIe dynasties. LĂ , certains passages mentionnent un conflit entre Horus et Seth sans que nâintervienne la personne dâOsiris. Ces donnĂ©es peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©es comme les traces tĂ©nues dâun mythe archaĂŻque prĂ©-osirien. Plusieurs expressions lient Horus et Seth en un binĂŽme en les appelant les Deux Dieux », les Deux Seigneurs », les Deux Hommes », les Deux Rivaux » ou les Deux Combattants ». Leur mythe nâest pas exposĂ© en un rĂ©cit suivi mais seulement Ă©voquĂ©, çà et lĂ , au moyen dâallusions Ă©parses qui mentionnent quâHorus et Seth se chamaillent et se blessent lâun lâautre ; le premier perdant son Ćil, le second ses testicules15 Horus est tombĂ© Ă cause de son Ćil, Seth a souffert Ă cause de ses testicules. § 594a » Horus est tombĂ© Ă cause de son Ćil, le Taureau a filĂ© Ă cause de ses testicules. § 418a » pour quâHorus se purifie de ce que lui a fait son frĂšre Seth, pour que Seth se purifie de ce que lui a fait son frĂšre Horus § *1944d-*1945a » â Textes des pyramides extraits. Traduction de Bernard Mathieu. Horus ou la victoire sur la confusion En son temps, lâĂ©gyptologue allemand Kurt Sethe a postulĂ© que le mythe du conflit dâHorus et Seth trouve son Ă©laboration dans la rivalitĂ© entre les deux royaumes primitifs rivaux de la Basse et de la Haute-Ăgypte. Cette hypothĂšse est maintenant rejetĂ©e et le consensus se porte sur la rivalitĂ© archaĂŻque entre les villes de Nekhen et Noubt. Cette idĂ©e a Ă©tĂ© avancĂ©e en 1960 par John Gwyn Griffiths dans son ouvrage The Conlict of Horus and Seth. DĂšs les plus anciennes attestations Ă©crites, le faucon Horus est liĂ© Ă la ville de Nekhen HiĂ©rakonpolis et son rival Seth Ă la ville de Noubt Ombos. Ă la fin de la pĂ©riode protohistorique, ces deux citĂ©s de Haute-Ăgypte jouent un rĂŽle politico-Ă©conomique essentiel et des tensions tribales existent alors entre les deux villes concurrentes. La lutte des Deux Combattants » pourrait symboliser les guerres menĂ©es par les fidĂšles dâHorus contre ceux de Seth. Sous le roi Narmer, probablement le lĂ©gendaire MĂ©nĂšs, ce conflit sâest soldĂ© par la victoire de Nekhen. Dâautres universitaires comme Henri Frankfort et Adriaan de Buck ont minorĂ© cette thĂ©orie en considĂ©rant que les Ăgyptiens, Ă lâinstar dâautres peuplades antiques ou primitives, apprĂ©hendent lâunivers selon des termes dualistes fondĂ©s sur des paires contraires mais complĂ©mentaires homme / femme ; rouge / blanc ; ciel / terre ; ordre / dĂ©sordre ; Sud / Nord, etc. Dans ce cadre, Horus et Seth sont les parfaits antagonistes. Leur lutte symbolise tous les conflits et toutes les disputes oĂč finalement lâordre incarnĂ© par Horus doit soumettre le dĂ©sordre personnifiĂ© par Seth. En 1967, Herman te Velde abonde dans ce sens dans Seth, God of Confusion, une monographie consacrĂ©e au turbulent Seth. Il estime que le mythe archaĂŻque de lâaffrontement dâHorus et Seth ne peut avoir Ă©tĂ© entiĂšrement inspirĂ© dâĂ©vĂ©nements guerriers survenus Ă lâaube de la civilisation pharaonique. Les origines du mythe se perdent dans les brumes des traditions religieuses de la prĂ©histoire. Les mythes ne sont jamais inventĂ©s de toutes piĂšces mais rĂ©sultent de reformulations successives professĂ©es des croyants inspirĂ©s. Les maigres donnĂ©es archĂ©ologiques qui nous sont parvenues de cette lointaine Ă©poque sont dâinterprĂ©tation dĂ©licate et ne peuvent guĂšre aider Ă reconstituer la genĂšse de ce mythe. Contrairement Ă Horus qui incarne lâordre pharaonique, Seth est un dieu sans limites, irrĂ©gulier et confus qui veut avoir des relations tantĂŽt hĂ©tĂ©rosexuelles, tantĂŽt homosexuelles. Les testicules de Seth symbolisent tant les aspects dĂ©chaĂźnĂ©s du cosmos tempĂȘte, bourrasques, tonnerre que ceux de la vie sociale cruautĂ©, colĂšre, crise, violence. Dâun point de vue rituel, lâĆil dâHorus symbolise les offrandes offertes aux dieux et a pour contrepartie les testicules de Seth. Pour que lâharmonie puisse advenir, Horus et Seth doivent ĂȘtre en paix et dĂ©partagĂ©s. Une fois vaincu, Seth forme avec Horus un couple pacifiĂ©, symbole de la bonne marche du monde. Lorsque le pharaon est identifiĂ© Ă ces deux divinitĂ©s, il les incarne donc comme un couple de contraires en Ă©quilibre. Investiture pharaonique Le couronnement de pharaon est un enchaĂźnement complexe de rituels variĂ©s dont lâordonnancement exact nâest pas encore bien reconstituĂ©. Le papyrus dramatique du RamessĂ©um, trĂšs fragmentaire, semble ĂȘtre un guide ou un commentaire illustrĂ© du rituel mis en place pour lâavĂšnement de SĂ©sostris Ier XIIe dynastie. LâinterprĂ©tation de ce document difficile Ă comprendre est encore dĂ©battue. Selon lâAllemand Kurt Sethe et le Français Ătienne Drioton, lâinvestiture pharaonique est une sorte de spectacle sacrĂ© avec le nouveau souverain pour principal acteur. Lâaction est centrĂ©e sur les dieux Osiris et Horus et son dĂ©roulement sâinspire du mythe archaĂŻque de lâaffrontement dâHorus et Seth augmentĂ© de lâĂ©pisode plus rĂ©cent dâHorus condamnant Seth Ă porter la momie dâOsiris. LâĂgypte antique a fondĂ© sa civilisation sur le concept de la dualitĂ©. Le pays est ainsi perçu comme lâunion des Deux Terres ». Principal symbole de la royautĂ©, la couronne Pschent, les Deux Puissances », est la fusion de la couronne rouge de Basse-Ăgypte avec la couronne blanche de Haute-Ăgypte. Le pharaon incarne dans sa personne les Deux Combattants », Ă savoir Horus de Nekhen et Seth de Noubt. Le second est toutefois subordonnĂ© au premier et, dans les textes, la prĂ©sĂ©ance est toujours accordĂ©e Ă Horus. EmblĂšme de lâunification rituelle du pays, Horus et Seth dĂ©signent lâautoritĂ© monarchique. DĂšs la Ire dynastie, le roi en exercice est un Horus-Seth » comme lâindique une stĂšle datĂ©e du roi Djer oĂč la reine est Celle qui voit Horus, sceptre hĂ©tes dâHorus, celle qui Ă©paule Seth ». Plus tard, sous KhĂ©ops, ce titre est simplifiĂ© et la reine est Celle qui voit Horus-Seth ». Sous la IIe dynastie, le faucon dâHorus et le canidĂ© de Seth surmontent conjointement le Serekh du roi KhĂąsekhemoui. DĂšs lâAncien Empire, lâiconographie royale montre le binĂŽme Horus et Seth en train de couronner le pharaon ou sous le Moyen Empire en train dâunir le papyrus et le lotus, les plantes hĂ©raldiques des deux royaumes, dans les scĂšnes du Sema-taouy ou rite de la RĂ©union des Deux-Terres ». Horus et la titulature royale La titulature du pharaon avait une grande importance et Ă©tait chargĂ©e dâune puissance magique considĂ©rable. Elle sâenrichit et se dĂ©veloppe Ă partir de la Ire dynastie et parvient Ă son aboutissement â cinq noms diffĂ©rents mis ensemble â sous la Ve dynastie. Lâassemblage des cinq composantes constitue le ren-maĂą ou nom authentique » par lequel pharaon dĂ©finit sa nature divine. La titulature est Ă©tablie lors du couronnement mais est susceptible dâĂ©voluer au cours du rĂšgne selon les circonstances politiques et les Ă©volutions religieuses du moment. Toute modification signale ainsi des inflexions dans les intentions royales ou des dĂ©sirs divins nouveaux imposĂ©s au souverain. Quels que soient son aspect et son rĂŽle â faucon cĂ©leste, dieu crĂ©ateur ou fils dâOsiris â Horus est le dieu dynastique par excellence. Aussi la premiĂšre composante de la titulature royale est-elle le Nom dâHorus, dĂ©jĂ portĂ© par les souverains de la Dynastie 0, Ă savoir les prĂ©dĂ©cesseurs de Narmer, considĂ©rĂ© dans lâhistoriographie comme le premier des pharaons. DĂšs les origines, le nom dâHorus sâest inscrit dans le Serekh, un rectangle toujours surmontĂ© du faucon sacrĂ©. Le registre infĂ©rieur reprĂ©sente la façade stylisĂ©e du palais royal vue de face tandis que lâespace oĂč est inscrit le nom est le palais vu en plan. La signification du Serekh est Ă©vidente le roi dans son palais est lâHorus terrestre, Ă la fois lâincarnation du dieu faucon et son successeur lĂ©gitime sur le trĂŽne dâĂgypte. Sous la Ire dynastie, se mettent en place le Nom de Nesout-bity, symbole de lâunion des Deux-Terres, et le Nom de Nebty patronnĂ© par les dĂ©esses Ouadjet et Nekhbet. Plus tard, sous la IVe dynastie sâajoute le Hor Noubt ou Nom de lâHorus dâOr », dont lâinterprĂ©tation est incertaine ; sous lâAncien Empire, il semble quâil ait Ă©tĂ© perçu comme lâunion des dieux Horus et Seth rĂ©conciliĂ©s en la personne royale. Finalement, sous le rĂšgne de DjĂ©defrĂȘ apparaĂźt le cinquiĂšme nom, le Nom de Sa-RĂȘ ou Fils de RĂȘ » qui place le pharaon sous la filiation spirituelle de RĂȘ, autre dieu faucon aux aspects cĂ©leste et solaire. Horus dans le mythe osirien En tant que fils dâOsiris, Horus occupe une grande place dans le mythe osirien. Adulte, le dieu faucon est le dĂ©fenseur acharnĂ© des droits rĂ©galiens de son pĂšre dĂ©funt. Encore enfant, ses annĂ©es de jeunesse sont troublĂ©es par de nombreux alĂ©as. Constamment proche de la mort en raison des attaques de scorpions et de serpents, le jeune Horus, toujours sauvĂ© par Isis, est devenu dans la croyance populaire un dieu sauveur et guĂ©risseur. Horus, protecteur dâOsirisHorus, fils dâOsiris Selon lâĂ©gyptologue français Bernard Mathieu, lâapparition dâOsiris au tournant des IVe et Ve dynasties est le rĂ©sultat dâune rĂ©forme religieuse de grande ampleur menĂ©e par les thĂ©ologiens dâHĂ©liopolis. Le mythe osirien provient dâun processus de reformulation oĂč le trĂšs archaĂŻque Horus, archĂ©type du dieu-souverain, a dâabord Ă©tĂ© assimilĂ© aux dieux Atoum-RĂȘ et Geb puis sâest vu dotĂ© dâun aspect purement funĂ©raire sous les traits dâOsiris, chef des esprits dĂ©funts. La rĂ©forme conduit Ă la crĂ©ation dâune lignĂ©e de neuf divinitĂ©s, lâEnnĂ©ade dâHĂ©liopolis composĂ©e dâAtoum, Shou, Tefnout, Geb, Nout, Osiris, Isis, Seth et Nephtys. Dans ce mythe renouvelĂ©, Horus devient le fils du couple Osiris-Isis et le neveu de Seth. Ce dernier tue Osiris qui ressuscite grĂące Ă lâintervention dâIsis. Les Textes des pyramides attestent des nouveaux liens familiaux attribuĂ©s Ă Horus. Lâexpression Hor sa Ousir Horus fils dâOsiris » apparaĂźt dans de nombreux passages. Dans une moindre mesure, on rencontre les appellations Hor renpi Horus le jeune » et Hor khered nechen Horus lâenfant nourrisson », prĂ©figurations du thĂ©onyme tardif de Hor pa khered Horus lâenfant » Harpocrate seulement forgĂ© aprĂšs la fin du Nouvel Empire. Lâexpression Hor sa Aset Horus fils dâIsis » HorsaĂŻsĂ© nâapparaĂźt quâau sortir de la PremiĂšre PĂ©riode intermĂ©diaire. Les Textes des pyramides nâignorent toutefois la filiation par la mĂšre, dont tĂ©moignent les expressions son Horus Ă elle », son Horus » en parlant dâIsis. Osiris, le dieu assassinĂ© Osiris est le plus cĂ©lĂšbre des dieux funĂ©raires Ă©gyptiens. Avec Isis, son Ă©pouse, sa popularitĂ© ira croissante durant toute lâhistoire religieuse Ă©gyptienne. Ă la Basse Ă©poque puis durant la pĂ©riode grĂ©co-romaine, le dieu bĂ©nĂ©ficie dâune ou plusieurs chapelles dans les principaux temples du pays. LĂ , durant le mois de Khoiak, sâexercent les cĂ©rĂ©moniels des MystĂšres dâOsiris qui sont la rĂ©actualisation du mythe par la grĂące du rite. Lâhistoire de son assassinat et de son accĂšs Ă la vie Ă©ternelle a fait sa gloire, chaque individu en Ăgypte sâidentifiant Ă son sort. Les sources Ă©gyptiennes sont assez elliptiques Ă propos du meurtre dâOsiris. Les grandes lignes du mythe ont Ă©tĂ© exposĂ©es pour la premiĂšre fois par le Grec Plutarque au IIe siĂšcle. Seth, jaloux de son frĂšre, assassine le roi Osiris en lâenfermant dans un coffre et en jetant celui-ci dans le fleuve. AprĂšs de longues recherches, Isis retrouve la dĂ©pouille Ă Byblos, la ramĂšne au pays et la cache dans les marais du Delta. Au cours dâune partie de chasse, Seth dĂ©couvre le corps et, fou furieux, dĂ©membre Osiris en quatorze morceaux quâil jette au loin. AprĂšs une longue quĂȘte, Isis retrouve les membres Ă©pars et reconstitue le corps en le momifiant. TransformĂ© en oiseau-rapace, Isis sâaccouple avec son dĂ©funt mari et conçoit Horus, un fils prĂ©maturĂ© et malingre. Devenu adulte, Horus entre en lutte contre Seth. AprĂšs plusieurs combats, Horus dĂ©fait son rival et se fait proclamer roi dâĂgypte Sur Isis et Osiris, § 13-19. HarendotĂšs ou la solidaritĂ© familiale Connu en Ă©gyptien comme Hor-nedj-itef Horus le dĂ©fenseur de son pĂšre » ou Horus qui prend soin de son pĂšre », HarendotĂšs est la forme dâHorus sous lâapparence du fils attentionnĂ©. En Ăgypte antique, lâamour du fils envers le pĂšre est une des plus hautes valeurs morales. Cet amour filial est tout aussi important que lâamour qui doit rĂ©gner au sein du couple homme-femme incarnĂ© par la relation Osiris-Isis. Bien que fils posthume, Horus est le dĂ©fenseur pugnace des droits de son pĂšre usurpĂ©s par Seth. AprĂšs son assassinat, Osiris se trouve retranchĂ© de la communautĂ© des dieux et privĂ© de son statut royal. Devenu adulte, Horus ne poursuit quâun seul but rĂ©tablir Osiris dans sa dignitĂ© et son honneur de roi. DĂšs les Textes des pyramides, nombre de textes affirment quâHorus a rendu Ă son pĂšre ses couronnes et quâil a fait de lui le roi des dieux et le souverain de lâempire des morts. Le rĂ©tablissement social dâOsiris sâincarne dans deux images constamment rappelĂ©es dans les liturgies funĂ©raires celle du redressement de la momie Osiris ne gĂźt plus, mais est debout et celle de lâhumiliation de Seth, lâassassin Ă©tant condamnĂ© par Horus Ă porter la lourde momie dâOsiris vers son tombeau30 Ă Osiris roi ! Horus tâa mis Ă la tĂȘte des dieux, il a fait en sorte que tu prennes possession de la couronne blanche, de la dame ou tout ce qui est tien. Horus tâa trouvĂ©, et câest heureux pour lui. Sors contre ton ennemi ! Tu es plus grand que lui en ton nom de grand sanctuaire ». Horus a fait en sorte de te soulever en ton nom de grand soulĂšvement », il tâa arrachĂ© Ă ton ennemi, il tâa protĂ©gĂ© en son temps. Geb a vu ta forme et tâa mis sur ton trĂŽne. Horus a Ă©tendu pour toi ton ennemi sous toi, tu es plus ancien que lui. Tu es le pĂšre dâHorus, son gĂ©niteur en ton nom de gĂ©niteur ». Le cĆur dâHorus occupe une place prééminente auprĂšs de toi en ton nom de Khentimenty. » â Textes des pyramides, chap. 371. Traduction de Jan Assmann1. Jugement du mort Bien plus que les Textes des pyramides et les Textes des sarcophages, assez mĂ©connus des contemporains, le Livre des Morts, du fait de ses riches illustrations, bĂ©nĂ©ficie dâune grande notoriĂ©tĂ© auprĂšs du grand public. Parmi les illustrations les plus fameuses figure la scĂšne du jugement de lâĂąme chapitres 33B et 125. Le cĆur du mort est posĂ© sur lâun des deux plateaux dâune grande balance Ă flĂ©au, tandis que la dĂ©esse MaĂąt Harmonie, sur lâautre plateau, sert de poids de rĂ©fĂ©rence. La mise en image de cette pesĂ©e ne remonte pas au-delĂ du rĂšgne dâAmenhotep II dĂ©but de la XVIIIe dynastie mais sera inlassablement reproduite durant seize siĂšcles jusquâĂ la pĂ©riode romaine. Selon les exemplaires du Livre des Morts, Horus sous son aspect dâhomme hiĂ©racocĂ©phale est amenĂ© Ă jouer deux rĂŽles diffĂ©rents. Il peut apparaĂźtre prĂšs de la balance comme le maĂźtre de la pesĂ©e ». Il maintient Ă lâhorizontale le flĂ©au afin que le cĆur et la MaĂąt se trouvent Ă lâĂ©quilibre. Le dĂ©funt est considĂ©rĂ© comme exempt de fautes et se voit proclamĂ© Juste de voix », câest-Ă -dire admis dans la suite dâOsiris. Ă la fin de la XVIIIe dynastie ce rĂŽle de contrĂŽleur est le plus souvent confiĂ© Ă Anubis. Horus apparaĂźt alors dans le rĂŽle dâ accompagnateur du mort ». AprĂšs la pesĂ©e, le mort est conduit devant Osiris assis sur son trĂŽne et accompagnĂ© dâIsis et Nephtys, les deux sĆurs debout derriĂšre lui. Dans quelques exemplaires, le rĂŽle dâaccompagnateur est dĂ©volu Ă Thot mais, le plus souvent, câest Ă Horus que revient cette charge. Dâune main, Horus salue son pĂšre et de lâautre, il tient la main du dĂ©funt, qui, en signe de respect, sâincline devant le roi de lâau-delĂ . Reçu en audience, le dĂ©funt sâassoit devant Osiris. Le chapitre 173 du Livre des Morts indique les paroles prononcĂ©es lors de cette entrevue. Le dĂ©funt sâapproprie lâidentitĂ© dâHorus et, dans une longue rĂ©citation, Ă©numĂšre une quarantaine de bonnes actions quâun fils attentionnĂ© se doit dâeffectuer pour son pĂšre dĂ©funt dans le cadre dâun culte funĂ©raire efficace Paroles Ă dire Je te fais adoration, maĂźtre des dieux, dieu unique qui vit de la vĂ©ritĂ©, de la part de ton fils Horus. Je suis venu Ă toi pour te saluer ; je tâapporte la vĂ©ritĂ©, lĂ oĂč est ton ennĂ©ade ; fais que je sois parmi elle, parmi tes suivants, et que je renverse tous tes ennemis ! Jâai perpĂ©tuĂ© tes galettes dâoffrande sur terre, Ă©ternellement et Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu te saluer, mon pĂšre Osiris. Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu renverser tes ennemis. Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu chasser tout mal de toi. Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu abattre ta souffrance. ... Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu alimenter pour toi tes autels. ... Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu te consacrer les veaux-qehhout. Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu Ă©gorger pour toi les oies, les canards. Ă Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu prendre au lasso pour toi tes ennemis dans leurs liens. ... â Paul Barguet, Livre des Morts, extraits du chap. 173 Horus lâEnfantConception posthume dâHorus DâaprĂšs le mythe osirien rapportĂ© par Plutarque au IIe siĂšcle av. le jeune Horus est le fils posthume dâOsiris, conçu par Isis lors de son union avec la momie de son Ă©poux. Cet enfant serait nĂ© prĂ©maturĂ© et imparfait car faible des membres infĂ©rieurs . Dans la pensĂ©e pharaonique, les annĂ©es bĂ©nĂ©fiques du rĂšgne dâOsiris ne sont quâune sorte de prĂ©lude destinĂ© Ă justifier la proclamation dâHorus en tant que juste possesseur du trĂŽne. La transmission de la royautĂ© depuis Osiris le pĂšre assassinĂ©, via Seth le frĂšre usurpateur, vers Horus le fils attentionnĂ©, nâest possible que grĂące Ă lâaction efficace de la rusĂ©e Isis, une magicienne hors norme. AprĂšs lâassassinat et le dĂ©membrement de son Ă©poux, Isis retrouve les membres Ă©pars et reconstitue le corps dĂ©pecĂ© en le momifiant. GrĂące Ă son pouvoir magique, la dĂ©esse parvient Ă revivifier la dĂ©pouille du dieu dĂ©funt, juste le temps dâavoir une relation sexuelle avec lui, afin de concevoir Horus. Selon Plutarque, la seule partie du corps dâOsiris quâIsis ne parvint pas Ă retrouver est le membre viril car jetĂ© dans le fleuve et dĂ©vorĂ© par les poissons pagres, lĂ©pidotesn et oxyrhynques. Pour le remplacer, elle en fit une imitation . Cette affirmation nâest cependant pas confirmĂ©e par les Ă©crits Ă©gyptiens pour qui le membre fut retrouvĂ© Ă MendĂšs. Lâaccouplement mystique dâOsiris et Isis est dĂ©jĂ connu des Textes des pyramides oĂč il sâintĂšgre dans une dimension astrale. Osiris est identifiĂ© Ă la constellation Sah Orion, Isis Ă la constellation Sopedet Grand Chien et Horus Ă lâĂ©toile Soped Sirius. Dans lâiconographie, le moment de lâaccouplement posthume nâapparaĂźt quâau Nouvel Empire. La scĂšne figure gravĂ©e sur les parois de la chapelle de Sokar dans le [1] en Abydos. Sur lâun des bas-reliefs, Osiris est montrĂ© Ă©veillĂ© et couchĂ© sur un lit funĂ©raire. Ă lâimage dâAtoum lorsquâil Ă©mergea des eaux primordiales afin de concevoir lâuniversn 4, Osiris stimule manuellement son pĂ©nis en Ă©rection afin de provoquer une Ă©jaculation. Sur la paroi dâen face, un second bas-relief montre Osiris, en Ă©rection, sâaccouplant avec Isis transformĂ©e en oiseau rapace et voletant au-dessus du phallus. La dĂ©esse est figurĂ©e une seconde fois, Ă la tĂȘte du lit funĂ©raire tandis quâHorus est lui aussi dĂ©jĂ prĂ©sent, aux pieds de son pĂšre, sous lâapparence dâun homme hiĂ©racocĂ©phale. Les deux divinitĂ©s Ă©tendent leurs bras au-dessus dâOsiris en guise de protection. Dans ces deux fresques mythologiques qui se dĂ©roulent Ă lâintĂ©rieur mĂȘme du tombeau dâOsiris, prĂ©sent et futur se confondent en montrant lâaccouplement et en anticipant la rĂ©alisation de la future triade divine par la prĂ©sence conjointe dâOsiris, Isis et Horus. Horus contre Seth Deux Ă©pisodes majeurs ponctuent le mythe de la lutte dâHorus et Seth. Le premier est la naissance de Thot, le dieu lunaire, nĂ© de la semence dâHorus et issu du front de Seth. Le second est la perte momentanĂ©e de lâĆil gauche dâHorus, endommagĂ© par Seth. Cet Ćil est le symbole du cycle lunaire et des rituels destinĂ©s Ă revivifier les dĂ©funts. Aventures dâHorus et SethPapyrus Chester Beatty I Le mythe de lâaffrontement dâHorus et Seth est attestĂ© dans les plus anciens Ă©crits Ă©gyptiens que sont les Textes des pyramides. Cet ensemble de formules magiques et dâhymnes religieux se trouve gravĂ© dans les chambres funĂ©raires des derniers pharaons de lâAncien Empire. Il ne sâagit toutefois lĂ que dâallusions Ă©parses, ces Ă©crits Ă©tant des liturgies destinĂ©es Ă la survie post mortem et non pas des rĂ©cits mythologiques. Par la suite, ce conflit est Ă©voquĂ© tout aussi allusivement dans les Textes des sarcophages et le Livre des Morts. Dans lâĂ©tat actuel des connaissances Ă©gyptologiques, il faut attendre la fin du Nouvel Empire et la PĂ©riode ramesside XIIe siĂšcle pour voir rĂ©digĂ© un vĂ©ritable rĂ©cit suivi des pĂ©ripĂ©ties des deux divinitĂ©s rivalesn 6. Le mythe est consignĂ© sur un papyrus en Ă©criture hiĂ©ratique trouvĂ© Ă Deir el-MĂ©dineh ThĂšbes dans les restes dâune bibliothĂšque familiale. AprĂšs sa dĂ©couverte, le papyrus intĂšgre la collection de lâindustriel millionnaire Alfred Chester Beatty et demeure depuis conservĂ© Ă la BibliothĂšque Chester Beatty Ă Dublin. Son premier traducteur est lâĂ©gyptologue britannique Alan Henderson Gardiner publiĂ© en 1931 par lâOxford University Press. Depuis lors ce rĂ©cit est connu sous le titre des Aventures dâHorus et Seth en anglais The Contendings of Horus and Seth. Ce savant a portĂ© un regard assez condescendant sur ce rĂ©cit quâil jugeait appartenir Ă la littĂ©rature populaire et ribaude, sa morale puritaine dĂ©sapprouvant certains Ă©pisodes comme les mutilations dâIsis et Horus dĂ©capitation, amputation, Ă©nuclĂ©ation ou les penchants homosexuels de Seth. Depuis cette date, les Aventures ont Ă©tĂ© maintes fois traduites en langue française ; la premiĂšre Ă©tant celle de Gustave Lefebvre en 1949. Dans les travaux Ă©gyptologiques rĂ©cents, on peut se borner Ă citer la traduction livrĂ©e en 1996 par MichĂšle Broze. Cette analyse poussĂ©e a dĂ©montrĂ© la richesse littĂ©raire et la cohĂ©rence subtile dâune Ćuvre Ă©laborĂ©e par un scribe Ă©rudit, trĂšs habile dans une narration non dĂ©nuĂ©e dâhumour. RĂ©sumĂ© du mythe AprĂšs la disparition dâOsiris, la couronne dâĂgypte revient de droit au jeune Horus, son fils et hĂ©ritier. Mais son oncle Seth, le jugeant trop inexpĂ©rimentĂ©, dĂ©sire ardemment se faire proclamer roi par lâassemblĂ©e des dieux. Horus, appuyĂ© de sa mĂšre Isis, fait convoquer le tribunal des dieux Ă toute fin de rĂ©gler ce contentieux. RĂȘ prĂ©side, tandis que Thot tient le rĂŽle du greffier. Quatre-vingts ans sâĂ©coulent sans que le dĂ©bat progresse. Le tribunal est partagĂ© entre les tenants de la royautĂ© lĂ©gitime revenant Ă Horus, et RĂȘ qui voit en Seth son perpĂ©tuel dĂ©fenseur contre Apophis le monstrueux serpent des origines. Les dĂ©bats tournent en rond et nĂ©cessitent un avis extĂ©rieur. Câest donc Ă Neith, dĂ©esse de SaĂŻs, rĂ©putĂ©e pour son infinie sagesse, que Thot adresse une missive. La rĂ©ponse de la dĂ©esse est sans ambiguĂŻtĂ© la couronne doit revenir Ă Horus. Cependant, pour ne pas pĂ©naliser Seth, Neith propose de lui offrir les dĂ©esses Anat et AstartĂ© comme Ă©pouses. Le tribunal se rĂ©jouit de cette solution, mais RĂȘ, lui, reste sceptique. Horus ne serait-il pas un peu jeune pour assumer la direction du royaume ? AprĂšs quelques heurts entre les deux parties et excĂ©dĂ© par tant de tergiversations, RĂȘ ordonne le dĂ©placement des dĂ©bats vers lâĂle-du-Milieu. Furieux contre Isis, Seth demande que les dĂ©bats se poursuivent en son absence. La requĂȘte est acceptĂ©e par RĂȘ qui ordonne Ă Anti dâen interdire lâaccĂšs Ă toute femme. Mais câĂ©tait compter sans la tĂ©nacitĂ© de la dĂ©esse. Elle soudoie Anti et se rĂ©introduit dans lâenceinte du tribunal sous les traits dâune belle jeune femme. Rapidement, elle ne manque pas dâattirer lâattention de Seth. Tous deux finissent par converser et, troublĂ© par tant de beautĂ©, Seth sâĂ©gare dans des propos compromettants en reconnaissant sous cape la lĂ©gitimitĂ© filiale dâHorus ! La rusĂ©e Isis se dĂ©voile alors. Le coup de théùtre laisse Seth sans voix. Quant Ă RĂȘ, il ne peut que juger de lâimprudence de Seth qui sâest confiĂ©, sans prendre garde, Ă une inconnue. DĂ©pitĂ©, il ordonne le couronnement dâHorus et punit Anti pour sâĂȘtre laissĂ© corrompre par Isis. Mais le colĂ©rique Seth nâest pas dĂ©cidĂ© Ă en rester lĂ . Il propose Ă Horus une Ă©preuve aquatique oĂč les deux dieux se transforment en hippopotames. Celui qui restera le plus longtemps sous lâeau pourra devenir roi. Mais Isis, qui suit de prĂšs les mĂ©saventures de son fils, perturbe la partie. Elle sâattire finalement le mĂ©contentement dâHorus qui fou de rage la dĂ©capite et la transforme en statue de pierre. Mais Thot lui redonne la vie en lui fixant au cou une tĂȘte de vache. AprĂšs son mĂ©fait, Horus, prend la fuite vers le dĂ©sert. Mais, poursuivi par Seth il est rapidement rattrapĂ©. Prestement, Seth jette Horus Ă terre et lui arrache les deux yeux quâil enterre. La dĂ©esse Hathor, Ă©mue par le triste sort dâHorus, le guĂ©rit grĂące Ă un remĂšde de lait dâantilope. Apprenant cette histoire et lassĂ© de ces sempiternelles chamailleries, RĂȘ ordonne la rĂ©conciliation des deux belligĂ©rants autour dâun banquet. Mais une fois encore, Seth dĂ©cide de troubler la situation. Il invite son neveu Ă passer la soirĂ©e chez lui, ce que ce dernier accepte. La nuit, Seth sâessaye Ă fĂ©miniser Horus lors dâune relation homosexuelle afin de le rendre indigne du pouvoir royal. Toutefois, Horus parvient Ă Ă©viter lâassaut et recueille la semence de son oncle entre ses mains. Le jeune dieu accourt vers sa mĂšre. HorrifiĂ©e, elle coupe les mains de son fils et les jette dans le fleuve pour les purifier. Par la suite, elle masturbe son fils, recueille sa semence et la dĂ©pose sur une laitue du jardin de Seth. Insouciant, Seth mange la laitue et se trouve engrossĂ©. Devant tous les dieux, il donne naissance au disque lunaire qui sâĂ©lance hors de son front. Seth veut le fracasser Ă terre mais Thot sâen saisit et se lâapproprie. AprĂšs une ultime Ă©preuve aquatique, proposĂ©e par Seth et remportĂ©e par Horus, Osiris, restĂ© jusquâalors silencieux, intervient depuis lâau-delĂ et met directement en cause le tribunal quâil juge trop laxiste. En tant que dieu de la vĂ©gĂ©tation, il menace de couper les vivres Ă lâĂgypte et de dĂ©cimer la population par la maladie. Les dieux, bousculĂ©s par tant dâautoritĂ©, ne tardent pas Ă rendre un verdict favorable Ă Horus. Mais Seth nâest pas oubliĂ©. PlacĂ© aux cĂŽtĂ©s de RĂȘ, il devient celui qui hurle dans le ciel », le trĂšs respectĂ© dieu de lâorage. Mythe de lâĆil dâHorusHorus aveuglĂ© par Seth Dans le papyrus des Aventures dâHorus, Seth pour se dĂ©partager dâHorus propose quâils se transforment tous deux en hippopotames et quâils plongent en apnĂ©e dans les eaux du fleuve. Celui qui remonte avant trois mois rĂ©volus, ne sera pas couronnĂ©. Les deux rivaux se jettent dans le Nil. Mais Isis, craignant pour la vie de son fils, dĂ©cide dâintervenir. Elle confectionne une lance magique afin de harponner Seth pour lâobliger Ă Ă©merger hors des eaux. Elle lance son harpon mais celui-ci touche malheureusement Horus. Sans sâinterrompre, la dĂ©esse lance une seconde fois son harpon et touche Seth. Ce dernier lâimplore piteusement de lui retirer lâarme hors son corps ; ce quâelle fait. En constatant cette clĂ©mence, Horus se met en colĂšre et dĂ©capite sa mĂšre. AussitĂŽt, Isis se transforme en statue de pierre acĂ©phale RĂȘ-Harakhty poussa un grand cri et dit Ă lâEnnĂ©ade HĂątons-nous et infligeons-lui un grand chĂątiment ». LâEnnĂ©ade grimpa dans les montagnes pour rechercher Horus, le fils dâIsis. Or, Horus Ă©tait couchĂ© sous un arbre au pays de lâoasis. Seth le dĂ©couvrit et sâempara de lui, le jeta sur le dos sur la montagne, arracha ses deux yeux Oudjat de leur place, les enterra dans la montagne pour quâils Ă©clairassent la terre ... Hathor, Dame du sycomore du sud, sâen alla et elle trouva Horus, alors quâil Ă©tait effondrĂ© en larmes dans le dĂ©sert. Elle sâempara dâune gazelle, lui prit du lait et dit Ă Horus Ouvre les yeux, que jây mette du lait ». Il ouvrit les yeux, et elle y mit le lait elle en plaça dans le droit, elle en plaça dans le gauche, et ... elle le trouva rĂ©tabli. » â Aventures dâHorus et Seth extraits. Traduction de MichĂšle Broze Durant la pĂ©riode grĂ©co-romaine, soit plus dâun millĂ©naire aprĂšs la rĂ©daction des Aventures dâHorus et Seth, le Papyrus Jumilhac, une monographie consacrĂ©e aux lĂ©gendes anubiennes de la Cynopolitaine, ne manque pas dâĂ©voquer le mythe de la perte des yeux dâHorus. Seth ayant appris que les yeux Ă©taient enfermĂ©s dans deux lourds coffrets en pierre ordonne Ă des complices de les voler. Une fois en ses mains, il charge les coffrets sur son dos, les dĂ©pose au sommet dâune montagne et se transforme en gigantesque crocodile pour les surveiller. Mais Anubis transformĂ© en serpent se glisse auprĂšs des coffrets, prend possession des yeux et les dĂ©pose dans deux nouveaux coffrets en papyrus. AprĂšs les avoir enterrĂ©s plus au nord, Anubis sâen retourne auprĂšs de Seth afin de le consumer. Ă lâendroit oĂč Anubis enterra les yeux Ă©mergea un vignoble sacrĂ© oĂč Isis Ă©tablit une chapelle pour rester au plus prĂšs dâeux. BibliographieArchitecture Nathalie Baum, le Temple dâEdfou Ă la dĂ©couverte du Grand SiĂšge de RĂȘ-Harakhty, Monaco, le Rocher, coll. Champollion », 2007, 366 p. ISBN 9782268057958 S. AufrĂšre, Golvin, Goyon, LâĂgypte restituĂ©e Tome 1, Sites et temples de Haute Ăgypte, Paris, Errance, 1991, 270 p. ISBN 2-87772-063-2 Daniel SouliĂ©, Villes et citadins au temps des pharaons, Paris, Perrin, 2002, 286 p. ISBN 2702870384GĂ©nĂ©ralitĂ©s Jan Assmann, Mort et au-delĂ dans lâĂgypte ancienne, Monaco, Ăditions du Rocher, 2003, 685 p. 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